Une théorie qui n’a pas grand-chose de moderne et pas beaucoup plus de monétaire, mais que les Argentins peuvent au moins apprécier depuis des années.
« Les politiciens doivent rejeter l’envie de demander ‘Comment allons-nous payer cela’ […]. Nous devons abandonner notre obsession avec l’idée d’essayer de tout ‘payer’ avec de nouveaux revenus ou des coupes dans les dépenses […].
Une fois que nous comprendrons que la monnaie est un outil légal et social, quand nous ne serons plus contraints par la fausse rareté de l’étalon-or, nous pourrons nous concentrer sur ce qui importe le plus : la meilleure utilisation des ressources naturelles et humaines pour répondre aux besoins sociaux et pour augmenter de manière durable notre capacité productive pour améliorer le niveau de vie des générations futures […]. »
~ Trois « défenseurs majeurs de la TMM », Stephanie Kelton, Andrés Bernal et Greg Carlock
Quel délice ce doit être de se réveiller chaque matin sans aucun souvenir. Pas de passé. Rien à regretter. Rien à cacher. Pas de gueule de bois. Aucun souci.
Les économistes sont généralement un peu cyniques… légèrement suspicieux… voire sceptiques. Ils savent qu’il y a toujours un prix à payer… et que pour chaque entrée dans les crédits d’un livre comptable, il faut aussi un débit.
Ainsi, cela doit être particulièrement agréable de rencontrer Stephanie Kelton (co-autrice de la citation ci-dessus). Cette femme semble être née hier.
Elle ne le réalise probablement pas, mais il n’y a pas grand-chose de « moderne » dans la théorie monétaire moderne (TMM). L’appeler « monétaire » est aussi un peu exagéré, étant donné que c’est en réalité une idée qui explique comment utiliser la politique fiscale. Quant à la catégoriser en « théorie »… ne nous faites pas rire.
Pas de déjeuner gratuit
Penser que vous pouvez obtenir quelque chose en échange de rien n’est pas exactement nouveau. Tout comme l’idée que l’Etat (le gouvernement) peut créer de la « monnaie » réelle en coupant des arbres pour imprimer des morceaux de papiers décorés d’images diverses.
Tout comme l’idée que les autorités peuvent utiliser cette « monnaie » pour « mieux reconstruire »… en « l’investissant » dans des projets méritants.
Ce ne sont pas des idées nouvelles. Ce sont simplement de vieilles idées délirantes. Quelqu’un devrait lui signaler.
Le gouvernement argentin pratique une forme de la politique fiscale de la TMM depuis des décennies. Il imprime de la monnaie, en grande quantités. Il l’utilise – du moins, c’est ce que les politiciens affirment – pour « ce qui importe le plus ».
Mais, c’est bien triste… à la fin de l’année, à peu près la moitié de la valeur de chaque nouveau peso qu’il crée a disparu. Quelques années plus tard, et c’est toute la valeur qui se sera évaporée. Quel genre de monnaie fait cela ? Est-ce que vous pouvez vraiment l’utiliser pour réaliser des investissements qui profiteront aux générations futures ? Apparemment, non. Une expression disait « être riche comme un Argentin ». Personne ne l’a entendue depuis longtemps.
Et regardez simplement les grands « investissements » publics des Etats-Unis durant le dernier demi-siècle écoulé.
Des programmes de lutte contre la drogue, la pauvreté, le terrorisme… des festivals de création monétaires qui ont eu pour conséquence d’appauvrir les Américains. Les autorités étaient prêtes à « investir » la monnaie des autres – pour des rues plus sûres… une croissance du PIB plus importante… des citoyens en meilleure santé… de meilleures écoles et des enfants plus intelligents… pour combattre le racisme… pour promouvoir l’égalité…
… mais les rues sont-elles plus sûres ? Les écoles sont-elles meilleures ? Les enfants sont-ils plus intelligents ? Sommes-nous en meilleure santé ? Plus heureux ?
Plus gros, plus tristes et moins productifs
L’idée derrière l’investissement est de perdre quelque chose – de la consommation immédiate – pour obtenir quelque chose en échange plus tard. Un profit. Un avantage.
