Les marchés actions multiplient les signes d’essoufflement alors que la création monétaire des banques centrales diminue.
Il fut un temps pas très lointain où les marchés actions ne devaient plus jamais baisser.
On était dans cet « âge d’innocence où les marchés actions montent tout le temps », dans la lignée du conte de fée de la Goldilocks Economy, l’économie Boucle d’Or qui sied à tout le monde.
Et puis il y a eu les mois de février et de mars 2018 qui sont venus instiller le doute dans les esprits.
Après un premier trimestre qui a vu les baissiers reprendre du poil de la bête suite à deux lourdes corrections, le deuxième trimestre 2018 a jusqu’à présent pris l’allure d’un immense short squeeze où les vendeurs à découvert – qui parient à la baisse – se font laminer.
Cependant, à mi-mai, le S&P 500 affichait 3% de performance par rapport au 1er janvier.
Dans le même temps, une volatilité intraday de 2% n’a désormais plus rien d’exceptionnel sur les marchés actions.
Comme le rappelle le site ZeroHedge, « historiquement, des augmentations significatives de variations hebdomadaires ont eu lieu à l’entrée et à la sortie de corrections de marché plus significatives ».
Bref, les marchés semblent sortir de l' »âge d’innocence » pour entrer dans l’âge de raison.
Des allures de sommet de cycle haussier pour 60% de l' »argent intelligent »
Ce rebond des marchés actions après une correction (chute de 7% à 12%) manque tellement de vigueur qu’il s’agit en fait de l’une des plus faibles rebonds du S&P 500 depuis 1950, note Business Insider.
Devant cette reprise anémique, des voix s’élèvent pour prévenir que l’on pourrait bien avoir affaire à un sommet de cycle, ou que l’on pourrait en tout cas ne plus en être très loin. Ces périodes de transition peuvent s’étaler sur presque une année, comme ce fut le cas en 2000 et en 2007, quand d’autres sont au contraire assez brèves.
Avec un mois de mai qui a été un très bon cru sur les marchés actions, la question est de savoir de combien de temps sera retardée l’application du fameux adage boursier « sell in May and go away »… L’historique montre en effet que les performances de l’indice S&P 500 se construisent de novembre à avril.
Dans un sondage réalisé mi-avril auprès de 176 gérants de fonds d’investissement, Bank of America relevait que c’est désormais plus de 60% de la « smart money » (l' »argent intelligent », les investisseurs professionnels) qui estime que les marchés actions ont déjà atteint le sommet du cycle haussier, ou bien que ce sera le cas avant la fin de l’année.
Même si le montant de la dette sur marge (650 milliards de dollars) a diminué depuis son sommet du mois de janvier, le gros des investisseurs pense pouvoir encore tirer profit de leur levier avant de quitter la table de jeu.
Rappelons que la dette sur marge représente le volume d’achat d’actions financé à crédit.
L' »argent intelligent » n’a en revanche cessé de retirer ses billes depuis février, en tout cas à en croire l’indice de Bloomberg.
Pourrait-on assister à un « dégonflement ordonné du levier boursier » ? « Ce serait une première, mais cela pourrait arriver », commente Zero Hedge. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a de quoi dégonfler…
D’autant plus que les marchés actions sont confrontés à un grand nombre de menaces.
Comment les marchés actions réagiraient-ils à l’extinction de la supernova de liquidité ?
Ce n’est plus un secret pour personne : les marchés actions sont gonflés aux stéroïdes de la liquidité. Cela se traduit par exemple dans la corrélation entre le MSCI World Stocks et le bilan agrégé des plus grandes banques centrales.
En vert l’évolution de l’indice MSCI des plus grosses capitalisations mondiales, en bleu les liquidités fournies par les banques centrales du G3 (Etats-Unis, UE et Japon).
Cependant, l’extinction de la « supernova de liquidité » mondiale est attendue pour 2019. Le consensus veut que les cinq plus grandes banques centrales stoppent leurs politiques de rachats d’actifs en début d’année prochaine.
D’où la question suivante : comment les marchés actions réagiraient-ils à la hausse des taux courts par la Fed ?
Comme nous avons déjà eu l’occasion de l’évoquer, quasiment chaque cycle de hausse des taux par la Fed s’est soldé par une récession ou par un événement de marché. Pourquoi cela serait-il différent cette fois-ci ?
ZeroHedge rappelle que :
« La Fed augmente généralement ses taux jusqu’à ce que quelque chose casse. D’ici la fin 2018, la Fed aura fait neuf hausses de taux dans son cycle de resserrement. Les marchés émergents, le crédit, les valeurs technologiques sont tous candidats ».
Comment les marchés actions réagiraient-ils à la hausse des taux longs ?
Nous l’avons déjà évoqué, les marchés actions n’apprécient guère que les taux longs remontent.
En effet, comme l’explique Natixis :
Alors, à quel type de réaction peut-on s’attendre sur les marchés actions en fonction de l’évolution des taux longs ? Goldman Sachs a donné son avis fin février. Pour la banque d’investissement, si le 10 ans US atteignait les 4,5% d’ici la fin de l’année, il faudrait s’attendre à un fort ralentissement économique et tabler sur un krach de 20% à 25% sur les marchés actions.
Plutôt que de citer Goldman Sachs, je vous propose la « traduction » de Zero Hedge :
« Une éventuelle baisse des taux suite à la prise de conscience ‘soudaine’ du marché du fait que les banques centrales vont effectivement durcir leur politique pourrait déclencher une hausse des rendements sur le 10 ans US beaucoup plus importante que ce qui a été observé jusqu’ici, entraînant des conséquences dramatiques pour les actions et, dans une moindre mesure, pour l’économie, et alors qu’une récession serait évitée malgré une ‘courte désinflation de prix des logement’, un effondrement des marchés actions serait inévitable ».
On notera cependant que Goldman Sachs ne croit pas à un tel scénario. Pour les auteurs de l’étude, le 10 ans US devrait avoisiner les 3,25% d’ici la fin de l’année, sans conséquence sur la croissance économique ni sur les marchés actions.
ZeroHedge fait remarquer que « lorsque les obligations et le dollar plongent, la seule chose qui peut sauver les actions est le quantitative easing. »
Les marchés actions et les marchés obligataires envoient cependant des signaux pour le moins contradictoires, comme nous le verrons très prochainement.
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