Anne Harald
Décidément, Londres a bien du mal à se plier à la réglementation européenne sur les banques.
Dernier coup d’éclat en date : son refus d’appliquer la limitation des bonus pour les petites sociétés financières. Rappelez-vous, les bonus des financiers sont, depuis l’année dernière, limités à 100% de la rémunération fixe. Si Londres se rebiffe, c’est que cette directive a eu de réels effets sur la rémunération des financiers.
Alors que nous sommes en pleine saison de versement des bonus, jetons un oeil au salaire des banquiers. Se sont-ils vraiment serré la ceinture ?
Une véritable chute des rémunérations
« Depuis la crise, les rémunérations dans la finance ont été, en moyenne, divisées par deux sur toutes les places », commente Alice Leguay, co-fondatrice et directrice d’exploitation de Emolument.com, site anglais spécialisé dans la comparaison de salaires.
Elle-même ancienne financière, Alice Leguay explique qu’auparavant, les banquiers d’affaires avaient tendance à considérer leur rémunération fixe comme une quantité négligeable, destinée à payer l’école des enfants ou les frais du quotidien. Tout l’enjeu résidait dans les bonus. Il y a 10 ans, un managing director (en français, « directeur général ») à Londres gagnait 150 000 livres par an en fixe et son bonus correspondait à plusieurs multiples de cette somme.
Mais voilà, cette époque est révolue ! Deux phénomènes sont venus réguler les salaires des financiers :
– premièrement, la crise financière. Elle a sévèrement ébranlé les banques, qui ont revu leurs rémunérations à la baisse ;
– deuxièmement, la réglementation européenne. Depuis 2015, la directive CRD 4 impose que les bonus soient limités à 100% de la rémunération fixe. On est bien loin des multiples extravagants des années 2000.
Mais surtout, là où le bât blesse, c’est que le mode de versement de ces bonus a changé. Avant, ils en touchaient la majorité en liquide et une petite part en actions.
Désormais, le versement en cash est une rareté. Non seulement le bonus est en actions mais, en plus, son versement est différé !
Plus exactement, il s’étale sur une période de cinq ans. Si le financier démissionne durant ce laps de temps, il perd la part de bonus non touchée. Et comme un véritable système de roulement s’instaure, il y a toujours une part de bonus perdue. Un moyen de s’assurer un peu de fidélité de la part d’employés qui avaient auparavant tendance à démissionner contre la promesse d’un meilleur salaire chez le voisin.
Mais des salaires supérieurs à tous les autres secteurs
Les rémunérations dans la finance ont donc bel et bien diminué. Mais elles restent, et de très loin, supérieures à celles des autres professions (success stories mises à part).
Pour les plus hauts profils, il est en réalité possible de verser un bonus atteignant 200% du fixe, sous réserve d’approbation en assemblée des actionnaires.
Surtout, pour compenser la baisse des bonus, les salaires fixes ont été revus à la hausse. Il y a 10 ans, un managing director (dans la banque d’affaires, c’est comme à l’école, tout est très codifié et vous montez d’un grade chaque année, si tout se passe bien) gagnait 150 000 livres en fixe par an. Désormais, ça tourne plutôt autour de 300 000/400 000 livres.
Autre donnée à prendre en compte : les rémunérations sont désormais plus variées entre les banques elles-mêmes et en leur sein entre les activités. Ainsi, les employés des grandes banques impliquées dans la reprise des fusions-acquisitions en 2015 tirent leur épingle du jeu dans les bonus 2016.
Globalement, ceux-ci sont en hausse, comme en témoignent les données recueillies à Londres, par le site Emolument.com, auprès des banques ayant déjà versé leurs bonus, et qui font partie des plus importantes (BAML, Citigroup, Jefferies, RBC, Crédit Suisse, Goldman Sachs, J.P. Morgan, Morgan Stanley) :
Ne vous laissez pas abuser par les titres, comme je vous le disais, tout est codifié.
Un « VP » n’est pas un vice-président dans le sens où on l’entend pour une entreprise classique. Les banquiers atteignent en général ce grade vers la trentaine.
Paris pas si mal loti
A Paris, les salaires sont moins élevés qu’à Londres. D’une part parce que les banques anglo-saxonnes ont tendance à privilégier leur maison-mère et, d’autre part, car la capitale française est une place financière moins attractive que New York ou Londres.
Toutefois, les Français ne sont pas tellement plus à plaindre que leurs homologues britanniques. En effet, le contrat de travail français apporte plus de sécurité que le cadre anglais. Et le coût de la vie de ce côté-ci de la Manche est bien moins élevé qu’à Londres.
Alors l’époque des salaires extravagants est peut-être révolue, mais il n’en demeure pas moins que les financiers sont extrêmement privilégiés, en particulier compte tenu du contexte économique que nous traversons.
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