Si vous avez lu mes derniers éditos, vous savez désormais pourquoi le petit monde très subventionné de la culture n’a guère de mots tendres à l’égard du libéralisme.
Aujourd’hui, je vous propose de conclure notre feuilleton sur les frasques des Françoise Nyssen, Franck Riester et autres Roselyne Bachelot en remettant la culture à sa place : celle d’une marchandise comme une autre.
Une fois ce constat dressé, nous verrons qu’il n’y a pas 50 solutions pour redresser la barre : il faut passer le ministère de la Culture au napalm, l’abolir.
Sacré comme la Culture officielle en France…
Je vous propose de prendre pour point de départ cette déclaration présidentielle ô combien symptomatique de la situation.
Notez que cette conception des choses est répandue sur l’ensemble de l’échiquier politique français. Elle concerne aussi bien le premier personnage de l’Etat qu’une éphémère ministre devenue candidate à la mairie de Paris. Pour Agnès Buzyn, il va sans dire que les activités culturelles n’ont nullement vocation à rapporter de l’argent.
Notre Etat distingue deux types de professionnels : ceux qui exercent dans le domaine de la culture officielle, et les autres. La culture officielle revêtant chez nous un caractère quasi-sacré, la main de l’Etat la préserve de tous les risques inhérents à notre bas monde.
Dans les épisodes précédents, nous avons vu par le menu comment est mise en œuvre la protection de la caste du petit monde très coopté de la Culture subventionnée.
Naturellement, le sort de ceux qui ont le malheur d’exercer une activité profane est bien différent, en particulier si vous êtes à votre compte. Le cas échéant, je ne vous apprendrai rien en vous disant qu’après vous avoir brisé les genoux, le gouvernement n’oublie jamais de vous offrir un fauteuil roulant – telle est la tradition française.
Je ne sais pas ce que vous pensez du traitement réservé à la Culture, mais en ce qui me concerne, il y a tout de même un truc qui m’échappe…
« Ce que je vends n’est pas une marchandise… mais je veux quand même être payé ! »
Exerçant une activité bassement temporelle et terrestre, j’aimerais beaucoup qu’un énarque ou un artiste patenté m’explique pourquoi les contribuables devraient financer le sacerdoce culturel.
Si ce qu’essayent de nous vendre des Delphine Ernotte et autres Cédric Klapisch n’est ni un bien de consommation ni un service, alors pourquoi ces gens devraient-ils être payés ? De quel droit leur rémunération devrait-elle être garantie par l’Etat ?
Pardon de rappeler un principe économique de base mais ici-bas, les activités professionnelles ayant du mal à survivre sans le soutien prolongé de l’Etat disparaissent, et j’ai la faiblesse de penser que c’est dans l’ordre des choses.
Ce n’est pas parce qu’on fait un métier qui nous tient à cœur, voire nous passionne, que l’on se retrouve titulaire d’un droit à se faire financer par le contribuable. Cela vaut pour la culture comme pour n’importe quelle autre activité.
D’ailleurs, dire que la culture n’est « pas une marchandise comme les autres » (selon l’expression consacrée) revient à reconnaître que la culture est bel et bien une marchandise.
Non seulement la culture est une marchandise, mais la meilleure chose que l’Etat puisse faire pour qu’elle se diffuse, c’est d’arrêter de « l’aider » !
Je vous invite à vous poser la question suivante : quelles figures culturelles contemporaines verriez-vous bien finir au Panthéon, aux côtés de Voltaire, Rousseau, Hugo, Zola, Dumas et Malraux ? Quand vous vous baladez à l’étranger (dans votre vie d’avant), de quels artistes français vivants vos hôtes font-ils les louanges ?
Le bilan de notre Etat en matière culturelle est éclatant : c’est un désastre. De l’opinion de Charles Gave fin 2019 :
« Pour la première fois depuis 1 000 ans, il n’y a plus un seul grand intellectuel français, ni un grand peintre, ni un grand musicien, ni un grand dramaturge connu dans le monde entier […] et cette disparition a commencé avec la prise de contrôle par la gauche du ministère de la Culture. »
Si vous avez oublié comment s’est déroulée la reprise en main du ministère de la Culture par Jack Lang, je vous renvoie à ce billet.
Sauf à ce que vous soyez un fan inconditionnel de Luc Besson, je vous invite également à regarder cette vidéo de l’écrivain et critique de cinéma Eric Neuhoff :
Un extrait pour vous donner envie :
« Surtout, je crois que ça manque beaucoup de personnalité. […] On comprend que les gens aillent voir des séries, maintenant. On en est arrivés là parce que sur un film, plus personne ne prend de risque : le producteur est salarié – ce qui est une aberration –, le metteur en scène est sûr d’être payé, les comédiens touchent leur cachet. Et à mon avis, le cinéma, comme toutes les formes d’art, c’est quelque chose que personne ne vous demande. S’il n’y a pas de films, ça ne va pas changer la face du monde.
