** L’éthanol est-il un bon investissement ?
– Pour un cultivateur de maïs, oui. Pour un producteur d’éthanol, peut-être. Pour une politique énergétique nationale, probablement pas. Pour un investisseur de long terme, sans doute pas. Creusons un peu plus profond…
– La plupart des investisseurs comprennent les bases du concept de retour sur investissement (RSI). Le RSI, c’est le ratio entre l’argent gagné ou perdu sur un placement donné et la somme d’argent investie. Par exemple, vous achetez une valeur 100 $ l’action, et vous la vendez 110 $ plus tard, pour un profit de 10 $ l’action. Dans cet exemple, les 100 $ utilisés pour acheter la valeur sont "l’investissement", et les 10 $ constituent le "retour". Le RSI est un outil extrêmement précieux pour calculer le degré de profitabilité d’un investissement. Dans l’idéal, vous voulez faire en sorte que les fonds investis vous rapportent le plus possible — et vous voulez certainement éviter de perdre de l’argent.
– Un concept similaire s’applique dans le monde de la production énergétique. Il s’agit du Retour Energétique sur Investissement Energétique (RESIE) : le ratio entre la quantité d’argent dépensée pour obtenir une ressource, à comparer avec la quantité d’énergie obtenue grâce à cette ressource.
– Même si l’étude du RESIE est relativement récente, le RESIE est un concept assez fondamental. Il est profondément enraciné dans les lois de la thermodynamique et dans les réalités immuables de la géologie et de la biologie. Mais en dépit de ses solides bases scientifiques, le RESIE tend à être un concept étranger à la plupart des politiques, des économistes… et des investisseurs.
– Le meilleur moyen de comprendre est de se concentrer sur le fait que toute chose demandant ou consommant plus d’énergie pour être obtenue qu’elle n’en dégage n’est pas une ressource énergétique pratique à long terme. Au stade le plus fondamental, lorsque le RESIE de quelque chose devient équivalent ou inférieur à 1, cette source devient un "trou à énergie". On ne peut plus l’utiliser en tant que source d’énergie primaire parce qu’elle consomme plus d’énergie qu’elle n’en fournit.
– Pensez par exemple à l’énergie nécessaire pour forer un puits de pétrole. Il faut de l’énergie pour fabriquer les tuyaux et les trépans. Il faut de l’énergie pour construire et faire fonctionner le puits. Il faut de l’énergie pour activer les pompes extrayant le pétrole. Et lorsqu’on compare la valeur énergétique du pétrole qui sort du puits avec l’énergie nécessaire pour construire le puits, on arrive à une valeur générale pour le RESIE du forage pétrolier.
– Il y a des décennies de ça, lorsque la majeure partie du pétrole était trouvée et extraite près de la surface terrestre, dans des champs onshore, le RESIE de la production pétrolière était d’environ 100 pour un. Ce ratio extrêmement favorable est l’une des raisons pour lesquelles le pétrole a été si bon marché pendant tant de décennies. Même aujourd’hui, alors que les forages se produisent dans des endroits lointains et en eaux profondes, on estime que le RESIE de l’industrie pétrolière mondiale se situe entre 25/1 et 30/1. Alors que les réserves pétrolières mondiales déclinent, et deviennent plus difficiles à localiser et exploiter, le RESIE du pétrole continuera certainement à baisser. Une chose ne présage rien de bon pour l’exploration de cette dernière décennie : le RESIE était estimé aussi bas que 8/1. Mais devinez quoi ? Huit pour un, c’est encore trois fois plus élevé que les estimations les plus flatteuses du RESIE de l’éthanol.
** Chimiquement parlant, l’éthanol est une forme d’alcool basé sur la molécule de l’éthane, qui contient deux atomes de carbone. Contrairement au méthanol, l’éthanol est une catégorie d’alcool que l’on peut boire (mais sans excès, s’il vous plaît !). L’éthanol a une densité énergétique relativement élevée, même si elle n’atteint qu’environ 60% de celle de l’essence standard. Malgré tout, on peut brûler de l’éthanol dans un moteur de voiture adapté. Et l’éthanol peut être manipulé, transporté et distribué avec une relative sécurité, sans avoir recours à des systèmes lourds et chers, de type cryogénique ou de haute pression, nécessaires pour des carburants gazeux comme le méthane, le propane ou le butane.
– L’éthanol, selon certain de ses promoteurs, est un "carburant renouvelable". Cela suppose généralement que l’éthanol est produit à partir d’une biomasse fermentée, comme le maïs aux Etats-Unis ou le sucre de canne au Brésil. Mais si l’on y regarde de plus près, "renouvelable" est un terme bien mal approprié. Le RESIE de l’éthanol basé sur le maïs produit aux Etats-Unis est estimé à 0,8/1, soit sous le point de rendement — voire un ratio légèrement positif de 2 ou 3/1, selon qui fait le calcul. Même si l’on concède le ratio le plus élevé, il est clair que produire de l’éthanol à partir du maïs ne fournit qu’un dixième environ du RESIE des forages pétroliers actuels (3/1 pour l’éthanol contre 30/1 pour les forages pétroliers). Et les RESIE les plus élevés concernant l’éthanol tendent à ignorer l’utilisation de produits basés sur le pétrole et le gaz naturel pour la culture du maïs, comme le carburant pour tracteur, les engrais, le transport et les processus nécessaires pour fabriquer l’éthanol.
– Il faut plus que de l’air frais et du soleil pour cultiver du maïs. Et si l’agriculture conventionnelle, qui fait une utilisation intensive des carburants fossiles, est la base de la culture du maïs, alors ce qui passe actuellement pour de la production d’"énergie renouvelable" est en fait plutôt un "échange énergétique". On utilise notamment de grandes quantités de pétrole et de gaz naturel pour cultiver et récolter le maïs, qui est ensuite transformé en éthanol. En fin de compte, on ne fait donc qu’échanger une forme de carburant fossile non-renouvelable contre l’illusion d’un autre carburant soi-disant renouvelable. L’avantage écologique de long terme de l’éthanol basé sur le maïs n’est simplement pas réaliste, parce que si l’on tient compte de tout le système, le résultat net est négatif.
– L’éthanol brésilien, par contre, aurait un RESIE plutôt respectable de 7 ou 8/1, voire de 15/1. Ceci est dû au fait que le Brésil produit son éthanol à partir de sucre de canne, très productif, utilisant un système agricole bien moins dépendant des carburants fossiles. Le Brésil développe son industrie de l’éthanol depuis plus de 30 ans, et le RESIE a augmenté au fil du temps, tandis que les agronomes et le personnel technique brésiliens ont acquis des connaissances dans le domaine.
– L’essentiel à retenir, c’est que l’éthanol basé sur le maïs "n’économise" pas autant de pétrole et de gaz naturel que ça, et pourrait bien être un échange à un contre un en termes d’énergie nette produite.
– Les investisseurs devraient faire attention où ils mettent les pieds.