▪ Nous ne sommes pas resté assez longtemps en Israël pour négocier un nouvel accord de paix. Mais nous avons pu célébrer le soixantième anniversaire d’un lecteur… et acquérir quelques notions d’histoire du Levant.
« Jérusalem est un centre religieux depuis des milliers d’années », a expliqué notre guide. « C’est sur cette colline qu’Abraham est arrivé après un long voyage qui a commencé dans ce qui est aujourd’hui l’Irak. Il est venu avec sa femme Sarah. Puis un messager de Dieu est venu et lui a dit qu’il aurait un enfant de Sarah — ce qui a fait rire cette dernière parce qu’elle avait 90 ans. Mais la prophétie s’est révélée exacte. Elle eut un enfant qu’ils appelèrent Isaac, ce qui signifie ‘rire’. »
« Abraham était le fondateur des Juifs. Avant qu’il n’arrive, la tribu n’existait pas. Il a été le proto-Juif… l’original… Jusqu’alors, ils n’étaient qu’un groupe de Sémites dans le Croissant fertile ».
« Bon, vous connaissez le reste de l’histoire. C’est dans le Tanakh et dans l’Ancien Testament. Les fils d’Abraham sont allés en Egypte, probablement parce qu’ils avaient faim. Ici, c’est sec. L’Egypte a des inondations régulières qui rendent la terre plus riche et plus productive ».
« Ensuite, Moïse a mené la tribu hors de l’esclavage en Egypte. Ils ont erré dans le désert du Sinaï pendant 40 ans… où Dieu leur a donné les 10 commandements et bon nombre d’autres lois et coutumes juives que nous observons encore aujourd’hui. Enfin, ils sont arrivés à Jéricho, au bord de la Mer Morte. Josué s’est emparé de Jéricho… puis les Juifs se sont établis dans toute la région, de la vallée du Jourdain — qui inclut la mer de Galilée au nord et la mer Morte au sud — jusqu’à la côte ».
« Depuis, les Juifs luttent soit pour reprendre la Terre Promise, soit pour la conserver. Ils luttent encore ».
Nous sommes allé au musée d’Israël… au musée des Terres de la Bible… et au musée des Manuscrits de la Mer Morte. Il y avait trop à voir… trop d’histoire… trop d’invasions et d’insurrections. Sont-ce les Akkadiens ou les Hittites qui ont soumis les premiers les Israélites ? Etait-ce après la première ou la deuxième révolte que les Romains ont détruit le temple ? Les Hasmonéens sont-ils des Macchabées ?
Tant de choses à savoir. Et pour quoi ? Ne suffit-il pas de savoir que l’histoire d’Israël est une longue série de sanglants désastres ? Le reste n’est que détails. Il est facile de se perdre dans les détails. On en oublie de demander : à quoi bon ?
▪ Sur les pentes de Massada
L’un des endroits les plus frappants d’Israël est Massada. C’est une forteresse en pleine montagne, où quelques centaines de zélotes juifs se sont donné la mort, à eux et à leurs familles, plutôt que de se rendre aux Romains. C’est du moins l’histoire. Notre guide n’y croyait pas.
« Notre seule source, pour cette histoire », a-t-il dit, « est l’historien Flavius Josèphe. C’était un Juif qui avait mené la résistance contre les Romains en Galilée. Mais il a été fait prisonnier et il a trahi. Je ne fais confiance à aucun de ses écrits ».
Il faut dire que Flavius Josèphe donne pas mal de raisons de douter. Dans son compte-rendu de ce qui est arrivé en Galilée, il déclare que lui et 40 insurgés étaient pris au piège dans une grotte. Plutôt que de se rendre aux Romains, ils ont décidé de mourir. La loi juive considère le suicide comme une abomination, si bien qu’ils se sont entre-tués… jusqu’à ce qu’il ne reste plus que deux hommes vivants, qui se rendirent — Flavius Josèphe était l’un d’eux.
Flavius Josèphe était soit très malin, soit très chanceux. Il affirma au commandant romain, Vespasien, qu’il avait eu une vision dans laquelle Vespasien devenait empereur. Lorsque cela devint réalité, Flavius Josèphe fut considéré comme un devin de premier ordre ; on l’emmena à Rome, où il fut libéré et se vit attribuer la citoyenneté romaine.
Lorsqu’une autre révolte se déclara à Jérusalem, le commandant romain Titus prit Flavius Josèphe avec lui comme interprète et conseiller. Flavius Josèphe recommanda aux Juifs de se rendre. Ils refusèrent. Après une bataille longue et coûteuse, les Romains eurent le dessus… et détruisirent le temple et Jérusalem.
C’est peu après ces événements qu’un petit groupe de zélotes juifs s’est retranché dans la forteresse abandonnée de Massada, au sommet d’une montagne, pour livrer un dernier combat contre les envahisseurs romains.
