La tontine fait de temps en temps parler d’elle. Mais en quoi consiste-t-elle vraiment ? Comment est-elle née ?
La tontine ne date pas d’hier, puisqu’un édit de Louis XIV de novembre 1653 crée la « Tontine royale », première forme d’emprunt en rentes viagères tentée dans notre pays, selon l’historien Maurice Harbulot. Cette « Tontine royale » avait un capital de 20 500 000 livres, et offrait un rendement de 5 %. Chaque sociétaire devait détenir au moins une part de 300 livres. Au décès d’un sociétaire, son revenu était réparti au profit des sociétaires survivants. Lorsque le dernier sociétaire décédait, les finances royales récupéraient définitivement le capital en étant libérées du service de la rente.
Tonti convainc Louis XIV et les… Africains
Ce système astucieux est une invention d’un Napolitain, Lorenzo Tonti, qui lui donna donc son nom. Tonti réussit à convaincre Mazarin, le Conseil d’État et le roi lui-même de l’infaillibilité de son procédé, tous d’autant plus faciles à rallier que le besoin d’argent était alors pressant. Mais le public ne comprit pas vraiment les avantages qu’il pouvait en tirer et son désintérêt conduisit la chute de la « Tontine royale ». En fait, le principal défaut de la tontine originelle était qu’elle n’avantageait pas les tranches d’âge supérieures. Les sociétaires âgés percevaient le même intérêt que les jeunes. C’est ce que compris Pontchartrain, contrôleur général des finances, qui lança une nouvelle tontine en 1689 en offrant un meilleur rendement aux sociétaires les plus âgés.
Mais arrêtons-là l’histoire de la tontine sur laquelle il y aurait encore beaucoup à dire, pour nous intéresser à la tontine d’aujourd’hui. On l’aura donc compris, la tontine était à l’origine une association mutuelle dans laquelle chaque associé verse une certaine somme pour en constituer une rente viagère.
Personnellement, j’ai découvert la tontine en Afrique il y a une bonne trentaine d’années. En France, à l’époque, le mot était presque inconnu, sans doute parce que la chose n’était pas très répandue. Dans les pays africains, au contraire, il s’agissait d’un moyen à la fois d’épargner et d’emprunter sans avoir affaire aux banques.
Le principe est simple : les participants de la tontine s’engagent à verser une somme prédéterminée à une fréquence donnée. Par exemple, 300 euros sont versés tous les ans par 10 membres. Chaque année, un des participants perçoit la totalité de la somme collectée, soit ici 3 000 euros. Quand tous les membres ont bénéficié des fonds une fois, la tontine est terminée.
Une autre version de la tontine africaine consiste à ne pas toucher aux cotisations, mais à les accumuler pour les redistribuer au moment où les membres décident de liquider la tontine. Entre temps, l’argent est investi pour faire des petits, généralement sous forme de crédits octroyés aux membres.
Malgré sa présence en France depuis 1653 et sa popularité dans certaines catégories de la population, la tontine est encore largement méconnue…
Il arrive souvent que ces deux types de tontine (dites rotative et à accumulation) soient simultanément utilisés, ce qui offre une plus grande sécurité pour les cotisants.
Avec les migrations africaines, les tontines se sont multipliées en France et sont toujours bien vivantes dans certaines communautés pour lesquelles elles sont aussi un moyen de se retrouver, d’échanger, de s’entraider, etc. Elles ne sont cependant pas sans risque, car les tontines ne sont généralement pas déclarées et le recours en justice n’est pas possible en cas de malversations.
La tontine financière, pour une épargne de long terme
Malgré sa présence en France depuis 1653 et sa popularité dans certaines catégories de la population, la tontine est encore largement méconnue. Il est vrai que l’offre tontinière ne court pas les rues. Pourtant, c’est une solution d’épargne de long terme qui mérite d’être étudié.
Dans notre pays, le marché de la tontine est accaparé par la société d’assurance Le Conservateur qui s’en est faite la spécialiste depuis 1844. Chaque année, le 1er janvier, Le Conservateur crée une tontine réunissant 200 membres et qui aura une durée de vie de 25 ans, période pendant laquelle l’argent sera indisponible. Au bout de 25 ans, l’association tontinière est dissoute et les adhérents récupèrent leur épargne qui aura grossie grâce au travail des gestionnaires. Il est cependant possible d’investir pour une durée moins longue en intégrant une tontine déjà constituée.
Voilà donc pour les grands principes de la tontine financière d’aujourd’hui. Entrons maintenant dans les détails.
Les versements. Ils peuvent être périodiques (mensuels, trimestriels, semestriels, annuels) ou bien la prime est versée en une seule fois au moment de la constitution de la tontine (prime unique). Dans le cas de primes périodiques, il est généralement prévu au contrat que l’adhérent soit exclu et qu’il perde le bénéfice de ses versements s’il n’a pas respecté un engagement de versement sur une période minimale. S’il arrête d’alimenter la tontine après la période minimale prévue au contrat, il n’obtiendra, à l’échéance, qu’une somme réduite proportionnée à la durée de ses versements.
Les frais. Ils sont importants : Le Conservateur prélève 18,5 % sur chaque versement. Mais, ensuite, il n’y en a plus : pas de frais de gestion ou d’arbitrage.
L’échéance. Comme nous l’avons écrit ci-dessus, la tontine est dissoute à la date prévue lors de sa constitution. Les actifs sont liquidés et répartis entre les membres encore en vie selon une formule faisant intervenir l’âge au moment de l’adhésion, le montant investi, la date et la durée des versements. La tontine est un placement viager, par conséquent plus le souscripteur est âgé, plus il peut gagner. Deux épargnants d’une même tontine n’ont pas les mêmes gains s’ils n’ont pas le même âge. Non seulement le capital et les bénéfices générés pendant toute la phase d’épargne sont totalement bloqués jusqu’à l’échéance, mais de surcroît ils sont perdus si l’épargnant décède avant le terme fixé. Ce sont les autres membres de la tontine qui profiteront de ce qu’il a versé.
Les placements. Ils sont généralement pensés sur le long terme puisque les gestionnaires n’ont pas à prévoir d’éventuels rachats. Par conséquent, les placements dits dynamiques, c’est-à-dire en actions, sont souvent privilégiés. Bien évidemment, au fur et à mesure que la tontine s’approche de son terme, l’épargne est sécurisée sur des actifs moins risqués.
La fiscalité. Elle est identique à celle de l’assurance-vie. Au moment de la liquidation de la tontine, après abattement de 4 600 € pour un célibataire ou 9 200 € pour un couple, les sommes perçues subissent le prélèvement forfaitaire unique (PFU ou flat tax) de 7,5 % pour les produits découlant des primes versées jusqu’à 150 000 € (12,8 % au-delà). Il est cependant possible d’opter pour la réintégration dans les revenus pour être soumis à l’impôt sur le revenu (IR). Quelle que soit l’option choisie, les prélèvements sociaux (17,2 %) seront dus.
Alors comment tirer le meilleur profit de la tontine, en fonction de votre situation ? C’est ce que nous verrons dans le second article sur le sujet, la semaine prochaine.