Vous devriez être plus riche après avoir réalisé l’investissement, pas plus pauvre. Mais, entre 1999 et 2023, les autorités américaines ont réalisé des « investissements » nets (au-delà des revenus courants provenant des impôts) de 27 000 Mds$. C’est la dette supplémentaire accumulée pendant la période.
Si ces investissements avaient été le plus vaguement profitables, ils devraient générer des dividendes. Où sont-ils ? A la place, nous ajoutons encore plus de dettes sur le tas, à raison de 5 Mds$ par jour sur les 10 prochaines années.
La dernière escroquerie présentée comme « investissement » en date nous vient de la bande de Biden – la loi sur la réduction de l’inflation (IRA). Sans sourciller, le magazine The Economist nous apprend que :
« D’importants investissements ont débuté. La majorité des fonds alloués par l’IRA sont destinés au combat contre le changement climatique. Les premières données montrent que les entreprises qui produisent des éoliennes et panneaux solaires sont en train d’augmenter leur production. L’American Clean Power Association, un groupe représentatif du secteur, précise que 83 usines ont été annoncées depuis le passage de la loi.
Plus de 50 vont produire des équipements liés à l’énergie solaire. Le reste produiront des pièces pour des éoliennes ou pour des batteries. Ensemble, ces projets représentent 270 Mds$ d’investissements – autant que le cumul des investissements dans les énergies propres des sept années précédentes, d’après l’association.
Des entreprises ont aussi annoncé 53 Mds$ d’investissements dans des usines produisant des véhicules électriques et les pièces qu’ils utilisent, comme des batteries et chargeurs, d’après un suivi réalisé par Jay Turner du Wellesley College.
Beaucoup de ces projets iront dans des Etats républicains, que ce soit dans des champs d’éoliennes dans les plaines ou des pôles hydrogènes au Texas et dans l’Utah (des consortiums dans ces deux Etats luttent pour attirer ces derniers). L’outil de suivi de M. Turner relève que 47,5 Mds$ des investissements dans la production de véhicules électrique se dirige vers des circonscriptions républicaines, contre 6,7 Mds$ destinés à des circonscriptions démocrates.
Cela signifie – au moins tant que M. Biden sera à la Maison-Blanche – que l’IRA évitera probablement toute opposition sérieuse des républicains. »
Escroquerie bipartisane
Oui, les républicains y participent aussi. C’est une fraude bipartisane de plus. Une arnaque classique. Les bénéfices vont à quelques-uns ; les coûts sont supportés par la masse.
La théorie monétaire moderne suggère que 1) il y a un montant infini de capital (ce qui permet de ne pas avoir à abandonner quoi que ce soit pour faire un investissement), et 2) les autorités peuvent mieux investir ce capital que ses propriétaires légitimes.
Est-ce que les génies de l’investissement en coulisse dans l’administration Biden sont de si bons investisseurs ? Voient-ils des opportunités que les yeux perçants de Wall Street ont manquées ?
Seulement quelqu’un né hier pourrait le penser.
Mais la profonde naïveté… à la limite de la folie… est la perception que donne la TMM de la monnaie elle-même. Stephanie Kelton et consort imaginent que la « monnaie » n’est plus rare. En théorie, les autorités peuvent en créer autant qu’elles veulent. Sauf qu’en pratique, plus ils en impriment, moins leur monnaie a de valeur.
La vraie monnaie représente des vraies ressources – du temps, de l’énergie, des compétences, de la matière grise. Ces vraies ressources sont toujours rares. Si elles ne l’étaient pas, il n’y aurait pas de raison d’investir pour en obtenir plus… et pas de raison pour que la pensée magique de la TMM existe.
Nous voulons tous croire que si nous fermons les yeux… et prions assez fort… nos rêves deviendrons réalité. Il est plus efficace d’investir pour générer plus de bonnes choses car les bonnes choses que nous détenons ne nous suffisent pas. Si vous avions vraiment une quantité infinie de monnaie, nous n’aurions pas besoin de faire des vœux… ou d’investir. Nous pourrions acheter une infinité de biens et de services… et il n’y aurait pas besoin des conseils de Mme Kelton pour en obtenir plus.