L’exemple du plan épargne retraite montre que les frais de certains produits d’épargne pourraient être réduits plus ou moins facilement. Les pousser à la baisse pourrait cependant représenter un gros problème pour les banques en ligne.
Dans la précédente partie de cette analyse, nous avons vu qu’il est légitime de s’inquiéter des frais que vous pouvez subir lorsque vous souscrivez des produits d’épargne. C’est ce qu’ont déterminé un rapport de membres de la commission des Finances du Sénat, ainsi qu’un autre rapport, du Comité consultatif du secteur financier (CCSF).
Cela concerne un grand nombre de produits d’épargne, mais le CCSF s’alarme notamment des frais qui touchent les Plans d’épargne retraite (PER), pour lesquels l’information sur les frais est insuffisamment claire est complète.
Deux possibilités
Le comité compte sur de nouvelles offres pour que ce problème s’amenuise, et que la concurrence joue. Mais il s’attend aussi à ce qu’émerge d’une offre « en compte-titres ».
Celle-ci est, en effet, particulièrement pauvre aujourd’hui. Elle se limite à deux produits, l’un proposé par Yomoni (gestion pilotée), l’autre par le Crédit Agricole (gestion libre possible).
Il faut dire que les banques et les assurances ne se battent pas pour mettre sur le marché des produits peu rémunérateurs car ne cumulant pas toutes les couches de frais précédemment listées pour les PER « assurance ». C’est sans doute pour compenser ce manque que le Crédit Agricole fait supporter des droits de garde et des frais de transaction peu compétitifs à son PER « compte titres », le rendant de fait peu attractif par rapport aux PER « assurance » du groupe.
Mais le PER « compte-titres » présente aussi quelques désavantages par rapport au second. Premièrement, il ne peut pas contenir de fonds en euros garantis. Deuxièmement, s’il contient des actifs immobiliers, ceux-ci peuvent être soumis à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), ce qui n’est pas le cas dans le PER « assurance ».
Un avantage à la succession
Par ailleurs, le PER « assurance » bénéficie d’une exonération ou d’une taxation allégée sur les droits de succession qui varient selon l’âge de l’assuré au moment de son décès et le montant des sommes transmises. Alors que, dans le cas du PER « compte-titres », les sommes épargnées sont intégrées en totalité dans la succession.
Enfin, les PER « assurance » ont des options de prévoyance qui n’existent pas dans les PER « compte-titres ».
Ajoutons que la loi Pacte, à l’origine des PER, n’a pas prévu de régime fiscal spécifique pour les dividendes réinvestis dans un PER « compte-titres ». Il conviendrait donc que l’exonération de prélèvement forfaitaire non libératoire puisse s’appliquer aux dividendes perçus et réinvestis dans le PER « compte-titres » sur le même modèle que celui en vigueur pour le PEA.
Bref, le PER « compte-titres » ne viendra pas concurrencer le PER « assurance » sans évolution notable de la réglementation le concernant.
Des frais qui ne sont pas là par hasard
Nous l’avons dit hier, les frais appliqués sur les produits d’épargne sont là pour rémunérer les banques, assureurs et courtiers. Les établissements classiques ont souvent des frais plus élevés parce qu’ils ont des charges également élevées (des agences physiques et un personnel plus nombreux) et qu’ils déploient une palette d’activités variées que n’ont pas les acteurs en ligne.
Mais la position des banques en ligne est-elle tenable à terme ?
Celles-ci ont, en effet, encore un mal fou à être rentables. Elles attirent des clients avec une politique commerciale agressive, basée sur des tarifs bas et des primes, mais ont des difficultés à se rémunérer correctement car ces mêmes clients ne font pas des établissements en ligne leur banque principale (seuls 7% le font). En fait, si les banques en ligne peuvent continuer à pratiquer des tarifs bas sans gagner d’argent, c’est parce qu’elles appartiennent à des banques traditionnelles qui les soutiennent.
Alors, les acteurs en ligne seront-ils finalement contraints d’augmenter leurs tarifs ou continueront-ils de faire financer indirectement leur politique de frais réduits par les clients des banques traditionnelles ?
Cette question mérite d’être posée quand on voit que les pouvoirs publics veulent s’attaquer aux frais qu’ils estiment trop élevés.
Les sénateurs Albéric de Montgolfier et Jean-François Husson veulent ainsi interdire les commissions de mouvement, encadrer plus fermement les mandats d’arbitrage, rendre obligatoire le référencement de produits indiciels à bas coût dans les produits d’épargne, créer un comparateur public des frais liés aux contrats d’assurance-vie, et renforcer le pouvoir de contrôle de l’Orias (l’organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance) et de l’Autorité des marchés financiers.
Bruno Le Maire fait pression
De son côté, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a déclaré, lors de la présentation du rapport du CCSF :
« Nous allons prendre les mesures nécessaires pour que les frais soient moins élevés. Je considère que les acteurs du marché prennent des commissions excessives par rapport à ce qui doit être fait. Le rapport du CCSF soulignait que la comparabilité devait être améliorée, nous engageons un travail de place avec les banques et les assurances pour récapituler les frais. Je ne me satisferai pas de la transparence, il faut que cela s’accompagner d’une baisse des frais. »
Le ministre espère donc faire plier les acteurs du marché lors de négociations. Cependant, aucune réglementation contraignante n’est au programme actuellement.
Il est heureux que le ministre ne suive pas, pour l’instant, les solutions préconisées par les deux sénateurs qui vont à rebours du bon sens. Car le secteur financier est déjà fortement réglementé et taxé, et cela explique aussi le montant élevé des frais en France, comparativement aux autres pays européens.
Mais si les frais sur les produits d’épargne sont moins élevés aux Pays-Bas, et dans une moindre mesure au Royaume-Uni, comme le montre le rapport sénatorial, c’est aussi parce que ces deux pays ne pratiquent pas les rétrocessions pour rémunérer les intermédiaires.
Dans ces deux pays, les courtiers ou conseillers en gestion de patrimoine ne sont pas rémunérés par les gestionnaires, mais directement par les épargnants pour le conseil qu’ils apportent. Leurs coûts ne sont pas cachés comme chez nous.
Un des moyens de baisser les frais sur les produits d’épargne serait donc d’accepter de verser des honoraires aux intermédiaires… Les Français y sont-ils prêts ?
En attendant, les épargnants pourront y voir plus clair à partir du 1er juin 2022, puisque, sous la pression de Bruno Le Maire, les assurances, banques et mutuelles se sont mis d’accord pour fournir un tableau récapitulatif détaillé de tous les frais, par types de support, pesant sur l’assurance-vie et le PER. De quoi mieux comparer les produits entre eux… Et peut-être d’inciter les plus gourmands à baisser leurs frais !
2 commentaires
Si au Royaume -Unîtes et aux Pays -Bas les frais sont plus bas, les honoraires des intermédiaires ne sont pas pris en compte pour calculer les frais payés par les épargnants. Si la réglementation doit faire baisser les frais pour les particuliers alors tous les frais doivent être pris en compte, C Q FD
Si Bruno Le Maire mettait autant d’énergie à réduire le train de vie de l’état, sa gabegie, sa corruption , sa prévarication, cela réduirait la pression fiscale sur les gens du privé qui travaillent et méritent les frais qui en découlent.
Le gouvernants sont prompts à accuser le privé, mais refusent le moindre effort de leur côté.
Si le R U et les P B ont moins de frais, c’est peut-être qu’ils sont moins (sur)taxés ?