Application tordue de la flat tax, précisions sur la loi Sapin 2, saisie et amende pour défaut de déclaration, voici les changements récents qui affectent ce support d’épargne…
Vous vous souvenez du principe de base sur lequel repose la flat tax : la lisibilité fiscale qu’elle introduit est censée vous permettre de prendre des décisions plus rationnelles. Pourtant, en matière d’assurance-vie, le prélèvement forfaitaire unique (PFU) tel que conçu par les équipes du président n’a rien de systématique – ce serait même plutôt le contraire.
C’est d’ailleurs la 15ème fois depuis le début des années 1990 que le législateur modifie les règles du jeu en matière d’assurance-vie, précise Boursorama. Que voulez-vous, il faut bien justifier l’utilité de son poste !
La Fédération française de l’assurance (FFA) s’est exprimée au sujet de cette réforme au travers de son délégué général, Arnaud Chneiweiss. La Fédération est en défaveur des nouvelles règles. Elle regrette en effet la réduction de la taille de la carotte fiscale récompensant la détention longue. Car c’est bien d’une atténuation de l’incitation fiscale dont il s’agit, et non de la fin de la prime à la longévité, comme on le lit trop souvent.
Arnaud Chneiweiss explique à juste titre sur cBanque que « l’assurance-vie est un couteau suisse […]. On ne sait pas à l’avance à quoi elle servira, raison de plus pour prendre date car rien n’a changé, c’est bien la date d’ouverture du contrat qui compte pour bénéficier des abattements après huit ans. »
J’avais déjà évoqué ce principe, mais il ne me semblait pas inutile de revenir dessus.
Une flat tax… de moins en moins flat !
Depuis mon dernier article sur le taux unique d’imposition, le Sénat est venu essayer de modifier la tuyauterie de cette usine à gaz pour la rendre encore plus illisible. En effet, afin que les chefs d’entreprise ne puissent en aucun cas adopter de « comportements d’optimisation fiscale », le sénateur Albéric de Montgolfier a déposé un amendement qui leur interdit de bénéficier de la flat tax sur les dividendes au-delà de 10% du capital social.
Heureusement, certains sénateurs font parfois des interventions plus utiles.
Certains mouvements de fonds exclus du champ d’application de la Loi Sapin II
Le 13 juillet, le sénateur Claude Malhuret a interrogé le ministre de l’Economie et des finances au sujet du champ d’application de la Loi Sapin II, qui permet le blocage des mouvements de capitaux sur les fonds euros des contrats d’assurance. La réponse ministérielle est parue au JO de Sénat le 10 août. En voici un extrait :
« S’agissant des couvertures d’assurance sur la vie souscrites avec un objectif de ‘prévoyance’, ces dernières ne seront pas concernées par d’éventuelles limitations du HCSF qui, en application de la loi, ne pourront porter que sur le paiement des valeurs de rachat, la faculté d’arbitrage ou le versement d’avances sur contrat (soit uniquement des actions déclenchées à la demande du souscripteur). Il résulte donc de la rédaction même de la loi que le paiement des capitaux décès, des capitaux termes ainsi que le service des rentes viagères ne seront pas concernés par les limitations que pourraient décider le HCSF. »
Ainsi, le versement des capitaux suite au décès de l’assuré, de la survenance du terme d’un contrat à durée déterminée ou encore dans le cadre du service d’une rente viagère ne devraient pas être concernés par la Loi Sapin II.
Seules les demandes de retrait, d’avance ou d’arbitrage devraient pouvoir faire l’objet d’un blocage de la part du HCSF.
L’assurance-vie devient de plus en plus saisissable… mais toujours pas par les particuliers !
Bercy a simplifié les possibilités de saisie des contrats d’assurance-vie par les comptables publics, dans le cadre d’un BOFIP en date du 28 août.
Jusqu’en 2010, l’assurance-vie bénéficiait d’un statut spécial, en cela qu’elle était le seul placement insaisissable par un créancier, quelle que soit sa nature (publique ou privée).
C’est la nature juridique du contrat d’assurance-vie qui expliquait cette situation : n’étant pas un bien, mais un contrat d’assurance au bénéfice d’autrui (le bénéficiaire), il ne faisait pas partie du patrimoine personnel de l’assuré* et n’était à ce titre pas saisissable. (*sauf que sa valeur de rachat était prise en compte dans le calcul de la base imposable à l’ISF, m’objecterez-vous peut-être, ce à quoi je répondrai que lorsqu’on fabrique des usines à gaz, il arrive forcément un moment où il devient difficile de maintenir une logique à tous les étages.)
De nombreux épargnants ont donc organisé leur insolvabilité grâce à cette faille juridique, en plaçant justement une partie importante de leur épargne sur ce type de contrat.
L’histoire juridique de la remise en cause du statut spécial de l’assurance-vie vers sa progressive banalisation est longue et parsemée de décisions de justice et de modifications de la législation. (1) En gros, elle s’est déroulée en deux étapes.
La première brèche a été introduite par la loi numéro 2010-768 du 9 juillet 2010, qui est venue introduire l’article 706-155 dans le Code de procédure pénale. Celui-ci autorise désormais la confiscation d’un contrat d’assurance-vie qui a été alimenté suite à une infraction. Cet article a trouvé sa première application dans une affaire judiciaire datant de 2014.
Puis c’est l’administration fiscale qui s’est vue décerner un droit de saisie sur les contrats d’assurance-vie suite à la loi du 6 décembre 2013. Auparavant, elle ne pouvait pas saisir ce type de placement, y compris en cas de fraude. Il est néanmoins à noter que pour être saisissable, le contrat d’assurance-vie doit être rachetable. Par conséquent, le principe d’insaisissabilité demeure pour les contrats dont la sortie se fait nécessairement en rente viagère au moment de la retraite, comme les contrats « article 83 », les contrats retraites « Madelin » et les PERP.
Les autres créanciers, notamment privés, n’ont encore aucun droit sur les contrats d’assurance-vie de leurs débiteurs. Mais la boîte de Pandore est ouverte, et on voit mal pourquoi l’Etat aurait un privilège vis-à-vis des particuliers en matière de remboursement de créances… mais il est vrai que nous sommes en France !
Terminons sur une bonne nouvelle.
L’amende de 5% en cas de non-déclaration des contrats d’assurance-vie souscrits à l’étranger déclarée inconstitutionnelle
C’est la décision prise par le Conseil constitutionnel le 27 octobre dernier. Les « sages » ont en effet jugé que cette sanction était « manifestement disproportionnée à la gravité des faits » du fait de son montant « non plafonné […] pour un simple manquement à une obligation déclarative, même lorsque les revenus n’ont pas été soustraits à l’impôt ». C’est en quelque sorte le « droit à l’erreur » avant le « droit à l’erreur » que consacre le Conseil au travers cette décision.
Voilà pour les derniers changements en matière de réglementation de l’assurance-vie. Je vous retrouverai très bientôt pour vous parler des spécificités des contrats les plus récents !
(1) Les curieux pourront se reporter à cet article très détaillé de l’AUREP.