▪ La chronique de Simone Wapler sur ses différences de vue avec l’économiste Pierre Leconte a provoqué de nombreuses réactions parmi nos lecteurs — des réactions de très grande qualité, si bien que je vous en livre aujourd’hui deux dans leur intégralité.
(Je vous conseille de commencer par lire l’article d’origine, que vous pouvez retrouver ici même…)
Nous commençons avec A.T., qui nous explique que les points de vue ne sont pas si irréconciliables que cela, selon lui :
« Je viens de lire votre réponse à P. Leconte dans La Chronique Agora, ce qui a immédiatement retenu mon attention car il se trouve que je vous lis l’un et l’autre assidûment. Cela ne m’étonne pas que nombre de vos lecteurs ne s’y retrouvent pas tant les sujets monétaires sont rendus complexes (volontairement ?) par les autorités ».
« Je vous ai sentie ‘piquée au vif’ et ‘agacée’ par ce qui a été perçu par vos lecteurs comme une opposition avec les thèses de Leconte et qui à mon avis n’en est pas une. Je m’explique ».
« Comme vous il pense que nous sommes encore en stagflation et que le fait d’imprimer de la monnaie sans création de richesse conduira immanquablement sur le long terme à la destruction de celle-ci et probablement à un nouveau système monétaire. Donc il n’interdit pas l’achat de métaux précieux dans un optique ‘d’assurance’ de long terme. Mais dans le cas de l’or, si on est pas positionné depuis cinq ans (ou plus), il faut supporter la baisse et les moins-values sans broncher (ou couvrir avec des actions américaines… rires…) ».
« Par contre, sur le court et moyen terme, il pense que nous allons passer d’abord par la case déflation, avec son cortège de chutes de tous les actifs réels — dont les métaux précieux. Je le cite : ‘il faudra aller au bout de ce processus de destruction des actifs réels jusqu’à atteindre une valeur inférieure ou égale aux coûts de production et la reprise pourra alors s’effectuer in fine automatiquement dans le cadre de pénuries à venir’. »
« Donc sur le court terme, si on fait partie des ‘mains faibles’ il vaut mieux arbitrer ou shorter les métaux précieux pour mieux revenir dessus après. C’est ce qu’explique monsieur Leconte.
Certains de vos lecteurs je crois n’ont pas compris le timing ».
▪ Question de timing, peut-être… mais R.V. n’est pas forcément de cet avis :
« Un grand merci pour votre argumentaire par rapport à Pierre Leconte », nous écrit-il. « Certes, c’est vous qu’on sollicite pour vous justifier, mais j’y vois surtout de la part de ceux qui vous sollicitent une intuition que c’est bien vous qui avez raison ».
« Vous m’avez dit un jour ‘la déflation n’a pas sa chance’… »
« Dans son grand article sur la déflation, Pierre Leconte a une très bonne analyse de la situation économique, qui subit de fortes pressions déflationnistes. Mais ce qui pèche, ce sont ses prévisions sur les conséquences :
– ces prévisions sont scolaires, et à mon avis hors de propos dans un système monétaire ayant rompu avec le standard or.
– ces prévisions sont auto-centrées sur le monde occidental :
– L’or ? Un rempart contre l’inflation pour des Européens ou des Américains.
– Les économies émergentes ? Une bulle créée par la liquidité du dollar.
– D’après eux le cash en dollars, sous la forme de Treasury Bills, serait le seul investissement sûr ».
« J’ai observé ce trait chez d’autres déflationnistes (Robert Prechter, Harry Dent…) : leurs centres du monde sont New York et Londres ».
« A mon avis, ils omettent plusieurs choses importantes :
– de prendre en compte que nous ne sommes justement plus sous le standard or : ce qu’ils appellent ‘le cash‘ n’est qu’un monceau de dettes dans des banques ou émises par des Etats insolvables.
– d’apprécier correctement le rapport à l’or d’environ trois milliards d’habitants non inféodés à New York et Londres (Chine, Inde, Asie et autres Moyen-Orientaux…).
– de réaliser que la dés-américanisation progressive de l’économie asiatique commencé, ce dont Charles Gave parle très bien dans son dernier article ».
« Mais surtout, ils omettent de considérer que dorénavant, la réaction des autorités sera de plus en plus rapide. Elle anticipera toute circonstance de déflation. Il n’y aura pas de sell-off : on le traque d’avance. A sa moindre manifestation, l’armada de la liquidité sera déployé d’un coup de bouton ‘print‘ dans les rotatives virtuelles des banques centrales ».
Ce paragraphe décrit très exactement l’impasse dans laquelle se trouve l’économie en ce moment : elle veut — il faut — une correction pour revenir à une situation plus saine… mais les autorités sont prêtes à tout pour l’empêcher.
Selon la formule chère à Bill Bonner, elles dissimulent donc le problème sous un tapis de dette et d’argent facile… et tant pis pour la femme de ménage (les générations suivantes) qui devra ramasser tout ça.
Un conseil, cher lecteur : balayez devant votre propre porte avant le grand nettoyage !
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora