L’assurance-vie luxembourgeoise traverse une zone de turbulence après la faillite de FWU. Quels enseignements en tirer et dans quels cas ces contrats conservent-ils leur intérêt ?
L’assurance-vie luxembourgeoise, réputée pour son « triangle de sécurité » censé protéger au mieux l’épargnant, est aujourd’hui remise en question après la faillite retentissante de FWU Life Insurance, qui montre que même ce cadre jugé parmi les plus sûrs au monde n’épargne pas totalement les investisseurs des risques de perte et de longs processus judiciaires.
Comme nous l’avons vu dans notre premier article, l’une des premières leçons à retenir est de s’intéresser de très près à vos placements et à ceux qui les gèrent.
Deuxième leçon : les avantages mis en avant peuvent se révéler décevants
Sur le papier, le « super privilège » qui fait de l’épargnant un créancier de premier ordre, prioritaire pour récupérer son argent en cas de problème – ce, sans limitation de montant – est un avantage considérable. Mais il ne faut pas oublier que la protection s’applique au nombre d’unités de compte au jour de la liquidation et non sur la valeur de l’épargne. De même, le « triangle de sécurité », qui protège les épargnants dans le cas de FWU, ne prémunit pas contre un défaut de la banque dépositaire.
Troisième leçon : souscrire à une assurance-vie luxembourgeoise doit se faire pour les bonnes raisons
De nombreux Français se sont tournés vers le Grand-Duché pour échapper à la loi Sapin 2 qui donne la possibilité au Haut conseil de stabilité financière (HCSF) de bloquer exceptionnellement et temporairement (maximum 6 mois consécutifs) l’épargne placée sur un contrat d’assurance-vie, de limiter temporairement le versement des primes, de limiter ou retarder les retraits, arbitrages et avances.
Les clients de FWU se retrouvent aujourd’hui dans l’incapacité d’effectuer des retraits et pourraient ne récupérer leurs avoirs qu’en 2028. S’ils cherchaient à ne pas subir la loi Sapin 2, c’est raté !
Faut-il se détourner de l’assurance-vie luxembourgeoise ?
Comme nous l’avons dit plus haut, il faudra attendre un peu pour se faire une opinion sur la protection liée à l’assurance-vie luxembourgeoise à la lumière du cas FWU. En attendant, il est légitime de s’interroger : faut-il se détourner de ces contrats ? Poser cette question revient à se demander si vous avez de bonnes raisons de vous y intéresser (troisième leçon ci-dessus).
Il se peut que le « triangle de sécurité » et le « super privilège » ne soient finalement pas les raisons les plus attirantes des contrats du Grand-Duché. A vrai dire, l’assurance-vie luxembourgeoise présente un réel avantage pour deux catégories de Français.
Premièrement, les expatriés. Le Luxembourg ne prélève aucun impôt sur les contrats d’assurance-vie en cas de rachat partiel ou total. La fiscalité qui s’applique est celle du pays de résidence du souscripteur. Si vous résidez en France, vous serez taxé comme en France. En revanche, si vous résidez dans un pays avantageux en matière de taxation de l’épargne, et si vous êtes amené à changer souvent de pays de résidence, il est pertinent de loger votre contrat au Luxembourg.
Par ailleurs, les contrats luxembourgeois offrent la possibilité de gérer son épargne en devise étrangère, ce qui permet d’éviter le risque de change pour les expatriés résidant en dehors de la zone euro.
La seconde catégorie de Français qui a intérêt à loger une partie de son épargne dans l’assurance-vie au Luxembourg est celle des plus fortunés (qui peuvent aussi être des expatriés) qui vont y trouver un niveau de sophistication financière incomparable. Les contrats luxembourgeois offrent une large gamme d’actifs incluant private equity, dette privée, gestion multidevises, fonds de financement de contentieux, financement d’infrastructures, crowdfunding immobilier, etc.
En outre, il est possible de bénéficier d’un contrat « cousu main » à base de FIC (fonds internes collectifs), de FAS (fonds d’assurance spécialisés dédiés) et de FID (fonds internes dédiés). Mais pour cela, il faut pouvoir placer une somme importante.
Si les contrats luxembourgeois offrent des avantages certains pour l’épargnant, ils présentent aussi quelques désavantages qu’il faut avoir en tête.
L’assurance-vie luxembourgeoise n’est pas la panacée
Le premier d’entre eux est le montant minimum requis pour l’ouverture d’un contrat. Il est généralement de 250 000 euros. Certains assureurs proposent des tickets d’entrée deux fois moins élevés à 125 000 euros, mais les contrats sont alors aussi « au rabais » en n’offrant pas toute la palette des investissements possibles.
Deuxième inconvénient : l’absence de fonds en euros et de SCPI. En fait, les fonds en euros peuvent être proposés, mais ce sont alors des fonds français qui sont réassurés de manière à garantir le capital (avec, par conséquent, des frais supplémentaires). A vrai dire, les fonds en euros sont peu utilisés du fait de leur faible rendement. Quant aux sociétés civiles de placement immobilier (SCPI), elles sont indisponibles essentiellement parce que leur fiscalité au Luxembourg est dissuasive. Cet inconvénient n’en est pas vraiment un, tant – nous l’avons dit – il existe quantité d’autres supports intéressants.
Le troisième désavantage de l’assurance-vie luxembourgeoise a trait au manque de simplicité et de flexibilité des opérations. L’ouverture d’un contrat ne se fait pas en un clic devant son écran d’ordinateur. La procédure est très normée et peut demander jusqu’à une semaine (vérification approfondie de l’identité, justification détaillée de l’origine des fonds dès le premier euro, évaluation minutieuse du profil de risque, choix d’une stratégie d’investissement adaptée…). Ces formalités fastidieuses sont, cependant, le gage du sérieux et de la sécurité. Les retraits et les achats programmés ne sont, la plupart du temps, pas possibles, pas plus que les arbitrages programmés (sécurisation des plus-values par exemple).
Même si les choses évoluent petit à petit, l’accès en ligne au contrat n’est pas encore très répandu au Luxembourg. Quand il existe, il faut bien reconnaître qu’il manque d’ergonomie, que les opérations possibles en ligne sont limitées, que l’actualisation des valorisations laisse à désirer, que les outils d’analyse et de simulation sont peu nombreux et peu sophistiqués.
Heureusement, les compagnies les plus en vue ont fait des efforts et proposent des outils maintenant à peu près similaires à ceux qu’ils offrent dans les autres pays européens.
Ces inconvénients pèsent peu face aux avantages de l’assurance-vie luxembourgeoise. Encore faut-il que ceux-ci ne soient pas que théoriques. Comme nous l’avons vu dans le cas de FWU, le « triangle de sécurité », censé protéger les assurés et les bénéficiaires de contrats, n’offre pas une garantie absolue de récupérer la totalité de son capital. Fort heureusement, l’attrait du Grand-Duché en matière d’assurance-vie ne réside pas dans le seul « triangle de sécurité ».
Comme tout produit de placement, l’assurance-vie luxembourgeoise doit s’inscrire dans une stratégie patrimoniale individualisée (à revoir régulièrement, tous les 5 à 10 ans, en fonction de votre situation professionnelle et familiale et de vos choix de vie) et diversifiée (comme chacun le sait, il n’est guère prudent de mettre tous ses oeufs dans le même panier).