** L’économie américaine est aussi instable qu’une relation commencée lors d’une soirée bien arrosée… et il en est de même pour le marché de l’immobilier commercial. Il se peut que ces deux beautés habillées de leurs plus belles toilettes se soutiennent mutuellement. Ou bien qu’elles trébuchent encore un petit moment sur leurs talons hauts avant de s’écrouler lamentablement l’une sur l’autre. Cette solution est d’ailleurs plus probable.
– L’économie américaine — pour continuer dans la métaphore — est déjà allée beaucoup trop loin pour pouvoir apporter son soutien à qui que ce soit. Elle a déjà la tête qui tourne, si l’on peut dire. Que va-t-il donc se passer pour le marché de l’immobilier commercial ? Comment va-t-il pouvoir rester sur ses pieds s’il ne peut plus s’appuyer sur les épaules de l’économie?
– Jetons un œil aux preuves, à la fois anecdotiques et empiriques, pour tenter d’y trouver les réponses à ces questions. D’abord, une anecdote troublante : la NAR (National Association of Realtors, Association américaine des agents immobiliers) ne voit aucun problème à l’horizon. La NAR préfère anticiper une tendance "saine" pour l’immobilier commercial en 2008.
– D’un point de vue contrarien, la confiance aveugle de la NAR est plus inquiétante que réconfortante.
– "Les fondamentaux de l’immobilier commercial sont en bonne santé, avec seulement une légère augmentation des taux d’inoccupation attendue en 2008 pour les secteurs des bureaux et de l’industrie", déclare le dernier rapport de la NAR sur les perspectives de l’immobilier commercial. "Avec l’augmentation des créations d’emploi, la demande en espaces de bureaux reste positive"…
– L’économiste en chef de la NAR, Lawrence Yun, respire lui aussi l’optimisme. "Le taux d’inoccupation dans les secteurs des commerces de détail et du multifamilial va certainement se resserrer en 2008", prédit-il, "avec une augmentation des loyers dans tous les secteurs".
– La NAR admet que "les restrictions de crédit ont récemment ralenti les activités d’investissement". Néanmoins, Patricia Nooney, présidente de l’Alliance commerciale des agents immobiliers, déclare que "malgré les restrictions de crédit, nous n’avons constaté aucun impact significatif sur les investisseurs institutionnels"…
** Si les experts immobiliers de la NAR restent optimistes malgré tout, nous devrions peut-être — en tant que non-initiés — adopter leur point de vue ? En un mot, non…
– L’espoir devient dangereux lorsqu’il nourrit les tromperies…
– En mai 2005, la chaîne CNBC a diffusé une émission sur le marché immobilier intitulée : "La bulle : réalité ou fiction ?" Le PDG de la NAHB (National Association of Home Builders, Association américaine des constructeurs de maisons) a débattu en faveur de la "fiction" tandis que votre serviteur a défendu son point de vue sur ce qu’il considère être une "réalité". Le PDG de la NAHB, Jerry Howard, n’a à aucun moment dévié de la ligne de son parti. Le marché immobilier va bien, n’a-t-il cessé de dire.
– Pour résumer la contribution de M. Howard au fascinant débat de CNBC, le site internet de la NAHB a déclaré : "Jerry s’est exprimé en face à face avec Eric Fry, auteur des chroniques financières paraissant dans le Daily Reckoning [version américaine de la Chronique Agora]… Jerry a insisté sur les bases solides de l’immobilier, parmi lesquelles des stocks bas, des fondations solides dans les ménages, et autres facteurs démographiques. Le présentateur Bill Griffeth a été forcé de reconnaître ‘qu’il y a de bonnes raisons pour que ce marché reste en forme’… Comme pour les marchés où les prix dépassent les revenus, Jerry a cité un récent rapport du FDIC qui minimise le risque d’une explosion de la bulle. En revanche, selon le FDIC, l’augmentation des prix va ralentir ou se stabiliser pendant quelques temps, jusqu’à ce que les revenus rattrapent les prix".
– Malheureusement, les prévisions de M. Howard se sont révélées erronées. Le marché de l’immobilier résidentiel a commencé à imploser à l’instant même où nous débranchions nos micros et sortions des studios de CNBC.
– Les marchés financiers n’écoutent pas les pom-pom girls de l’industrie. En réalité, les marchés financiers adorent mettre les pom-pom girls de l’industrie dans l’embarras. C’est ainsi que fonctionne le monde. Les marchés aiment aussi embarrasser les journalistes financiers trop sûrs d’eux et tous ceux qui osent annoncer des prévisions un peu trop précises. (C’est la raison pour laquelle nous essayons de ne pas dire aux marchés financiers ce qu’ils doivent faire. Nos prévisions ne sont pas plus justes que celles de M. Howard)
– Puisque les spécialistes de l’industrie de l’immobilier n’ont pas su reconnaître la fin du boom immobilier, se peut-il qu’ils ratent également la fin du boom de l’immobilier commercial ? Un investisseur prudent devrait envisager cette possibilité.