Parmi les principaux facteurs qui dérèglent le système financier se trouve la garantie d’Etat, également connue sous le nom de « trop gros pour faire faillite » ( too big to fail ). Les gouvernements disent ainsi aux banquiers : « si vous faites des profits, vous pouvez les garder, et si vous faites de lourdes pertes, le contribuable sera là pour vous sauver et vous éviter la faillite ».
Evidemment un tel signal n’incite pas à la bonne gestion. L’aléa moral généré par cette politique constitue en partie le problème des marchés financiers ; toute discipline est ôtée par le fait que la notion de pertes est quasiment neutralisée. Nous autres déposants sommes aussi déresponsabilisés puisque nos incitations à contrôler nos banquiers et à les choisir consciencieusement sont affaiblies.
Pourquoi s’embêter à choisir une banque sûre si la probabilité d’être secouru par le contribuable est élevée ?
[NDLR : Pour ceux qui aimeraient quand-même savoir à quoi s’en tenir à propos de leur banque, c’est ici.]
Tout ceci entretient une concurrence déloyale à l’égard des entreprises responsables. Le système bancaire est une tragédie des biens communs où chacun tente d’exploiter au mieux la générosité du contribuable.
L’aléa moral entrave également le développement d’une culture de « l’anti-fragilité ». C’est-à-dire que nous autres, déposants et banquiers, n’apprenons jamais de nos erreurs puisque nous n’avons pas à payer le prix de nos égarements.
C’est pourquoi il est prioritaire de réhabiliter la faillite dans le secteur bancaire. La faillite n’est pas un gros mot. Elle est un instrument utile de régulation de l’activité entrepreneuriale. En frappant les industries insuffisamment rentables et incapables de respecter leurs obligations, elle permet de ré-allouer le travail et le capital à des fins plus utiles pour la société. Entraver ce processus revient à entretenir des entreprises et des banques zombies qui détruisent plus de richesses qu’elles n’en créent au détriment des gains de productivité.
La faillite est une solution d’autant plus urgente dans la mesure où — à la prochaine crise — il serait politiquement suicidaire pour les gouvernements de procéder à de nouveaux renflouements. Leur niveau d’endettement est devenu trop critique.
Source : Eurostat
Une faillite déclencherait vraisemblablement l’hostilité des contribuables. Ces derniers ont été sommés de faire d’importants sacrifices puisque les gouvernements ont décidé, pour la plupart, de résorber leurs déficits par l’augmentation des impôts plutôt que par la réduction des dépenses. Un nouveau renflouement massif pour secourir des banques défaillantes serait perçu à juste titre comme injuste et spoliateur.
Comment gérer les faillites bancaires ?
Comment gérer la faillite d’un établissement bancaire ? Une tâche loin d’être évidente, en particulier lorsqu’il faut réfléchir à la manière de traiter les clients des banques qui pratiquent les réserves fractionnaires. Il n’existe néanmoins que trois méthodes pour élaborer les procédures destinées à être suivies en cas de faillite.
I- La méthode législative
Une première méthode serait de se doter d’une législation efficace relative aux entreprises en difficulté pour réglementer en amont les relations entre les actionnaires, les créanciers et les clients de la banque en difficulté. Un tel arsenal juridique existe déjà en pratique mais les gouvernements ont rarement le courage d’appliquer ces procédures qui ruineraient sans doute beaucoup d’épargnants. Les lois sur les faillites ont l’inconvénient de définir des procédures standardisées qui s’adaptent difficilement aux situations et aux préférences particulières.
II – La méthode jurisprudentielle
En l’absence de législation, c’est au juge de prendre ses responsabilités et de faire naître une jurisprudence lisible pour clarifier les droits et les obligations de chaque partie prenante. La méthode jurisprudentielle a l’avantage d’être plus souple et de pouvoir évoluer plus facilement en fonction des pratiques et des nécessités propres au monde des affaires.
III – La méthode contractuelle
La solution idéale réside bien évidemment dans les contrats passés entre les clients, les banques et leurs créanciers. On pourrait imaginer que les statuts des banques ou encore les contrats passés entre clients et créanciers puissent contenir des clauses qui anticipent le déroulement des procédures à suivre en cas de défaillance. Par exemple : des garanties sur les comptes courants, les comptes livrets, …
On créerait ainsi un véritable marché du risque et de la responsabilité bancaire véritablement transparent, le même qui fait actuellement cruellement défaut, avec toutes les conséquences que l’on connaît sur la stabilité du système financier.