Par Chris Gilpin
Bud Conrad, économiste en chef chez Casey Research, a confirmé grâce à ses calculs que 10% est une estimation bien plus réaliste de l’inflation américaine que les 3% avancés par le gouvernement US. En utilisant les chiffres de Shadowstats, Bud a calculé l’historique des cours du pétrole avec la méthode de l’indice des prix à la consommation de 1980. Il s’avère que le baril de brut à 39,50 $ en 1980 équivaut à plus de 200 $ en billets verts anémiques actuels.
Dans un tel contexte, les prix du brut sont loin de leur sommet historique, et le pétrole à 100 $ semble plutôt bon marché. Avec tout ce qui se passe actuellement au Moyen-Orient — où le monde va encore chercher une bonne partie de son pétrole — et les preuves qui s’accumulent (comme à Cantarell) que le Peak Oil est bel et bien là, les chances de voir le brut grimper bien plus haut vont en augmentant de jour en jour.
D’autres chocs énergétiques potentiels nous guettent. Par exemple : confronté à l’épuisement de Cantarell, pendant combien de temps pensez-vous que le gouvernement mexicain va continuer à autoriser l’exportation sans restriction du pétrole de son pays vers les Etats-Unis ? Des quotas pourraient être mis en place du jour au lendemain.
Autre moyen d’envisager l’ensemble du tableau : examiner la pondération des divers secteurs dans le S&P 500 au cours du temps. Grâce à sa formation de mathématicien, Marin Katusa, stratégiste investissement chez Casey Energy Speculator, a utilisé cette méthode pour évaluer avec beaucoup d’exactitude les dislocations qui se produisent sur les marchés. Si l’on observe la taille relative des divers composants du S&P 500 les uns par rapport aux autres dans l’ère moderne, on peut facilement voir les phases durant lesquelles certains secteurs sont en déséquilibre significatif par rapport aux normes historiques.
Les chiffres de Marin nous montrent que la pondération du secteur de l’énergie a spectaculairement augmenté durant la crise énergétique de 1979-1980, atteignant un sommet relatif de près de 30% de la valeur du S&P 500. Depuis, la part de l’énergie a chuté durant deux décennies. Ce n’est que récemment, avec la hausse des prix du pétrole, que les actions énergétiques ont grimpé à nouveau — pour représenter une part plus grande encore du S&P 500. Cependant, même si les actions du secteur de l’énergie couvrent une plus grande proportion du S&P 500 aujourd’hui qu’en 1999, elles sont encore loin de leur ancienne domination.
Il est intéressant de constater que la hausse la plus nette a été celle du secteur financier, qui est passé de 5% à 20% ces 30 dernières années, nourri par l’expansion de crédit et les politiques monétaires souples. Cette tendance semble être en train de s’inverser.
Il est également intéressant de voir de quelle manière la bulle des dot.com a faussé les marchés. A l’époque, les technologiques ont occupé jusqu’à un tiers de la valeur du S&P 500. Durant la dernière crise énergétique, le secteur de l’énergie avait atteint le même niveau. A 9,3%, la pondération actuelle des valeurs de l’énergie montre qu’elles ont encore de la marge à la hausse. Le marché haussier de ces dernières années a été positif pour tous les secteurs, et seules les financières ont été mises à mal récemment, mais à mesure que la crise énergétique naissante prendra de la vitesse, les entreprises du secteur de l’énergie pourraient tout à fait reprendre le statut qu’elles occupaient en 1979-1980.
Il est également important de noter qu’il y a une corrélation négative significative entre les secteurs de l’énergie et des services financiers. Ils évoluent dans la direction opposée dans 79% des cas ; c’est-à-dire que lorsque l’un grimpe, l’autre baisse quasiment quatre fois sur cinq. Mathématiquement parlant, c’est une relation tout à fait solide. Alors que les financières vacillent sous les coups du credit crunch, cet indicateur technique montre que les valeurs énergétiques ont tout pour grimper.
L’ère du pétrole atteint un point de bascule, et l’Occident — comme plus grand utilisateur de pétrole au monde — n’est pas dans une position enviable. Les investisseurs individuels n’ont pas à en souffrir autant, cependant. La première étape pour protéger votre richesse, c’est d’envisager les cours du pétrole et des actions énergétiques dans leur contexte historique. 90 $ le baril, ce n’est pas un pic — ce n’est qu’un précurseur de l’influence du Peak Oil.
Les gains significatifs que nous avons vus pour certaines valeurs du secteur de l’énergie ne sont rien en comparaison de ceux qui pourraient se concrétiser lorsque la prochaine crise énergétique prendra toute son ampleur : ne manquez pas le coche.
Meilleures salutations,
Chris Gilpin
Pour la Chronique Agora
(*) Chris Gilpin est membre de l’équipe de recherche sur l’énergie de Casey Research, LLC. Energy. Il contribue également à la lettre d’information américaine Casey Energy Speculator.