Nous sommes très loin des débats monnaie commune – monnaie unique ou des programmes économiques des candidats à la présidentielle, mais l’anecdote Leroy Merlin met en lumière le vice de notre pays : le tout-Etat partout, dans les plus modestes recoins de notre vie. Moins d’Etat – et pas seulement la question des effectifs des fonctionnaires – sera, comme d’habitude, le sujet ignoré de cette campagne électorale.
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Leroy Merlin, grand distributeur bien connu des bricoleurs et des artisans, produit aussi en « marque blanche ». Ceci signifie que le distributeur achète des produits qu’il emballe à sa façon (en général plus austère que le produit d’origine) et vend moins cher.
Ce qui se fait pour les yaourts, Leroy Merlin a voulu le faire pour le mastic vendu sous sa propre marque Axton.
Nous ne sommes plus à la dangereuse époque où le poisson s’emballait dans du papier journal et le mastic, comme une motte de beurre, dans du papier huilé. La Parasitocratie s’est emparée du sujet…
Pour prendre la mesure de ce qu’est un emballage de nos jours, commencez par consulter les 45 pages du ministère de l’Économie et des Finances : « Etat des lieux de la réglementation encadrant l’information du consommateur ».
Attention : cet inventaire qui vous permettra de vous guider dans un labyrinthe normatif n’est pas exhaustif, précise bien le site du gouvernement. Vous apprécierez que même dans un ministère on puisse par avance s’excuser d’ignorer la loi… que nul n’est censé ignorer.
Muni de cette compilation non exhaustive et de café assez corsé, vous vous jetterez sur la page 24 qui concerne l’information sur les produits non alimentaires — dont le mastic devrait faire partie. Vous apprendrez qu’il faut un marquage « CE » indiquant que vous « assumez la responsabilité de la conformité du produit avec toutes les exigences applicables définies par la législation communautaire » (mais que ne connaît pas le ministère de l’Economie vu qu’il ne publie pas de document « exhaustif »).
Ensuite, vous devez savoir que votre mastic doit être conforme au Règlement des produits de la construction et qu’à ce titre vous devez établir une « déclaration de performance » (DoP). A ce stade, vous branchez votre cerveau en mode « client » et vous vous dites qu’une DoP « permettant au consommateur de comparer clairement et aisément deux produits similaires et de s’assurer qu’il fait le bon choix tout en étant clairement informé » est plutôt une bonne chose.
Sauf que bien sûr, une DoP a un prix. Il va falloir faire évaluer votre produit « par un organisme notifié de l’Union européenne », mettre au point vos tests, etc.
Dans le cas de Leroy Merlin, on peut supposer que le fabricant d’origine avait déjà fait ce parcours. Mais le distributeur a commis une dangereuse erreur.
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Le crime de Leroy Merlin était double
Pas de marquage CE et pas de DoP, ont constaté de vaillants inspecteurs de la Direction départementale de protection des populations (DDPP). Un crime sans victime, comme souvent de nos jours, mais…
L’amende encourue pour chaque tube mal étiqueté est de 2 250 €, ce qui, dans le cas de Leroy Merlin, conduisait à une facture de 2 Mds€.
Toutefois, les fins limiers de la puissance publique ont commis une bourde : « aucune preuve n’a jamais été apportée par la DDPP sur le nombre exact d’infractions constatées, ni sur la ou les références concernées et les lieux d’infraction », nous indique Le Figaro.
Manque de moyens ? A 2 250 € le tube, ces agents ne se sont pas montrés très zélés dans l’accomplissement de leur noble mission de protection des populations susceptibles d’être victimes de mastic mal marqué.
Mais vous devez savoir que « les Directions départementales de la protection des populations (DDPP) ou Directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) sont des services déconcentrés de l’Etat officiant auprès du préfet de département ». Il aurait fallu mobiliser les préfets, coordonner une brigade à l’échelle nationale, envoyer des agents dans chaque point de vente.
Après de longues tractations – l’affaire date de 2014 – le juge laisse finalement tomber… Pas d’amende. Un aveu d’impuissance publique, finalement.
Crime ou délit sans véritables victimes, mille-feuilles administratif, agents pas très concentrés sur leur mission par ailleurs assez fumeuse… tous les vices de notre Etat sont là. Au bout du compte, nous payons pour ces vices en tant que contribuable et consommateur.
Dans un pays où 57% de l’économie est accaparée par le secteur public, lorsqu’un candidat – quel que soit son étiquetage – vous explique qu’il faut en faire plus, qu’il faut plus vous protéger, il est permis de douter que ce soit le chemin vers la croissance et la prospérité commune.