Aujourd’hui, pour arriver à la forteresse, on longe la mer Morte. Il fait chaud ; le paysage est stérile. L’eau de la mer Morte est toxique. Aucun poisson n’y vit. On ne peut pas la boire. On ne peut pas l’utiliser pour l’irrigation.
Lorsqu’on voit Massada, la première chose qui vient à l’esprit est une question : pourquoi quiconque voudrait y être ? A quoi bon ?
La réponse à cette question est une controverse.
« Elle a été construite par Hérode le Grand », expliqua notre guide. « Mais nous ne savons pas s’il y a vraiment mis les pieds. Comme vous pouvez le voir, elle est très difficile d’accès ».
« Difficile » est un euphémisme. Il faut traverser des kilomètres de désert pour arriver à la montagne, perdue au milieu de nulle part. De nos jours, on y monte en téléphérique. Mais avant que les ingénieurs suisses ne le construisent il y a quelques années, il fallait monter à pied, le long d’un défilé étroit et escarpé connu sous le nom de « Sentier du Serpent ». Dans la chaleur du jour, c’est un processus long… et parfois fatal.
Ensuite, lorsqu’on arrive au sommet, on s’aperçoit qu’on a atteint exactement ce qu’on pensait que ce serait — un sommet inhabitable.
▪ Un projet insensé
« Cela n’a pas toujours été ainsi », nous a expliqué notre guide. « Ils avaient un moyen simple mais efficace de capter l’eau de pluie de toutes les collines des alentours ».
Il nous semblait qu’il ne pleuvait jamais.
« Oui, il pleut par ici », a-t-il continué, anticipant notre objection. « Pas beaucoup. Mais la pluie tombe sur des roches stériles. Il faut bien qu’elle aille quelque part. Ils ont donc mis en place un système de canalisations et de barrages qui menait l’eau dans de grandes citernes creusées sous la montagne. Ensuite, ils amenaient l’eau jusqu’au sommet dans des seaux ou à dos d’âne. Ils l’utilisaient pour arroser des palmiers et des vignes. Ils vivaient quasiment en autarcie. Les zélotes avaient tant de nourriture et d’eau dans leurs réserves qu’ils pouvaient tenir deux ans. Et comme vous pouvez le voir, l’endroit est pratiquement imprenable ».
Il nous semblait plus qu’imprenable. Il nous semblait aussi qu’il ne pouvait en aucun cas valoir l’effort nécessaire pour le prendre. Il n’avait pas d’importance militaire. Il n’avait pas d’importance économique. Il ne semblait même pas avoir d’importance religieuse ou symbolique. Les Romains auraient dû laisser les choses en l’état.
A quoi bon ? Les Romains ne se sont peut-être pas posé la question. A la place, ils ont assiégé la forteresse, construisant un gigantesque mur de pierre à la base des montagnes — ce qui a dû prendre des mois, voire des années. Ensuite, ils ont fait venir des esclaves juifs capturés à Jérusalem. Ils les ont mis au travail sur un projet monumental — la construction d’une rampe le long de la montagne, de manière à pouvoir faire venir un bélier.
Cela ne pouvait être qu’un projet gouvernemental. L’investissement en termes de temps et d’argent était monstrueux. Et pour quoi ? Simplement pour massacrer quelques centaines d’insurgés.
Mais les Romains ne se sont pas laissé décourager par des calculs de coûts/bénéfices. Ils ont continué jusqu’à ce que l’opération atteigne sa conclusion sanglante. Des milliers d’esclaves sont probablement morts durant la construction de la rampe. L’endroit est si aride et si dur que plus d’un Romain a probablement mordu la poussière aussi.
Lorsque la rampe a été terminée, les Romains ont amené leur bélier et se sont mis au travail. Ils ont fait une brèche dans le mur de pierre et sont entrés, pour trouver les défenseurs déjà morts. Selon Flavius Josèphe, il ne restait de vivant qu’une femme et deux enfants. Ils lui ont rapporté de quelle manière les zélotes avaient d’abord tué leurs propres familles avant de tirer au sort qui tuerait qui… le dernier homme se suicidant.
« Ils ont peut-être trouvé qu’il valait mieux être mort qu’esclave des Romains. Comme la devise de l’état du New Hampshire : ‘vivre libre ou mourir’. »
« Cela me semble insensé », déclara Elizabeth. « Regardez ce qui est arrivé à Flavius Josèphe lui-même. Lorsqu’on est vivant, on a au moins la possibilité que les choses s’arrangent. Quand on est mort… eh bien… on est mort. Je préférerais tenter ma chance en tant qu’esclave ».
2 commentaires
Je ne saisis pas l interet de cet article dans une revue economique.
Jean
Cher Bill,
Elisabeth est-elle américaine ? Les américains, qui ne sont pas encore des esclaves au sens strict, ont la réputation de tout accepter du pouvoir jusqu’à perdre leurs droits civiques et leur liberté de citoyen. Mais nous savons que les réputations n’ont souvent pas grand chose à voir avec la réalité et tout à voir avec la jalousie voire l’animosité.