Sur les marchés de matières premières, on peut être contrarien ou victime — et le choix vous appartient.
J’ai fait partie des victimes à une époque — puis j’ai décidé de changer de voie. Les secteurs des ressources naturelles sont cycliques, volatils, émotionnels, sur-réglementés et demandent beaucoup de capitaux. Ce sont de bonnes nouvelles. Si vous acceptez les marchés pour ce qu’ils sont alors que d’autres investisseurs restent dans l’ignorance, vous avez un avantage sur eux. Etre contrarien est difficile — encore une bonne nouvelle. La plupart des spéculateurs sont incapables d’agir en contrariens.
Durant la première partie de l’année, la plupart des investisseurs considéraient que tout était rose pour le secteur des matières premières. Les marchés émergents — en particulier l’Inde et la Chine — nourrissaient la demande, avec des milliards de personnes aspirant à un style de vie à l’occidentale. Pendant ce temps, des contraintes politiques — nationalisme, imposition des ressources, etc. — pesaient sur l’offre, rendant les capacités existantes encore plus précieuses. Pendant ce temps, des pratiques absurdes sur les marchés des devises et du crédit augmentaient les actifs réels et tangibles encore plus attractifs. La seule réaction possible à de telles conditions était une attitude ultra-positive à l’égard des investissements en ressources naturelles, SURTOUT parce que ces valeurs se comportaient bien.
Qu’est-ce qui a changé ? Les matières premières sont-elles désormais "à vendre" ? Avons-nous restauré en 60 jours la capacité de production d’industries ayant souffert de 25 ans de sous-investissement ? Les troubles politiques et sociaux en Iran, au Venezuela et au Nigeria se sont-ils calmés au point que les consommateurs de matières premières les considèrent désormais comme des fournisseurs fiables ? Les pratiques monétaires et de crédit sont-elles devenues plus rationnelles ?
Qu’est-ce qui a changé ? La perception et le prix des opportunités !
Les cycles baissiers, dans le secteur des matières premières, ne sont pas beaux à voir. Le cycle actuel n’est pas différent. Les petites valeurs, par exemple, deviennent plus volatiles encore qu’elles ne l’étaient traditionnellement, nourries par plusieurs phénomènes liés. Pour commencer, les marchés sont internationaux ; l’argent de l’Asie, du Moyen-Orient et de l’Europe afflue sur ces marchés très minces, où les investisseurs achètent et vendent souvent pour des raisons n’ayant rien à voir avec les véritables perspectives des valeurs sous-jacentes individuelles.
Les grandes institutions, en particulier les fonds d’investissement, sont de gros acteurs sur des marchés minuscules. Lorsque la perception publique de ces marchés est bonne, l’argent afflue dans les fonds de matières premières et de petites valeurs — et échoue dans des valeurs aux valorisations de plus en plus irrationnelles ; à mesure que les perceptions changent, les gestionnaires doivent liquider de plus en plus de positions bon marché. Ils n’ont pas le luxe de vendre ce qu’ils veulent. Ils vendent ce qu’ils peuvent. Les institutions plus petites, comme les hedge funds et les fonds de liquidités, ont joué un très grand rôle sur ces marchés, lorsque leurs positions s’affaiblissent, eux aussi doivent évoluer, passant du statut d’acheteur agressif à celui de vendeur agressif. Enfin, la participation individuelle dans les marchés boursiers atteint des sommets : des millions d’investisseurs font du trading sur les matières premières spéculatives avec une connaissance très limitée des principes sous-jacents à ces outils. L’information sur laquelle les participants s’appuient pour prendre leurs décisions est fournie par les marchés eux-mêmes — les aveugles mènent les aveugles.
Les foules font grimper les marchés, les foules font baisser les marchés. Que peut faire un investisseur rationnel ? Acheter les valeurs "en solde".
La volatilité n’est pas simplement un état du marché, c’est un outil. Si vous ne voulez pas ou ne pouvez pas vous servir de cet outil, vous devriez envisager un autre moyen d’investir.
