Abus, dénonciation, fraude… La fiscalité française présente des nuances à respecter impérativement lorsqu’on cherche à optimiser son patrimoine.
L’affaire des paradise papers qui a éclaté en novembre 2017 fait suite à celle des Panama papers d’avril 2016. La terminologie employée par bien des commentateurs pour caractériser la dernière affaire laisse entendre que l’on aurait systématiquement affaire à des actes illégaux.
Quels écueils faut-il absolument éviter sur le plan patrimonial en France ?
Abus de droit fiscal : kezako ?
En droit français, l’abus de droit fiscal est une notion définie par l’article L64 du Livre des procédure fiscales (LPF) et modifiée pour la dernière fois le 30 décembre 2008 :
« Afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.
En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l’avis du comité de l’abus de droit fiscal. L’administration peut également soumettre le litige à l’avis du comité.
Si l’administration ne s’est pas conformée à l’avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification.
Les avis rendus font l’objet d’un rapport annuel qui est rendu public. »
En vertu de cet article, l’administration fiscale peut requalifier une opération patrimoniale en fonction de deux critères non-cumulatifs.
Le premier d’entre eux est l’exclusivisme fiscal, c’est-à-dire le fait que l’opération ait été faite dans l’unique but d’éviter l’impôt. Pour se prémunir de cet écueil face à administration, il s’agit pour le contribuable de se ménager la preuve qu’il a réalisé l’opération dans un autre but.
Ainsi est-il judicieux, lors de la création d’une SCI familiale, de préciser dans les statuts de la société que celle-ci est constituée en vue d’éviter l’indivision lors de la succession des parents (motif civil).
Attention néanmoins, si cette précaution est souvent nécessaire, elle ne se révèle pas toujours suffisante en cas de contrôle fiscal.
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Le second critère est le caractère fictif de l’opération. En effet, si l’administration fiscale arrive à prouver que l’opération n’a pas de consistance réelle, elle risque de la requalifier. Le caractère fictif de l’opération peut se matérialiser de plusieurs façons : déséquilibre patent dans la composition du capital social d’une société, adresse exotique du siège de la société, absence d’assemblée générale depuis plusieurs années, etc.
Une notion connexe : la présomption de fraude
Parmi les notions les plus connues voisines de la notion d’abus de droit fiscal, on trouve celle de la présomption de propriété, également appelée présomption de fraude.
L’article 751 du Code général des impôts détaille les règles à suivre pour qu’un achat en démembrement de propriété entre présomptifs héritiers soit effectué de manière incontestable par l’administration.
La lecture de l’article 752 du même Code vous permettra quant à lui de saisir pourquoi vous risquez d’être requalifié si vous vider le compte bancaire de votre grand-mère quelques jours avant son décès.
Votre conseiller financier est tenu de vous dénoncer à TRACFIN
Pour pouvoir faire du conseil en gestion de patrimoine, un professionnel doit disposer d’un certain nombre de statuts. Au coeur de ceux-ci se trouve le statut de conseiller en investissement financiers (CIF) qui impose au conseiller un certain nombre de devoirs vis-à-vis de ses prospects et de ses clients, mais également vis-à-vis de l’administration fiscale.
Ainsi l’article L 561-15 du Code monétaire et financier pose-t-il l’obligation légale pour votre conseiller (CGPI, banquier, assureur, notaire…) d’adresser à l’organisme TRACFIN (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins) une déclaration de soupçon concernant toutes :
« […] les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou participent au financement du terrorisme. »
Si votre conseiller s’abstenait de contacter l’organisme du ministère de l’Economie et des Finances, l’administration serait amenée à considérer que votre conseiller participe ou facilite une opération de blanchiment (ou de financement du terrorisme), ce qui l’exposerait à des sanctions pénales et disciplinaires.
La cellule de Bercy fonctionne à plein régime. En 2016, elle a enregistré une activité record avec plus de 60 000 dossiers transmis, donnant lieu à plus de 13 000 enquêtes (+43%). Le taux de mise en investigation a par contre lourdement chuté, les banques en particulier ne lésinant pas sur les déclarations de soupçons de manière à se couvrir au maximum vis-à-vis de l’administration.
Le magasine Le Particulier relève qu' »en 2016 comme en 2015, les catégories d’infractions les plus représentées sont la fraude fiscale et le blanchiment de capitaux, l’abus de confiance, le travail dissimulé, les abus de biens sociaux ou de pouvoir et l’escroquerie. »
Il est à noter que les CIF ne sont pas les seuls à être soumis à l’obligation de déclaration de soupçon. C’est également le cas des bureaux de change, des casinos et cercles de jeux, des professionnels du crowdfunding et d’autres professionnels de l’immobilier.
Les règles du jeu ainsi posée, nous verrons prochainement ce qu’il reste possible de faire en France sur le plan de l’optimisation patrimoniale.