L’assurance-vie luxembourgeoise fut pendant longtemps un placement réservé aux initiés. Après la faillite de la société FWU Life Insurance, le doute s’est installé. Les contrats du Grand-duché méritent-ils encore que l’épargnant s’y intéresse ?
L’assurance-vie luxembourgeoise ! Elle fut pendant longtemps un secret bien gardé, un tuyau que l’on s’échangeait en catimini à la fois pour montrer que l’on était bien informé et que l’on appartenait au petit cercle de ceux qui ont les moyens.
Mais qu’a-t-elle donc de si particulier ?
L’assurance-vie luxembourgeoise : « triangle de sécurité » et « super privilège »
L’assurance-vie luxembourgeoise ressemble, pour l’essentiel, à un contrat français classique par lequel l’assureur s’engage à verser une rente ou un capital à l’assuré ou à ses bénéficiaires en contrepartie du paiement d’une prime. La seule différence est que la compagnie d’assurance est sise dans le Grand-duché mosellan.
Une différence de taille cependant, car le contrat est encadré par le « triangle de sécurité » et bénéficie du « super privilège ». Que se cache-t-il précisément derrière ces deux formules ?
Ce que l’on appelle « triangle de sécurité » est une convention tripartite entre l’assureur, une banque et le Commissariat aux assurances (CAA). Lorsqu’un épargnant souscrit un contrat d’assurance-vie avec une compagnie d’assurance au Luxembourg, ses fonds ne sont pas déposés chez l’assureur, mais dans une banque dépositaire désignée par l’assureur. L’argent de l’épargnant est ainsi séparé des fonds propres de l’assureur qui est chargé de gérer le capital selon les termes du contrat.
L’organisme de régulation – le Commissariat aux assurances (CAA) – veille au respect de cette règle et, plus largement, à ce que la compagnie d’assurance satisfasse aux obligations légales et réglementaires. Il exerce un contrôle serré (chaque trimestre) sur la gestion des fonds déposés et la solvabilité de l’assureur.
Cette séparation des actifs des souscripteurs de ceux des assureurs permet de sécuriser les placements. En effet, si la compagnie d’assurance fait faillite, les actifs des épargnants sont protégés puisqu’ils sont détenus par une banque tierce agréée par le CAA. C’est alors qu’intervient le « super privilège ».
Ce « super privilège » consiste à considérer l’épargnant comme un créancier de premier ordre. Il est donc prioritaire pour récupérer son argent en cas de problème, sans limitation de montant. En France – est-il besoin de le rappeler – la garantie est limitée à 70 000 euros par assuré et par compagnie d’assurance !
« Triangle de sécurité » et « super privilège » font assurément de la réglementation luxembourgeoise l’une des meilleures du monde en matière de protection des créances et de sécurité des fonds.
On ajoutera que la loi Sapin n’existe pas au Luxembourg. Par conséquent, le gouvernement local n’a aucun moyen légal de bloquer l’épargne comme cela pourrait se faire en France.
L’assurance-vie luxembourgeoise offre, par ailleurs, l’avantage d’une grande diversification à commencer par la devise du contrat qui peut être différente de l’euro.
La faillite de FWU Life Insurance : un séisme dans le monde feutré de l’assurance-vie luxembourgeoise
Le 19 juillet 2024, l’entreprise d’assurance FWU Life Insurance Lux SA a informé le CAA qu’elle ne satisfaisait plus aux exigences de capital de solvabilité requis et de minimum de capital requis (MCR). Une information concomitante à la déclaration d’insolvabilité réalisée par sa société-mère FWU AG auprès du tribunal d’instance de Münich en raison de son surendettement.
Dès le 23 juillet 2024, le CAA bloquait les valeurs représentatives des provisions techniques auprès des établissements dépositaires afin de protéger les intérêts des preneurs et des bénéficiaires d’assurance. Il demandait, par ailleurs, à FWU de lui soumettre un plan de financement réaliste en vue de ramener, dans un délai de trois mois, les fonds propres de base éligibles au niveau du MCR. Parallèlement, le CAA suspendait temporairement l’émission, le rachat ou la conversion des parts du fonds.
Le 2 août 2024, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg nommait un commissaire de surveillance pour évaluer la situation financière de l’entreprise et identifier, dans un délai maximum de six mois, une solution de sortie de crise.
Le 22 janvier 2025, le CAA constatait que le délai de six mois accordés à FWU n’a pas permis à cette dernière de rétablir la couverture des engagements d’assurance par des actifs représentatifs éligibles. Il concluait donc logiquement à l’échec du plan de rétablissement et informait le public qu’il avait déposé une requête en dissolution et de mise en liquidation judiciaire à l’encontre de FWU auprès du tribunal d’arrondissement de Luxembourg.
La dissolution et la liquidation de FWU Life Insurance Lux SA ont été prononcées par la justice luxembourgeoise le 31 janvier 2025.
Les assurés ont reçu, fin juillet, une déclaration de créance pré-remplie (avec indication du montant de la créance éligible) et une note d’information de la part du liquidateur. Ils ont jusqu’au 31 janvier 2028 pour la signer et la renvoyer. Dans le même temps, le liquidateur a commencé à vendre les actifs financiers dans lesquels FWU a placé l’épargne de ses clients. Bien sûr, les épargnants ont la possibilité de contester le montant de la créance auprès des autorités judiciaires.
Il est aujourd’hui trop tôt pour savoir si le système luxembourgeois est vraiment protecteur pour les épargnants. Il faudra pour cela attendre la fin des opérations de remboursement qui potentiellement peuvent durer jusqu’en 2028 et l’épuisement des recours judiciaires.
Cependant, on peut d’ores et déjà craindre que les épargnants (parmi lesquels 34 000 Français) ne récupèrent pas la totalité de leurs avoirs, des supports en unités de compte affichant d’importantes pertes en capital, mais aussi parce que le liquidateur va prélever des frais en rémunération de son travail.
Quelles leçons tirer de la liquidation de FWU ?
De cette malheureuse affaire, il est possible de tirer quelques enseignements sur l’assurance-vie luxembourgeoise en particulier, et sur l’épargne en général.
Première leçon : intéressez-vous de très près à vos placements et à ceux qui les gèrent
Les observateurs attentifs savent que FWU Life Insurance Lux SA est le nom qu’a pris, en 2016, l’assureur Atlanticlux SA qui avait récupéré, en 2011, les contrats détenus en France par la société Excell Life International qui avait alors fait défaut.
Ils savent aussi que FWU s’est vu infliger une amende de 200 000 euros en 2022 par le CAA pour « déficiences détectées dans le processus de surveillance des produits et exigences en matière de gouvernance ». A l’époque, la sanction avait engendré des doutes quant à la transparence et la solidité de l’assureur, d’autant plus qu’elle était assortie d’une interdiction de commercialisation dans plusieurs pays dont la France.
Enfin, comme nous l’avons dit, FWU Life Insurance Lux SA a connu des problèmes parce que sa maison-mère allemande était elle-même en grande difficulté financière. Bref, les problèmes de FWU ne datent pas d’aujourd’hui et ils ont probablement mis la puce à l’oreille des épargnants les plus avisés.
Nous verrons dans le prochain article les autres raisons pour lesquelles les avantages mis en avant peuvent se révéler décevants.