Dans un marché boursier normal, certaines entreprises se portent bien et leurs actions augmentent. D’autres sont moins performantes et leurs actions baissent. Les analystes tentent de déterminer – à l’avance – lesquelles seront les bonnes.
« Derrière chaque grande fortune, il y a un grand crime« , écrivait Balzac. Le 29 janvier 2018, les spectateurs de YouTube en ont vu un se dérouler sous leurs yeux.
Sur l’autoroute roulait un élégant 18 roues, un poids lourd qui promettait de ne pas détruire la planète. C’était la création de Trevor Milton et de son entreprise de pointe, Nikola.
Le problème, c’est que la vidéo était truquée. La force motrice du véhicule était la gravité, et non la technologie avancée de Nikola. Le camion ne fonctionnait pas par ses propres moyens, il n’en avait pas. Il se contentait de descendre la pente en roue libre.
Les actions de Nikola ont explosé. Elles ont atteint à plus de 2 000 dollars l’action en juin 2020. Milton est devenu milliardaire. Aujourd’hui, l’action se négocie à environ 1 dollar.
Il s’est passé beaucoup de choses entre ces deux valorisations, dont une condamnation à quatre ans de prison pour Trevor Milton.
MarketRealist.com explique la situation :
« Une vidéo censée montrer un camion zéro émission en mouvement s’est avérée fausse et un tribunal a déclaré l’ex-fondateur et président de Nikola Corporation coupable d’avoir escroqué des investisseurs en les trompant sur les capacités technologiques de l’entreprise, afin de gonfler artificiellement le cours de ses actions. Milton a été reconnu coupable de fraude en matière de valeurs mobilières et d’escroquerie. Le juge l’a condamné à quatre ans de prison et à une amende d’un million de dollars. »
Selon la tradition de Wall Street, un marché haussier monte « jusqu’à ce que le dernier ours restant abandonne ».
En 2023, Jim Chanos, célèbre investisseur habitué à parier contre le marché, a abandonné. C’est ce qu’a rapporté le Financial Times :
« L’un des ours les plus connus de Wall Street, Jim Chanos, a annoncé qu’il fermait ses principaux fonds spéculatifs axés sur la vente à découvert après plus de trois décennies. Chanos est surtout connu pour avoir parié contre Enron, qui s’est effondré en 2001… Dans une lettre adressée aux investisseurs et consultée par le Financial Times, M. Chanos écrit : ‘Ce n’est un secret pour personne, le modèle économique des stratégies long/short en actions subit des pressions, et l’intérêt pour les gestionnaires fondamentaux spécialisés dans la sélection de titres s’est affaibli.’ »
« Affaibli » ?! Les investisseurs ne s’intéressent pas à l’analyse fondamentale ?
Pourquoi passer du temps à faire des vraies quand on peut obtenir 25% (le gain du S&P, en 2024) si on ne le fait pas ? Nvidia a progressé de 171% l’année dernière, alors que le S&P 500 lui-même a augmenté de 25%. L’analyse fondamentale vous aurait détourné des deux. En termes de valeur, aucun des deux placements ne semblait être une bonne affaire.
Et cette semaine, Hindenburg Research, qui avait révélé la fraude chez Nikola, a également jeté l’éponge. Reuters explique :
« Le fondateur de Hindenburg Research a déclaré qu’il allait démanteler la société dont les rapports ont provoqué des ventes massives de la part des investisseurs et des enquêtes de la part des autorités, réduisant de plusieurs milliards la valeur boursière de sociétés telles que le groupe indien Adani et la société américaine Nikola. »
Dans un marché boursier normal, certaines entreprises se portent bien et leurs actions montent. D’autres sont moins performantes et leurs actions baissent. Les analystes tentent de déterminer – à l’avance – lesquelles sont les bonnes. Et faire de bonnes recherches est payant.
Mais un marché boursier normal est assez stable. Lorsqu’une entreprise gagne plus, elle ôte des ventes à une autre entreprise, qui gagne moins. Lorsqu’une entreprise réduit ses coûts, elle réduit les revenus d’autres entreprises.
Dans l’ensemble, le marché boursier ne monte ni ne descend beaucoup. Parce que le pouvoir d’achat total augmente lentement, avec le PIB, à un rythme d’environ 3% par an seulement. Un bond boursier de 25% est anormal, invraisemblable… et suspect.
Mais un marché boursier dopé par la Fed, le battage médiatique, l’espoir et les « aspirations » technologiques, c’est tout à fait différent. Les vrais investisseurs disparaissent ; viennent les clowns et les joueurs.
Comment expliquer autrement le Fartcoin ? La cryptomonnaie a fait ses débuts en octobre. En décembre, sa valeur atteignait 1,2 milliard de dollars, ce qui est beaucoup pour un objet dont on ne connaît pas l’utilité. Mais il s’agissait d’un mème parfait, créé anonymement et dont on dit qu’il a quelque chose à voir avec l’intérêt d’Elon Musk pour les bruits de flatulences.
Inutile d’essayer de faire des recherches sur ce point. Il n’y a rien à rechercher – pas de revenus, pas de bénéfices, pas d’activité, pas d’actifs, pas de bilan, pas de rapports financiers audités, pas de P-DG, pas d’argent caché, pas de dépenses de lobbying, pas d’embrouilles au sein de la direction, pas de voyages d’affaires, pas de logo de l’entreprise. Rien du tout. Même la gravité semble avoir disparu.
Peut-être que Hindenburg était le « dernier ours ». Peut-être pas. Mais lorsque Ursa Ultima abandonnera finalement, nous prédisons que le besoin de crayons bien taillés, de lunettes vertes, d’un jugement sobre et d’un regard de fer reviendra bientôt à la mode.