Il faudrait vraiment que ce soit une question de vie ou de mort, un film, pour que ce soit bon. Que le metteur en scène, s’il ne trouve pas de financement, hypothèque son appartement. […] Tandis que là, si c’est une histoire de salle de classe, faites-nous une gentille rédaction sur un Erythréen unijambiste qui arrive à Marseille et qui couche avec une bourgeoise, ce qui est un peu le pitch type du film français maintenant. Ça ne peut pas donner un chef d’œuvre. »
Le modèle culturel américain : l’éléphant dans couloir
Aux antipodes de la décrépitude de notre rayonnement culturel, il faut bien sûr évoquer l’extraordinaire hégémonie de la culture populaire américaine, laquelle s’est établie… sans ministre de la Culture.
Comme l’explique Le Quotidien de l’Art :
« La culture américaine est une industrie massive, autant au niveau national qu’international, et elle ne répond à aucune autorité politique, du moins directement. Il n’y a pas de ministère de la Culture aux Etats-Unis, ni membre du gouvernement désigné pour s’occuper des affaires culturelles. L’absence d’un tel poste peut sembler étrange aux personnes originaires de pays où le fonctionnement des théâtres et des orchestres, la construction de monuments et de musées relèvent du rôle de l’état.
Aux Etats-Unis, un pot-pourri d’entreprises et d’organisations diverses engrange des milliards de dollars grâce aux films, aux musées, à la musique et au plus grand marché de l’art au monde. Les messages envoyés par ces divers acteurs sont variés. »
Pour être exact, si les Etats-Unis n’ont pas de ministère de la Culture, ils ont une minuscule agence fédérale consacrée à ce domaine : le National Endowment for the Arts (Fonds national pour les arts, NEA). Créée en 1965, cette institution est certes subventionnée par des fonds fédéraux mais elle est en principe indépendante de l’exécutif.
Il faut resituer la naissance de cette agence dans le contexte de l’époque : les Etats-Unis et l’URSS étaient alors en pleine guerre froide, et l’art était un moyen de propagande dans les deux camps. Aujourd’hui, le NEA n’est doté que d’environ 150 millions de dollars par an – un budget dérisoire à l’échelle du pays, en particulier quand on sait que le budget du ministère de la Culture français absorbe plus de 4% du budget général de l’Etat.
La culture américaine n’a donc aucunement besoin de subventions publiques pour s’imposer mondialement. La société américaine fait simplement confiance à ses valeurs, au premier rang desquelles figure à la liberté.
Après tous ces billets dédiés au thème de la politique culturelle française, le moment est venu de tirer les conséquences de nos constats.
Pour sauver la culture française, il est urgent de passer le ministère de la Culture au napalm !
La culture se porte beaucoup mieux sans l’Etat et ses subventions.
A l’échelon national, les jeunes Français n’ont pas besoin d’un « pass culture » pour se cultiver, ni de fonctionnaires pour distinguer la « bonne culture » de la « mauvaise culture ». Ce dont nous avons besoin, c’est ça :
Au niveau international, la culture en général et la culture française en particulier n’ont pas non plus besoin de l’Etat pour se diffuser dans le monde.
Comme l’écrivait Mario Vargas Llosa :
« La chose la plus importante que j’ai apprise est que les cultures n’ont pas besoin d’être protégées par les bureaucrates et les forces de police, ou placées derrière des barreaux, ou isolées du reste du monde par des barrières douanières pour survivre et rester vigoureuses. Elles doivent vivre à l’air libre, être exposées aux comparaisons constantes avec d’autres cultures qui les renouvellent et les enrichissent, leur permettant de se développer et de s’adapter au flot constant de la vie.
La menace qui pèse sur Flaubert et Debussy ne vient pas des dinosaures de Jurassic Park mais de la bande de petits démagogues et chauvinistes qui parlent de la culture française comme s’il s’agissait d’une momie qui ne peut être retirée de sa chambre parce que l’exposition à l’air frais la ferait se désintégrer. »
Il est donc urgent de passer le ministère de la Culture au napalm.
Chaque jour, nos voisins suisses nous montrent qu’un pays peut se porter à merveille avec seulement sept ministères. Avec 15 ministères au lieu de 16, je fais le pari que la France devrait s’en sortir ! Et vous ?