** L’ancien président de la Fed, Alan Greenspan, nous a gratifiés de commentaires sur les effets de la bulle de crédit qu’il a contribué, plus que tout autre, à créer :
* "La crise financière qui s’est produite le 9 août dernier devait arriver", a-t-il déclaré dans un discours hier. "Les écarts de crédit dans toutes les classes d’actifs mondiales avaient clairement atteint des niveaux insoutenables".
* "Quelque chose devait céder".
* Pour ça oui, quelque chose devait céder. Nous l’avions dit nous-même. Mais nous ne contrôlions pas les taux courts durant la longue période durant laquelle la pression a monté. Nous n’avions pas la main sur le levier du crédit, en position "pleine puissance" — alors même que les rivets commençaient à céder. Et nous n’étions pas là à assurer au public que tout irait bien.
* Mais Alan Greenspan est une merveille. Nous l’admirons. Qui d’autre aurait autant de culot… d’effronterie… de toupet ?
* Il continuait : "si la crise n’avait pas été déclenchée par une mauvaise évaluation des prêts subprime US titrisés, elle aurait fini par se déclarer dans d’autres secteurs ou marchés".
* Greenspan réussit à faire croire qu’il n’a joué aucun rôle là-dedans — comme si la fin d’une expansion de crédit était un acte divin. Il ajoute même un avertissement :
* "Si la dérive pernicieuse vers l’instabilité budgétaire ne prend pas fin et est aggravée par un renversement protectionniste de la mondialisation, l’ajustement actuel pourrait être plutôt douloureux pour les Etats-Unis et [leurs] partenaires commerciaux".
* Ce Greenspan ! Quel personnage ! Si les autorités ne reprennent pas les choses en main, dit-il, ça va faire mal.
** Nous venus au ranch pour compter les vaches. Malheureusement, elles sont réparties sur des milliers d’acres.
* Mais revenons un peu en arrière, et voyons pourquoi nous en sommes là.
* Jusqu’à notre cinquantième anniversaire ou presque, c’est à peine si nous étions sorti de chez nous. Nous vivions à quelques kilomètres de l’endroit où nous sommes né… et où notre famille maternelle vivait depuis le 17ème siècle. Nous supposions que nous y mourrions également.
* Mais durant notre 48ème année, nous avons commencé à nous poser des questions. La région avait complètement changé. La campagne du Maryland n’était de loin plus aussi campagnarde — ou jolie — que durant notre enfance. Le paysage avait évolué ; les champs de tabac avaient été remplacés par des lotissements. Les routes étaient encombrées de banlieusards.
* Ce n’est pas tant que nous n’aimions pas ce nouveau monde — c’est simplement que nous n’y étions pas attaché. Nous étions resté immobile, mais le monde que nous connaissions, et dont nous nous sentions proche, nous avait quitté. Nous avons regardé autour de nous et réalisé que nous ne nous sentions plus chez nous.
* Nous avons donc décidé de partir aussi.
* D’abord, c’est la curiosité qui a fait de nous des exilés. Nous avons voulu savoir comment les autres gens vivaient… ce qu’ils mangeaient… et ce qu’ils pensaient. Nous sommes donc partis en France. Nous ne voulions rester que quelques mois ; mais pendant que nous étions occupé ailleurs, Elizabeth s’est enracinée. En moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire, nous avons parlé français… intégré la paroisse… participé à des réunions scolaires et des mariages. Nos plus jeunes enfants — qui avaient passé la majeure partie de leur enfance en France — ont commencé à ressembler plus à des Français qu’à des Américains.
* Nous sommes resté en France durant plus de 10 ans. Nous y avons toujours une maison, et nous y passons toujours des vacances. Mais votre correspondant a réalisé qu’il lui faudrait dépenser une fortune en taxes et impôts s’il restait dans le pays des grenouilles. Il repartit donc en exil — en Angleterre, cette fois-ci, où il vit avec ses deux filles dans un minuscule appartement plein de bouteilles de shampooing et de sous-vêtements féminins.
* Et maintenant, nous avons dû lever l’ancre une fois encore ; nous sommes à la dérive. Tirant parti de cette petite rupture de la vie de famille normale, nous nous sommes exilés dans une région encore plus lointaine — dans le ranch, bien au-delà du domaine de la vie civilisée normale… dans notre haute vallée des montagnes andines, à environ une journée de route de Buenos Aires, en Argentine.
* "Ne vous inquiétez pas, Don Bill", déclare Francisco. "Tout va bien, ici. Nous avons eu une sécheresse très grave, mais la pluie devrait arriver dans quelques mois. On a assez de fourrage pour durer jusque là. Et si les pluies ne viennent pas, eh bien…"
* Francisco a ri. Le ranch dépend de la pluie. Si la pluie ne vient pas, le ranch cessera d’exister. Que peut faire Francisco, sinon rire ; il a passé toute sa vie ici. Que fait un gaucho lorsque son ranch disparaît ? Francisco ne peut que rire de cette possibilité. Contrairement au Maryland, rien n’a changé sur le domaine depuis très longtemps. Il y a trois siècles de ça, il accueillait 984 vaches, selon un recensement mené par le gouverneur espagnol de l’époque. A présent, il en abrite à peu près le même nombre.
* Un soleil éclatant s’est levé hier. Nous sommes descendu dans la cuisine de Maria, pour prendre le petit déjeuner. Autrefois, Maria était institutrice. A présent, elle ne se gêne plus pour corriger notre espagnol pendant qu’elle prépare les œufs.
* "Non, c’est tenga, pas tiene… Il faut utiliser le subjonctif, Señor Bill".
* Après déjeuner, nos amis ont enfourché leurs chevaux et sont allés se promener. Quant à nous, nous nous sommes assis autour de la table avec Jorge et Francisco.
* "Combien de vaches avons-nous ?" avons-nous demandé.
* "Mille vingt", nous a-t-on répondu.
* "Où sont-elles ?"
* Jorge et Francisco se sont entre-regardés, tandis que nous les observions avec attention. Jorge avait l’air perplexe.
* "Que voulez-vous dire, Don Bill ?"
* Nous avons réalisé que nous venions de poser la question la plus stupide qu’ils puissent imaginer. Les vaches n’étaient pas dans la maison. Elles n’étaient pas dans l’église. Elles n’étaient pas dans la voiture. Elles étaient là où elles sont toujours.
* Jorge a regardé votre correspondant comme on regarde un fou furieux, ne sachant pas s’il faut appeler un docteur ou la police :
* "Elles sont dans les champs".