L’un des symptômes parmi les plus tristement visibles d’un grave échec est la manière par laquelle nos systèmes entravent et frustrent les gens honnêtes et besogneux qui travaillent en leur sein.
Si vous travaillez au sein d’une quelconque institution au cœur de notre système – la santé, l’éducation, les corps d’État, les forces armées, les assurances, la finance, et ainsi de suite – ou si vous connaissez des gens qui travaillent dans ces milieux, vous savez que la plupart d’entre eux sont honnêtes et travaillent dur en essayant de faire de leur mieux.
Hélas, les systèmes mettent activement des bâtons dans les roues des gens honnêtes et travailleurs, et les broient. Ce n’est pas uniquement vrai pour les employés au bas de l’échelle – c’est tout aussi vrai pour les grands dirigeants.
Aux États-Unis, les rectorats d’académie, par exemple, ne font pas que briser les nouveaux professeurs, ils en font de même pour les directeurs d’écoles.
Cet échec bureaucratique est à l’échelle du système. Il décrit le statu quo global, et ne se limite pas à une quelconque industrie ou secteur.
Il est facile de constater les symptômes de cette sclérose systémique et de cet auto-sabotage à tous les niveaux. Tous les deux ans, avec une régularité de métronome, les rectorats en échec font appel aux services d’un nouveau directeur. Ce dernier annonce «les réformes» qui vont prétendument transformer une bureaucratie en échec en une bureaucratie efficace.
Les réformes échouent inévitablement parce que le problème ne se limite pas aux directeurs – toute la bureaucratie du système éducatif est elle-même le problème. En conséquence, de nouveaux professeurs idéalistes entrent dans le système, prêts à faire un noble travail d’éducation de notre jeunesse… et les meilleurs partent en claquant la porte quelques années plus tard, lorsque le système aura contrecarré leurs aptitudes et désirs de réellement enseigner.
Ceux qui ont besoin de percevoir un salaire rentrent dans une phase de résignation. Ils laissent le système les broyer dans ce cadre normé qui étouffe toute innovation, la prise de risque et l’initiative – les trois principaux moteurs d’une organisation performante, que ce soit pour toute une vaste organisation militaire ou pour une petite école communale.
Regardez autour de vous : regardez le nombre de professeurs qui partent, le nombre de médecins seniors qui partent en retraite anticipée, le nombre d’officiers moyennement gradés qui se retirent à mi-chemin de leur carrière professionnelle – ce sont les signes majeurs que le système échoue et ne peut être réformé.
Pourquoi nos systèmes se sont-ils sclérosés dans des carcans de réglementations destructrices et de hiérarchies ? Voici quatre éléments essentiels expliquant cette dynamique :
1. Ceux qui conçoivent les réglementations et les organisations ne risquent pas leur peau, pour emprunter un terme de Nassim Taleb. Si la réglementation qu’ils imposent échoue, ils ne subissent absolument aucune perte personnelle : ces administrateurs et technocrates partent tous avec des retraites confortables et des avantages, quelles que soient les conséquences de leur bricolage.
2. L’ontologie des organisations centralisées et hiérarchiques est d’ajouter des réglementations, même lorsqu’elles sont plus nuisibles que bénéfiques. Les organisations centralisées et hiérarchiques n’ont aucun mécanisme pour réduire leur pouvoir ou leur périmètre d’action, et pas plus de mécanisme pour supprimer les réglementations contradictoires ou auto-destructrices.
Pourquoi en est-il ainsi ? Les régulateurs justifient leur poste et leur salaire en ajoutant des réglementations, pas en en supprimant. L’organisation elle-même est conçue pour chercher à augmenter son budget et son pouvoir ; réduire le budget et le périmètre d’actions est un anathème – cela va à l’encontre même de l’ADN des organisations centralisées et hiérarchiques.
3. Les organisations centralisées et hiérarchiques cherchent à centraliser. L’idée que des professeurs aient individuellement une latitude vis à vis du programme éducatif et de la méthode d’apprentissage est une hérésie dangereuse ; dans les organisations centralisées et hiérarchiques, le contrôle de tout individu et de toute activité doit être total. C’est ainsi que nous arrivons à d’énormes institutions tentaculaires à la gestion tatillonne.
4. Le coût pour se conformer avec les montagnes de réglementations en expansion incessante réduit la capacité à mener à bien la mission de l’institution. Comme le montre le diagramme ci-dessous, ces tropismes bureaucratiques entraînent à une situation où la conformité, le contrôle, les réunions, la gestion des sanctions pour non-conformité, etc. absorbent plus de ressources de l’organisation que la réalisation effective de sa mission.
Résultat : l’organisation faillit à sa mission, même si elle accroît le nombre de ses employés, son budget et ses pouvoirs de réglementation. L’échec est intrinsèque à tout système constitué exclusivement d’organisations centralisées et hiérarchiques.
Pas d’enjeu pour soi + absence de rétroaction pour s’auto-corriger = échec complet et total.
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1 commentaire
Cette brillante analyse de Charles Hugh Schmitt me rappelle un homme célèbre : un brillant centralien Octave Gélinier qui dans un ouvrage avait déjà dénoncé : la bureaucratie à la Française qui sclérose et appauvrit la nation française . Depuis de nombreux chefs d’entreprises français sortis de la base l’ont prouvé comme Dassault , Gérard Mulliez , Mérieux , Bouygue , Drahi etc ….