Les marchés sont également émotionnels, et c’est aussi une bonne nouvelle ! Les humains sont programmés pour rechercher le plaisir et éviter la douleur. Nous détestons nous tromper tout seul, nous cherchons à nous consoler dans les foules. Nos attentes pour l’avenir sont conditionnées par nos expériences du passé immédiat. Lorsque nous avons du succès sur un marché, cela nous fait plaisir… et nous avons hâte de retrouver cette sensation. Nous nous sentons intelligent, confiant, voire arrogant. Nous comprenons tout ça, nous avons appris la leçon, bravé les risques, défait l’adversité… maintenant, à nous les lauriers. Nous confondons l’intelligence avec un marché haussier. Et lorsque les marchés baissent, notre souvenir le plus récent est celui de la douleur, que nous cherchons à éviter. Nous blâmons le marché, le gouvernement, les terroristes, ou — plus rarement — nous-mêmes.
A court terme, les marchés sont une machine à voter, une mesure des émotions et des préjugés de la foule. Laisser une foule — dont l’intelligence moyenne et l’accès à l’information sont moindres que les vôtres — dicter vos actions revient à vous infliger un lourd handicap. A long terme, les marchés sont des balances, oscillant entre sous-évaluation et surévaluation. Jouer le rôle de prêteur sur gages pour la foule — en achetant des produits à bas prix lorsque la foule est déprimée, et les revendre avec prime lorsque les masses sont euphoriques — voilà à quoi servent les marchés. Faites ce qui est rationnellement facile, non ce qui est émotionnellement simple… Si vous ne trouvez pas grand’chose à acheter rationnellement, commencez à vendre. Si un marché n’offre aucune enchère, faites la vôtre.
Personnellement, je considère que nous sommes en plein milieu d’un très grand marché haussier des ressources naturelles. A cet instant, nous sommes dans une correction de type "mur d’inquiétude". Le monde s’est rendu compte du potentiel des marchés de ressources naturelles ; les attentes étaient très élevées, mais les inévitables augmentations de l’offre — qui suffisent à écraser un marché — ne se sont pas produites, et ne se produiront pas avant un temps, à cause des énormes investissements et des longues périodes de temps inhérents à ce secteur. Je pense que la majeure partie de l’argent "gratuit" (le marché haussier discret) a déjà été engrangée. Ma stratégie consisterait à m’éloigner des secteurs les plus populaires pour m’intéresser aux secteurs non-populaires (comme le gaz naturel canadien), à acheter durant les paniques (vous voyez ce que je veux dire ?) et à vendre les rebonds. Les augmentations d’offre ne se sont pas encore produites, même si le cycle d’investissement les rend inévitables. La demande, même devant une forte augmentation de prix, est très forte. Les marchés émergents font partie de ce phénomène, l’inflation insidieuse est un autre facteur. Si nous ajustons les prix que nous avons vu il y a quarante ans de ça, ou vingt ans de ça, en dollars constants, nous voyons que les prix des matières premières sont élevés uniquement en termes nominaux, mais non en termes réels.
Enfin, l’énigme du crédit est… eh bien… une énigme. D’un côté, il n’y a aucun doute qu’une partie de la demande de matières premières est artificielle, une réaction suite au boom nourri par les liquidités. Une offre de crédit plus rationnelle aura un impact certain sur l’économie dans son ensemble, avec de profondes implications pour la demande de matières premières. Limiter les prêts immobiliers aux gens qui peuvent se permettre de rembourser leurs mensualités pèsera sur la demande pour les matériaux de construction. D’un autre côté, les folles augmentations de la masse monétaire auxquelles nous assistons actuellement auront une conséquence simple : l’argent vaudra moins, tandis que les "choses" vaudront plus.
Où est-ce que cela nous mène ? Là où nous avons commencé : être contrarien, ou être une victime.
Mieux vaut être contrarien.