Le cocktail hausse généralisée des prix et absence de croissance échappe aux théories économiques récentes. C’est normal, ces théories sont fausses…
« Ce que j’ai appris à la Réserve fédérale, c’est un nouveau langage appelé ‘jargon Fed’. On apprend vite à marmonner avec grande incohérence ».
— Alan Greenspan, ancien président de la Réserve fédérale
Alan Greenspan est en pleine forme. Agé de 92 ans, il était à la télévision cette semaine pour avertir les téléspectateurs qu' »à moins de reprendre le contrôle de la dette », l’enfer se déchaînerait.
Greenspan est l’une des personnalités les plus intéressantes de l’économie moderne. Contrairement à ses successeurs, Bernanke et Yellen, il n’est pas un simplet jamais sorti de son université. Il avait autrefois une idée très claire du fonctionnement d’une économie. Il a compris le rôle essentiel de l’or, par exemple, et a averti que l’éliminer du système monétaire américain causerait des ennuis.
Voici ce qu’il disait en 1966 :
« Tel est le misérable secret des tirades des partisans de l’Etat-providence contre l’or. Les dépenses déficitaires ne sont qu’un plan de confiscation de la richesse. L’or vient entraver ce processus insidieux. Il fait office de protection du droit à la propriété. Si l’on comprend cela, on n’a aucune difficulté à comprendre l’antagonisme des étatistes vis-à-vis de l’étalon-or ».
Nous l’avons invité dans nos bureaux à Baltimore à la fin 2016. Nous voulions voir s’il avait toujours les idées en place. Mais c’était difficile à déterminer. Habile et évasif, M. Greenspan a résisté aux questions directes.
Un vieux renard
Dans les années 1970, la carrière de M. Greenspan a pris un virage étonnant. Il a dû voir que la gloire, la fortune et le statut vont rarement aux économistes honnêtes et aux idées claires.
Un véritable économiste observe les folies humaines, un sourire narquois aux lèvres… C’est un cynique aux poches vide. Ce n’est pas un politicien, un fonctionnaire, une bonne âme, un vendeur ou un gestionnaire. Et ce n’est certainement pas un faiseur de miracles.
- Greenspan voulait ce qu’un vrai économiste ne peut obtenir — comme par exemple son visage en couverture du TIME. Il savait qu’il ne pouvait pas l’obtenir en disant la vérité. Il a donc marmonné.
Mais le vieux renard était parfaitement clair la semaine dernière. Il a averti que nous assisterons à des hausses de taux et une hausse du chômage. La « stagflation », en d’autres termes.
Greenspan sur Bloomberg :
« On entre désormais dans un système qui n’a aucune issue équilibrée à part l’inflation et aucune croissance de la productivité ».
L’Agence France Presse en a la confirmation, au moins pour la partie « flation » :
« L’inflation des prix à la consommation aux Etats-Unis a connu une petite hausse en octobre, les prix du carburant et de l’électricité grimpant en flèche, parallèlement au coût du logement et des soins médicaux, a rapporté le gouvernement mercredi. L’augmentation des prix à la consommation dans leur ensemble a été la plus importante de ces neuf derniers mois ».
Et puis est venue cette observation du Washington Post, qui confirme quant à elle la partie « stag » :
« La hausse des prix a effacé les maigres augmentations de salaires des travailleurs américains, le dernier signe en date que la robuste croissance économique ne s’est pas traduite par une prospérité accrue pour les classes moyennes et ouvrières.
Le coût de la vie a grimpé de 2,9% entre juillet 2017 et juillet 2018, a déclaré le département du Travail vendredi, un taux d’inflation supérieure à l’augmentation de 2,7% des salaires sur la même période. Le ‘salaire réel’ américain moyen, une mesure fédérale tenant compte de l’inflation, a chuté à 10,76 $ l’heure le mois dernier, soit une baisse de deux cents par rapport à son niveau il y a un an.
La stagnation des salaires défie la croissance américaine, qui s’est accélérée l’an dernier et a dépassé les 4% au deuxième trimestre 2018 — le niveau le plus élevé depuis la mi-2014. »
Un monde gagnant-gagnant
Vous vous rappellerez que la « stagflation » était considérée comme impossible. La courbe de Phillips suggérait que l’inflation nourrissait l’emploi. C’est pour cette raison que les autorités courent après une cible d’inflation de 2% plutôt que 0%.
Ils pensent que l’argent supplémentaire vient augmenter la demande de consommation… si bien que les gens doivent ensuite se mettre à travailler pour produire des choses à vendre.
Ce sont là des sottises, bien entendu. « Les produits sont achetés avec des produits », pas uniquement avec de l’argent, a déclaré Jean-Baptiste Say, grand économiste français du 19ème siècle.
Il décrivait le monde réel… le monde gagnant-gagnant. Si vous voulez quelque chose, vous devez donner autre chose en retour. Ce qui signifie que vous devez produire quelque chose à donner — et pas uniquement un bout de papier imprimé.
Cette idée fondamentale est au cœur de la civilisation (échanger, partager, coopérer… plutôt que voler). Elle est aussi au cœur du progrès et de la prospérité (plus vous voulez, plus vous devez inventer de produits nouveaux et améliorés).
Mais le véritable métier de la plupart des économistes modernes n’est pas simplement de raconter des mensonges apaisants et incohérents ; il consiste aussi à empêcher les gens de voir la vérité.
Les lunettes roses ne suffisent pas. Ils visent les yeux… avec des objets pointus, des théories absurdes et des mensonges extravagants.
Ils disent aux gens qu’ils peuvent s’enrichir par magie — et viennent augmenter la masse monétaire, abaisser le taux d’intérêt, manipuler les statistiques ou dépouiller les futures générations en accumulant des dettes en quantités obscènes.
Fin de bulle
Lorsqu’on lui a demandé si la baisse d’impôt pourrait provoquer assez de croissance supplémentaire pour augmenter les revenus fédéraux et réduire les déficits, M. Greenspan a été inhabituellement direct.
« Non… aucune chance », l’avons-nous entendu dire. « On obtient un petit ‘rebond’ au début, mais [dans le cas présent] il est déjà quasiment terminé. Après cela, une baisse d’impôts n’a aucun sens, sauf si l’on est prêt à la ‘financer’… c’est-à-dire à réduire les dépenses ».
« On n’a rien sans rien », aurait-il pu dire, fournissant un slogan bien pratique pour résumer toute notre ère de fin de bulle.
Une baisse d’impôts non-financée n’est qu’une arnaque, qui fait passer le fardeau des usines à gaz gouvernementales des contribuables actuels vers les contribuables de demain. L’argent (le produit !) doit venir de quelque part.
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Dans la mesure où notre propre point de vue s’aligne joliment avec celui de l’ancien président de la Fed, alias Alan « Bulles » Greenspan, nous présumons que nous avons tort tous les deux.
Mais on ne sait jamais.