Une lutte historique s’annonce entre le président Trump et Janet Yellen. Son issue influencera les marchés au cours des prochaines années.
L’historique des manipulations de marché opérées par la Fed s’est allongé avec le bail-out (sauvetage) du hedge fund LTCM, en 1998, la politique des taux « trop bas trop longtemps » menée par Greenspan (2002-2006), le bail-out des banques orchestré par Bernanke en 2008, la série consécutive des QE1, QE2 et Q3 (2008-2014), et le discours accommodant (« dovish ») de Janet Yellen en réaction aux corrections subies par les marchés en août 2015 et janvier 2016.
En bref, la Fed est devenue un filet de sécurité universel pour banques en faillite et marchés qui s’effondrent. Nous sommes très loin de sa mission désignée, à savoir le maintien de la stabilité des prix et le plein emploi.
Il convient d’avoir à l’esprit cette stratégie de la Fed, tant pour évaluer sa future politique que pour comprendre l’instabilité sous-jacente qui s’est accumulée, conséquence de ces malencontreuses manipulations passées.
Malgré l’angoisse et les erreurs de prévision de la plupart des analystes de marché, le processus politique de la Fed est assez facile à comprendre. Trois règles vous donnent suffisent pour prévoir de façon précise les actions de la Fed :
- La Fed relèvera les taux chaque fois qu’elle le pourra jusqu’à ce que les taux de base qu’elle vise (target Fed funds rates) atteignent 3,25%. Au-delà, la politique de la Fed évoluera entre resserrement à neutralité.
- La Fed ne resserrera pas sa politique si la création d’emplois ralentit ou si les conditions financières se resserrent pour des raisons qui ne sont pas liées aux objectifs relatifs aux taux de base qu’elle vise (target Fed funds rates).
- Tous les commentaires de la Fed peuvent être sereinement ignorés à moins d’émaner de la présidente, du vice-président, du président de la Fed de New York ou du FOMC lui-même.
Voilà. Certes, quelques explications et interprétations concernant ces règles peuvent être utiles.
Le fait que la Fed veuille relever les taux n’est pas lié à des réflexions relatives au cycle économique qui orientent habituellement ses décisions d’assouplissement ou de resserrement. La Fed rattrape purement et simplement le temps perdu. Cela signifie qu’elle a un a priori favorable aux relèvements des taux à une période où l’économie n’est pas particulièrement solide.
D’un autre côté, la Fed interrompra le resserrement chaque fois qu’elle décèlera un risque d’affaiblissement de la création d’emploi, de resserrement des conditions financières, de déflation ou de faible croissance. Plus particulièrement, si la création d’emploi était inférieure à 100 000 nouveaux emplois créés par mois, la Fed mettrait en suspens son attitude de faucon.
De même, si les indices des prix à la consommation baissaient ou étaient négatifs, notamment l’indice PCE [NDR : statistique mesurant la consommation des ménages d’une année sur l’autre], la Fed marquerait une pause jusqu’à ce que ces données s’inversent. Une croissance du PIB négative, ou un trimestre négatif, forcerait également la Fed à sauter un relèvement programmé.
Enfin, une correction en règle du marché actions, de 10% voire plus, équivaudrait à un resserrement des conditions financières et mettrait un terme ponctuel au relèvement des taux.
En résumé, la Fed relèvera ses taux en mars, juin, septembre et décembre 2017, 2018 et 2019 sauf effondrement de la croissance, de la création d’emplois, du cours des actions ou de l’inflation. Dans ce cas, la Fed marquera une pause aussi longtemps que nécessaire jusqu’à ce que ces conditions s’inversent. Cette simple formulation constitue le meilleur guide permettant de décrypter la politique de la Fed au cours des années à venir, en fonctions des attentes actuelles relatives à la croissance.
Mais que se passerait-il si de modestes créations d’emploi se transformaient en pertes d’emplois ? Que se passerait-il si une faible inflation se transformait en déflation persistante ? Que se passerait-il si une faible croissance se transformait en récession technique ?
Si la Fed doit offrir à l’économie autre chose qu’une pause sur la voie du resserrement, elle dispose effectivement d’outils permettant d’assouplir les conditions monétaires. La Fed pense que ces outils sont adéquats malgré les réserves de ses détracteurs.
Voici les six instruments de la boîte à outils de la Fed, dont elle pourrait se servir afin de stimuler l’économie si la récession ou la déflation prenaient le pas : l’helicopter money, les taux réels négatifs, les baisses de taux directeurs si récession, la manipulation des marchés et les QE, la guerre des devises et enfin, l’or.
La dernière arme figurant dans l’arsenal de la Fed est l’équivalent financier d’une arme nucléaire. La Fed pourrait instantanément créer de l’inflation et obtenir une croissance nominale (si ce n’est réelle) en dévaluant massivement le dollar par rapport à une unité donnée d’or.
Si, par exemple, le cours de l’or était de 1 300 $ l’once avant l’opération, l’opération dévaluerait le dollar de 1/1300è d’once d’or à 1/5000è d’once d’or, soit une dévaluation de 75% du dollar. Cette dévaluation n’interviendrait pas seule. Car une dévaluation de 75% du dollar par rapport à l’or enverrait un signal de dévaluation à tous les autres biens et services et ferait passer le cours de l’argent à 100 $ l’once, celui du pétrole à 200 $ le baril, etc.
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Il s’agit évidemment d’une mesure extrême qui ne serait utilisée que face à une forte déflation persistante. Pourtant, le fait que cette technique existe et qu’elle ait été utilisée par le passé permet notamment de tirer la conclusion suivante : la déflation ne persistera pas au-delà de certaines limites.