Pour chaque dollar supplémentaire de recette fiscale, les autorités en dépensent deux en déficit. Le courant des liquidités factices nous emporte vers la chute.
Nous avons fait un petit tour à Paris cette semaine pour une réunion… et pour fêter un anniversaire de mariage.
« Cela ne te fait pas prendre un coup de jeune ? » nous a demandé la personne avec laquelle nous nous remémorions 34 années de vie conjugale, dont une bonne partie passée à Paris.
« Je vois les petits dans les parcs… les ados sur leur scooter… les marchands de glaces… les feuilles des marronniers… Les souvenirs sont si vifs, j’ai l’impression que je pourrais revenir directement dans cette vie ».
Nous étions assis dans un café dimanche soir. Bon nombre des restaurants étant fermés, nous avions décidé de tirer parti du beau temps pour dîner en terrasse.
Le soleil était encore haut dans le ciel lorsque nous avons pris place. Des enfants faisaient du vélo. Des mères poussaient leurs landaus. Des voitures s’arrêtaient devant nous, déchargeant des familles revenant de week-ends à la campagne.
Autrefois, nous faisions partie de tout cela. Nous sommes désormais passé à autre chose.
« On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve », avons-nous répondu, citant Héraclite.
« Dommage. Il me manque, ce fleuve ».
Il semble que le marché ait réussi à traverser un mois de plus.
Raclée des cryptomonnaies
La tendance primaire semble être à la baisse. Le marché boursier américain a atteint un sommet en janvier. Pour l’instant, il ne donne pas signe de vouloir tenter de battre son record absolu de 26 600 points pour le Dow Jones.
Dans le même temps, Bitcoin et ses collègues cryptos prennent une raclée. Le site sfg.com nous en dit plus :
« L’ascension météorique de Bitcoin l’an dernier a poussé de nombreux observateurs à le placer parmi les plus grandes folies spéculatives de l’Histoire. Le krach crypto de 2018 pourrait contribuer à consolider sa place dans le livre des records des bulles. En baisse de 70% par rapport à son sommet de décembre, après avoir subi une quatrième séance de baisse consécutive vendredi, le bitcoin s’approche de plus en plus du plongeon du Nasdaq Composite, qui avait chuté de 78%, de son sommet à son plus bas, après l’effondrement de la bulle des dot.com. Des centaines d’autres monnaies virtuelles ont rejoint le zéro ou presque — suivant le même chemin que Pets.com et autres IPO qui se sont effondrées début des années 2000 ».
Nous avons eu la conversation suivante avec l’un de nos fils :
« Vous devez être en train de perdre beaucoup d’argent, les garçons ».
« Pas encore. Le bitcoin est encore deux fois plus cher que lorsque nous l’avons acheté il y a un an ».
« Peut-être que tu devrais vendre. Sortir tant qu’il te reste des gains ».
« Non… on a investi pour le long terme. On va s’y tenir. On veut voir ce que ça va donner ».
Eh bien, c’est une manière de voir les choses. Les cryptos ont toujours été une énigme, pour nous — et même un puzzle, dont toutes les pièces sont répandues sur le plancher.
Ni négatif, ni positif, nous ne savions pas quoi en penser. Nous ne le savons toujours pas. Nous devons nous contenter d’observer, pour voir ce que donnera l’image générale lorsqu’elle sera reconstituée.
Déjà-vu, même si un krach est toujours imprévisible
La prochaine débâcle sur les marchés actions et obligations, en revanche, est bien plus prévisible. C’est une image que nous avons déjà vue.
Généralement, un krach se produit au pire moment possible… lorsque les prix sont toujours proches d’un sommet… et quand « personne n’aurait pu le prévoir ».
Les experts financiers expliquent aux gens à quel point l’économie excelle. Les pros de Wall Street passent à la télé en exposant pourquoi le moment est parfaitement choisi pour « acheter pendant les creux ». Les politiciens nous rappellent combien ils font du bon travail.
Ce n’est pas la modestie qui étouffe M. Trump, par exemple. Il nous dit que l’économie américaine ne s’est jamais mieux portée, grâce à lui.
