En transformant MicroStrategy en véhicule à effet de levier sur le Bitcoin, Michael Saylor a séduit les investisseurs en quête de gains amplifiés. Mais la baisse du BTC et la décorrélation inédite avec le S&P 500 révèlent aujourd’hui les limites de sa stratégie.
« Les jours du #Bitcoin sont comptés. Il semble que ce ne soit qu’une question de temps avant qu’il ne subisse le même sort que les jeux d’argent en ligne. » – Michael Saylor, en 2013, lorsque le BTC s’échangeait autour de 100 $
« #Bitcoin est un essaim de frelons cybernétiques au service de la déesse de la sagesse, se nourrissant du feu de la vérité, croissant exponentiellement pour devenir toujours plus intelligent, plus rapide et plus fort derrière un mur d’énergie cryptée. » – Michael Saylor, en 2020, alors que le BTC dépassait 7 000 $
Michael Saylor, désormais PDG de Strategy (anciennement MicroStrategy), semble n’avoir jamais fait les choses à moitié. Il exagère, mise trop gros, paie trop cher. Et aujourd’hui, alors que le Bitcoin décline, il pourrait bien être trop exposé.
Bloomberg résume la situation :
« Le S&P 500 a progressé de plus de 16 % en 2025, tandis que le bitcoin a reculé de 3 %. C’est la première fois depuis 2014 que les actions montent tandis que le token baisse — un écart inédit même lors des précédents ‘hivers crypto’. Ce décalage contredit les anticipations selon lesquelles les cryptomonnaies prospéreraient sous Donald Trump, supposé offrir un climat réglementaire favorable et encourager une nouvelle vague d’adoption institutionnelle. »
Les vieux démons de la bulle Internet
Saylor s’était déjà illustré à l’époque des dot.com. Porte-voix enflammé de la « révolution Internet », il avait surestimé la valeur de l’innovation et le rôle de sa propre société de logiciels, qui ne valait pourtant pas grand-chose. Il affirmait même :
« Je pense que mon logiciel va devenir si omniprésent, si essentiel, que s’il cesse de fonctionner, il y aura des émeutes. »
L’action de MicroStrategy avait grimpé en flèche… avant de s’effondrer lorsque le NASDAQ a plongé en mars 2000. Saylor a perdu 6 milliards de dollars en une seule journée, puis a dû régler plusieurs millions supplémentaires après des accusations d’irrégularités comptables par la SEC.
Un autre aurait levé le pied. Pas Saylor.
Il avait misé sur des noms de domaine premium – Angel.com, Wisdom.com, Voice.com – qu’il a revendus avec profit. Puis, lorsque le Bitcoin gravitait autour de 8 000 $, il a de nouveau plongé tête baissée dans ce qu’il percevait comme l’opportunité de sa vie.
Nous avons analysé comment l’argent factice nourrit les excès : 38 000 milliards de dollars de dette fédérale, 420 000 dollars pour le prix médian d’une maison, trois bulles simultanées à Wall Street, sans oublier les guerres, la corruption… et la décadence d’un empire vieillissant.
Face à ce désordre, certains cherchent des alternatives, des actifs qui, contrairement à la monnaie fiduciaire, promettent de ne pas se déprécier.
Les cryptomonnaies, malgré leurs défauts, ont prouvé leur utilité et leur résilience. Saylor, resté à la tête de MicroStrategy, y a vu un moyen de revenir au centre du jeu. Ce n’était pas une nouvelle stratégie commerciale, mais une manœuvre spéculative.
Transformer une entreprise en un véhicule de trading
Saylor a peu à peu transformé MicroStrategy en proxy du Bitcoin. Il a acheté des BTC, puis emprunté pour en racheter davantage. Une bénédiction pour les spéculateurs : plus besoin de gérer clés privées, portefeuilles ou sécurité ; il suffisait d’acheter MSTR.
Plus les investisseurs affluaient, plus le cours de l’action montait, finissant par atteindre le double de la valeur du Bitcoin détenu. MSTR offrait alors non seulement une exposition au BTC, mais aussi un effet de levier implicite.
Comme l’explique Matt Levine :
« MicroStrategy était un moyen d’investir dans le bitcoin à effet de levier, et elle a obtenu un bon effet de levier. Une personne qui emprunte pour acheter du BTC le fait de façon risquée — prêts coûteux, appels de marge… alors que MicroStrategy emprunte comme une entreprise, à long terme, sans appels de marge. Elle a émis des obligations convertibles à faible coupon, puis des actions privilégiées perpétuelles : elle pouvait emprunter indéfiniment pour acheter du bitcoin sans jamais rembourser. »
Mais la structure avait un talon d’Achille. En achetant des MSTR, vous obteniez l’équivalent d’une exposition au BTC… mais seulement la moitié de la quantité réelle que vous auriez eue en achetant du bitcoin directement. Tant que le prix montait, ce n’était pas un problème : le levier amplifiait les gains. Puis le BTC a chuté – et le levier s’est évaporé. Pire, il s’est retourné.
MicroStrategy n’est pas en danger immédiat : l’entreprise affirme disposer de suffisamment de liquidités en dollars pour tenir 21 mois. Et si le Bitcoin remonte, elle pourra respirer.
Mais comme le rappelle Matt Levine, l’effet de levier de MicroStrategy repose sur une particularité : ce sont ses propres investisseurs qui lui ont prêté l’argent, en achetant actions et obligations. Elle n’a pas à rembourser une banque, et si les conditions se resserrent…
Tant pis pour les actionnaires.
