Les pays émergents ont fortement rebondi tandis que les investisseurs retrouvaient un appétit pour le risque. L’Europe de l’Est n’a pas fait exception au phénomène. L’indice MSCI de la zone a presque doublé depuis son point bas de l’année. A long terme, les perspectives restent bonnes. L’Europe de l’Est a encore du chemin à faire pour rattraper les niveaux de vie de l’Europe de l’Ouest ; la Russie ne compte que 40 supermarchés pour un million d’habitants, contre 180 à l’Ouest, comme le rappelle Elena Shaftan, du fonds Jupiter Emerging Europe. Mais, pour le moment, les défis s’amoncellent.
De l’euro viennent les maux
L’Europe de l’Est a été fortement exposée au retournement de la Zone euro. Et, à l’inverse de ceux d’Asie ou d’Amérique latine, ces pays se sont lourdement endettés pour nourrir leur croissance. Leurs systèmes bancaires dépendent des fonds des banques occidentales qui possèdent leurs filiales locales. Mais beaucoup de prêts sont libellés en euros.
Quand les devises locales ont faibli contre l’euro, les défauts de paiement se sont envolés, puisque les débiteurs, remboursant en devises locales, voyaient leurs dettes exploser. Les banques régionales "ne sont pas encore sorties du bois", avertit Erik Berglof, de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). Cet organisme a sollicité une augmentation de capital de 50% de la part des Etats membres en raison de la crise.
Le crédit restera restreint
Les banques craignent que le taux de défaillance, déjà en hausse dans toute la région, ne s’aggrave. Cette crainte est compréhensible, le taux de chômage ne cesse d’augmenter et les devises vont probablement retomber avec le goût du risque, estime Capital Economics. Le système bancaire, déjà mal en point, devra resserrer les conditions de crédit, sapant toute croissance.
Les taux d’intérêt sur les prêts à la consommation ont peut-être récemment baissé, mais ils sont toujours plus élevés que l’année dernière à la même époque, à l’inverse de partout ailleurs. Ajoutez à cela une croissance flageolante en Europe de l’Ouest, un tour de vis fiscal dans la région – souvent à la requête du Fonds monétaire international (FMI) – et on voit mal comment la croissance pourrait atteindre 1% en 2010, très loin des chiffres de l’Asie ou de l’Amérique latine.
Des ennuis possibles dans les Etats baltes
Pendant ce temps, les Etats baltes sont le maillon faible potentiel. Avec leurs devises enchaînées à l’euro, ils ne pouvaient retrouver leur avantage compétitif qu’en baissant les salaires et les prix : une "dévaluation interne". Du coup, la consommation et la croissance ont sombré.
En Estonie, le PIB va diminuer de 14% cette année. Une dévaluation de cette nature est "douloureusement lente et préjudiciable à la solidarité démocratique", explique Ambrose Edward-Pritchard dans le Daily Telegraph.
En Lettonie, le Premier ministre a du mal à mettre en oeuvre les mesures d’austérité recommandées par le FMI, selon The Economist. La Lettonie vient de bénéficier d’une aide de 195 millions d’euros de la part du FMI, l’Union européenne apportant de son côté 1,2 milliard d’euros. Le but : éviter une dévaluation du lats. En effet, sa parité fixe avec la monnaie unique était un préalable théorique à l’entrée dans l’eurozone. L’endettement de la Lettonie atteint plus de 185%, un triste record que cet Etat balte partage avec la Grande-Bretagne.
En cas de décrochage de l’eurozone, les autres pays baltes lui emboîteraient le pas. Cela déclencherait une nouvelle vague de ventes sur les marchés financiers et ferait exploser les taux de défaillance des prêts, juge Capital Economics.
A titre d’avant-goût, Swedbank a dû recourir en août à une augmentation de capital de 1,2 milliard d’euros (12 milliards de SEK) pour faire face à ses pertes en Lituanie, Lettonie et en Suède. L’Europe de l’Est pourrait gangrener l’Europe. Compte tenu de ces incertitudes, il est trop tôt pour rejoindre les investisseurs qui se ruent à nouveau sur ces places.