Dans le même temps, ses ronds-de-cuir s’en tiennent au scénario convenu. Le conseiller économique en chef, Larry Kudlow, par exemple, nous assure que les déficits baissent. Dans le Wall Street Journal :
« En réponse à une question de Maria Bartiromo sur les perspectives de croissance économique et les prévisionnistes qui affirment que nous pourrions nous diriger vers une récession en 2020, le directeur du Conseil économique national de la Maison Blanche a déclaré que les recettes fiscales avaient énormément augmenté. ‘A mesure que l’économie accélère, avec plus de gens qui travaillent, de meilleurs revenus et carrières, les recettes fiscales affluent et le déficit — qui était l’une des autres critiques — baisse, et il baisse rapidement’, a dit Kudlow ».
La hausse des recettes fiscales avait été promise lorsque les républicains ont fait passer leur réduction d’impôt en décembre.
L’augmentation des revenus était censée diminuer les déficits et prouver qu’on peut obtenir un coup d’accélérateur économique — même à ce stade avancé du cycle d’expansion — simplement en laissant plus d’argent entre les mains des contribuables.
Nous doutions que ce soit vrai. A présent, nous allons peut-être devoir admettre que nous avions tort…
… Si toutefois M. Kudlow disait la vérité. Ce n’est pas le cas. Le Wall Street Journal continue :
« Le département du Trésor US a rapporté plus tôt dans le mois que le déficit sur les huit premiers mois de l’exercice fiscal 2018 se montait à 532,2 milliards de dollars — une augmentation de 99,4 milliards de dollars, ou 23%, par rapport à la même période l’an dernier. Les recettes du gouvernement sur cette période étaient effectivement plus élevées, atteignant le total de 2 220 milliards de dollars, une hausse de 2,6% par rapport à l’année précédente, mais les dépenses ont grimpé plus vite encore, atteignant 2 760 milliards de dollars, soit une hausse de 6% par rapport à la même période l’an dernier ».
Voyons voir : pour chaque dollar supplémentaire de revenus, les autorités en dépensent deux.
Comment est-ce que ça marche, déjà ? Nous n’en savons rien.
Mais nous savons où ce fleuve nous emporte :
Toujours plus bas… vers les rapides et la chute.
3 commentaires
L’argument des supply siders pour les baisses d’impots est avant tout d’encourager le travail, l’épargne et l’investissement, et non de stimuler la demande (approche keynésienne).
Les recettes fiscales sont en hausse de 2,6% (ce qui ne signifie pas non plus que les républicains avaient raison étant donné qu’il faut comparer à la tendance naturelle), l’aggravation du déficit provient donc de la hausse incontrôlée des dépenses (6%), par conséquent on ne peut pas blamer la réduction des impots.
De toute façon l’objectif des diminutions d’impot (en particulier en ce qui concerne l’impot sur les bénéfices, les modifications concernant les règles d’amortissement des investissements, l’impot sur les plus values et sur l’héritage) est d’encourager l’investissement, par là l’augmentation de la productivité (donc des salaires) et de l’emploi. La loi a été voté en début d’année, ses effets ne se sont donc pas encore fait sentir. Il y aura peut être un premier impact au cours de l’année, mais les pleins effets ne se feront pas sentir avant 2019-2020.
De toute façon nous ne pouvons tirer aucune conclusion à ce stade. Le but de l’allégement de la fiscalité sur les entreprises et les revenus du capital est d’encourager l’investissement productif, afin d’accélérer la croissance de l’emploi et de la productivité (et donc des salaires). Il faut donc attendre au minimum 1 à 2 an avant d’en voir véritablement les effets, voir plus.
Entre le moment où on planifie un investissement (la modernisation d’une chaine de production, l’ouverture d’un nouveau magasin ou d’une usine, etc) et le moment où la ligne de production (à titre d’exemple) est opérationnelle, il faut plus que trois mois. La loi est passé en début d’année. Nous n’avons même pas les chiffre du 2éme trimestre.