▪ Faisons un petit inventaire, en ce week-end prolongé.
▪ La Grèce refait parler d’elle (oui, encore) — avec, selon son ministre des Finances, « deux semaines d’avance dans les caisses », le pays a un besoin urgent de financement… et personne ne semble trop décidé à lui en fournir.
Pas de panique, toutefois : la BCE, en la personne de Benoît Coeuré, membre du directoire, affirme que la sortie de la Grèce de la Zone euro — le fameux Grexit — n’est pas « une hypothèse de travail ». S’il vous fallait une preuve que le Grexit est bel et bien à l’ordre du jour…
▪ Pendant ce temps, au Royaume-Uni, les élections ont eu lieu. David Cameron, fraîchement réélu à son poste, promet un référendum sur l’Union européenne, sans doute plus tôt qu’initialement prévu, peut-être même déjà à l’automne 2016.
Et les médias d’inaugurer le terme « Brexit », pour parler de l’éventualité de voir la Grande-Bretagne quitter l’Union européenne.
▪ Quant aux Etats-Unis… pour reprendre le résumé de Bill Bonner dans ses notes de mercredi, « l’économie américaine est censée être toujours en croissance… les marchés boursiers approchant de sommets record. Pourtant, un ménage sur cinq aux Etats-Unis ne gagne aucun salaire. Parmi la population noire, masculine et urbaine âgée de 20 à 24 ans, seules quatre personnes sur 10 ont un emploi. La moitié des ménages américains comptent sur l’argent du gouvernement pour joindre les deux bouts. Et 50 millions reçoivent des bons alimentaires ».
▪ Et tout cela vient se rajouter aux très nébuleux taux négatifs — je vous renvoie d’ailleurs aux excellentes explications de Mory Doré sur le sujet, dans son analyse de jeudi dernier.
Simone Wapler nous en disait plus, de son côté, dans la dernière alerte e-mail de sa Stratégie — notamment sur l’effet des taux actuels sur les autres géants du secteur financier : non pas les banques, mais les assureurs.
« Le FMI s’est penché sur le sort des assureurs car, dans un monde de taux nuls ou négatifs, ce modèle risque de s’écrouler », explique Simone. « En effet, à quoi sert d’aller épargner chez un assureur sous forme de primes si vous ne touchez aucun intérêt ? Chez beaucoup d’assureurs allemands et belges, les contrats prévoient des rendements garantis (rente). Comment verser ces sommes si les placements rapportent 0% ?
Vous m’objecterez que par le passé, les assureurs avaient de gros patrimoines fonciers et immobiliers susceptibles de délivrer une rente. Mais la lourdeur de gestion, l’encadrement des loyers en France, leur a fait préférer les actifs financiers et notamment les obligations bancaires jugées sûres, même les obligations dites ‘subordonnées’ qui sont des obligations de deuxième rang ».
Et Simone de rappeler que les assureurs avaient subi des stress tests en 2014… or aujourd’hui, les conditions sont pires encore que les hypothèses de ces tests !
« En France, pour verser des rendements de l’ordre de 2%, les assureurs tapent dans leurs réserves », reprend Simone. « Dans les pays de buveurs de bière qui ont des régimes de retraite par capitalisation, les taux garantis sont la norme et les assureurs tapent encore plus rapidement dans leurs réserves ».
« La note du FMI indique que les assureurs de taille moyenne sont les plus vulnérables. Et le problème surgit chez ceux qui ont des actifs de maturités plus courtes que leurs engagements. En effet, les actifs qui arrivent à maturité doivent être remplacés par d’autres qui rapportent moins alors que les engagements restent les mêmes. Si une obligation de l’Etat français à 8% émise en 1995 arrive à maturité en 2015, elle est remplacée par du 0,88% aujourd’hui. Mais l’assureur doit toujours vers 4% de rente.
Certes, allez-vous me dire… mais comme les taux seraient plutôt en phase de remonter, voici encore une catastrophe qui ne se produira pas !
Sauf que si les taux remontent, il faudra que les assureurs qui ne sont pas engagés à taux fixes remontent aussi les rémunérations de leurs contrats. A défaut, les gens partiront. Face à la décollecte, les assureurs en difficulté seraient obligés de vendre leurs vieilles obligations pour rembourser les contrats ; ils les vendront à perte puisque les taux remontent. Si vous vendez une obligation qui rapporte 1% alors qu’une nouvelle obligation émise rapporte du 2%, vous devez consentir un gros rabais pour que quelqu’un rachète votre obligation qui rapporte moins. C’est la dure loi du marché obligataire. Dans ce cas de figure aussi, le ratio de solvabilité des assureurs en prendrait un coup ».
Très concrètement, voici ce qu’il faut retenir, toujours selon Simone :
« Sans vouloir vous empêcher de dormir, sachez que :
– le fonds de garantie des assureurs est insuffisant en cas de crise générale. Votre garantie théorique est effectivement de 70 000 euros, à condition qu’elle puisse être payée et qu’il ne s’agisse pas d’un gros sinistre d’un gros assureur. Ce fonds de garantie est capitalisé aujourd’hui en France à hauteur de 700 millions d’euros seulement (soit 0,05% des encours d’assurance vie en France) ;
– en France, le code des assurances prévoit la possibilité de ‘fermer les portes’, c’est-à-dire de refuser retraits et remboursements si la survie de l’assureur l’exige ;
– il existe une forte porosité entre banques et assurances, les assureurs ayant en portefeuille beaucoup d’obligations bancaires.
Et une inquiétante citation du rapport du FMI : ‘la faillite d’un ou plusieurs assureurs de taille moyenne pourrait déclencher une défiance vis à vis de l’ensemble de cette profession si elle est perçue comme un problème général’. »
Vous voilà averti, cher lecteur — et si vous voulez vous protéger dès maintenant, adoptez une stratégie alternative : concrète, simple et applicable tout de suite, elle vous permettra de mettre votre épargne à l’abri de tout cela.
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora