** Maintenant que la Corée du Nord teste ses missiles dans la mer du Japon et qu’Israël lance de véritables missiles sur le Liban, peu d’investisseurs se pressent pour acheter des actions. Même les actions aurifères et pétrolières trouvent peu d’acheteurs. Mais ces inquiétudes de court terme (nous l’espérons) créent des opportunités pour les investisseurs de long terme — en particulier pour ceux qui possèdent certaines des plus grandes sociétés de ressources naturelles au monde.
– Dans le secteur des matières premières, trois accords de fusion-acquisition ressortent par leur taille et leur importance. A plus de 21 milliards de dollars, les offres de Anadarko Petroleum sur Kerr-McGee et Western Gas Resources font de cette opération la plus grande de l’histoire dans le secteur l’énergie, selon Thomson Financial et le Wall Street Journal.
– Pourtant, il s’agit du plus petit des trois accords qui ont récemment fait parler d’eux. Dans les métaux de base, Phelps Dodge a mis sur pied une offre plus audacieuse encore, pour 40 milliards de dollars, sur les mines canadiennes Inco et Falconbridge. Et pour terminer, le magnat indien du métal Lakshmi Mittal semble avoir gagné sa longue bataille pour acquérir le numéro 2 de la sidérurgie, Arcelor, après avoir surmonté des tactiques de gestion agressive, fait dérailler une fusion russe plutôt douteuse et poussé son offre à plus de 33 milliards de dollars.
– En général, les marchés se méfient des grandes fusions-acquisitions. Ceux qui mettent la main à la poche se retrouvent en général du mauvais côté des choses, et les accords les plus vantés peuvent détruire toute valeur pour l’actionnaire. Les bases ne sont pas toujours saines : il arrive parfois que le PDG ait des rêve de grandeur, et qu’il veuille tenter de jouer dans la cour des grands — ou encore qu’il pense que des notes de frais plus élevées iraient bien avec une société plus grande. Le bon côté, lorsqu’une acquisition est basée sur une stratégie solide et qu’elle est menée avec compétence, c’est que les profits de long terme peuvent en valoir la peine.
** Quel raisonnement trouve-t-on derrières ces trois récentes opérations ? Dans chaque cas, la logique est unique, mais le thème stratégique sous-jacent est le même. Ces entreprises se projettent au-delà des résultats à court terme et pensent à se positionner pour le long terme.
– Dans le cas d’Anadarko, les offres sur Kerr-McGee et Western Gas sont un pari contrarien sur le gaz naturel dans la région des Montagnes Rocheuses. Le gaz naturel en général — et les Rocheuses en particulier — ont été écartés d’office cette année aux USA, les réserves de gaz naturel étant abondantes après un hiver clément et aucun signe de pénurie. Mais les futures sur l’énergie à échéance longue disent autre chose : alors que le gaz naturel sur le mois prochain s’échange à environ 6 $, les contrats à deux ou trois ans sont cotés 40% plus haut.
– En ce qui concerne le gaz naturel, l’élément le plus pressant est le déclin continu des puits de gaz nord-américains ; même avec des efforts d’exploration et de forage significativement plus grands, la production générale stagne. Les producteurs doivent travailler plus dur simplement pour faire du sur-place, tandis que la demande grimpe peu à peu, nourrie par l’utilisation privée et commerciale, et par les exigences d’opérations gourmandes en énergie, comme les sables pétroliers canadiens. Un événement météorologique perturbant durant l’été — c’est-à-dire une tempête — ou le retour d’un hiver froid pourrait bien vite faire grimper les prix du gaz naturel.
– Anadarko agit maintenant parce que l’entreprise constate une tendance inévitable qui resserre l’offre de gaz naturel et rend profitable le développement de la production. Et s’approprier une équipe de géologues et ingénieurs de qualité ne fait pas de mal — c’est exactement ce que fait Anadarko.
– L’opération Phelps Dodge est plus difficile à comprendre, dans la mesure où elle représente l’entrée en jeu d’une troisième partie dans une guerre déjà en cours (Inco et Falconbridge font déjà l’objet d’offres agressives de la part d’autres prétendants, alors même qu’ils se convoitent mutuellement). Les actionnaires mettent en doute la logique des accords, mais il est clair que Phelps Dodge cherche à se diversifier, espérant devenir non seulement la plus grande société minière de cuivre cotée — mais aussi la plus grande société minière de nickel.
– Avec son offre sur le métallurgiste Arcelor, Lakshmi Mittal, de Mittal Steel, s’intéresse à la diversité des marchés, plutôt que des produits, cherchant à accéder aux opportunités de marges plus élevées d’Arcelor. Mittal espère aussi gagner en pouvoir de négociation et de marchandage, ce qui lui serait possible avec une taille énorme : combinés, Arcelor-Mittal constitueraient un mastodonte de l’acier faisant quatre fois la taille de sont rival le plus proche.
– Les dirigeants de ces entreprises prennent délibérément une perspective de long terme ; ils se projettent plusieurs années en avance, et se positionnent pour le climat à venir. Nous soupçonnons que les investisseurs individuels devraient faire de même.
– Tant que les marchés continueront à sous-évaluer le potentiel de bénéfices de sociétés énergétiques bien gérées, et à sous-estimer la valeur d’une perspective de long terme, la fièvre des fusions-acquisitions continuera.
– Une entreprise comme Anadarko n’a nul besoin de la vision de court terme qui anime les traders sur les marchés. Les dirigeants d’Anadarko comprennent aussi bien que n’importe quel investisseur que l’offre de pétrole et de gaz devient de plus en plus précieuse — surtout en ce qui concerne les réserves enfouies dans le sol américain.
– Et de toute évidence, Anadarko n’est pas la seule major pétrolière à l’affût pour "acheter des réserves". Les plus gros accords sont peut-être encore à venir.
[NDLR : Les matières premières représentent une opportunité de long terme — pour l’instant. Si vous voulez vous positionner avant qu’elles ne deviennent une urgence de court terme… continuez votre lecture.]