▪ La saison des trimestriels a été bénéfique à Wall Street. Les résultats du deuxième trimestre se révèlent systématiquement supérieurs aux attentes du marché. Bien entendu, tout le monde a fait semblant d’être surpris. Les cours ont monté — c’est tout ce qui compte. Voilà comment les initiés de la Bourse fabriquent encore une fois un rebond boursier à partir de rien.
Treize centimes de bénéfice par action (BPA) pour Alcoa au deuxième trimestre — c’est deux centimes de mieux que les prévisions des analystes. Une bonne surprise, donc. Pour Intel, le BPA atteint 51 centimes, alors que le consensus en attendait 43, encore une bonne surprise. Le lendemain de l’annonce, les titres d’Alcoa comme d’Intel progressaient de 3%. Alléluia : c’est la reprise ! Quoique…
▪ Un jeu de dupe qui ne trompe que les profanes
Pour qu’une action progresse en Bourse, il suffit que la société en question publie des résultats supérieurs aux attentes du marché. Wall Street sait depuis longtemps comment provoquer ces bonnes surprises : en affichant des attentes basses, qui seront quasi systématiquement dépassées par les résultats réels. Quels grands enfants, ces financiers. La Bourse fonctionne autour de ce jeu de dupes qui ne trompent que les profanes. Il s’agit d’abord de rassurer ceux qui ne comprennent rien à rien. Que voulez-vous de mieux ?
Voici comment ça marche. Grosso modo les sociétés cotées font semblant d’être sérieuses et sous-évaluent systématiquement les objectifs de chiffre d’affaires et de bénéfices qu’elles communiquent à intervalles réguliers. Les analystes font semblant d’y croire et, quand ils transmettent leur pronostic, dévoilent des chiffres similaires à ceux des entreprises — surtout, des chiffres qui seront "dans le consensus", comme ils disent.
Ah, le fameux consensus des analystes ! Une vraie histoire à dormir debout qui maintient un marché épuisé éveillé. Les sociétés cotées n’ont pas intérêt à se montrer trop précises ou trop optimistes dans leurs prévisions de résultat. En effet, un chiffre d’affaires ou un bénéfice inférieur au fameux consensus sera systématiquement puni par le marché.
De leur côté, les analystes ont tout intérêt à ne pas remettre en cause les estimations des entreprises, puisque tout le monde les accepte. A quoi bon prendre le risque de se ridiculiser en étant la seule tête qui dépasse de la foule, et en ramant à contre-courant de l’opinion générale ? Dans la finance, l’important est de ne pas se retrouver isolé. Vous pouvez avoir raison contre tout le monde et être puni. Vous pouvez avoir tort avec tout le monde et ne pas être puni.
▪ Monsieur le Marché dicte l’évolution des actions
Dans le jargon de Wall Street, cette danse sans queue ni tête entre les sociétés et les analystes porte un nom : "toiletter", comme pour Mirza et Rex. Et en ce moment, ça toilette sec. Vous savez comment les indices boursiers ont retrouvé des sommets depuis un mois ? Le toilettage bien sûr. Au premier trimestre de cette année, 73% des sociétés présentes dans l’indice S&P 500 ont battu les attentes du marché, l’un des niveaux de "surprise" les plus élevés depuis 10 ans. Le niveau des soi-disant surprises est resté stable autour des 70% récemment.
Dans un monde parfait — ou au moins un minimum lucide –, les actions montent ou baissent selon les résultats des entreprises. Dans le marché d’aujourd’hui, le consensus introduit un biais considérable. Ce ne sont plus les chiffres réels qui comptent, mais leur rapport avec ceux du consensus. Le sentiment du marché dicte l’évolution des actions, pas les performances réelles des entreprises.
Et si ce sentiment du marché est faux ou déconnecté de la réalité de la conjoncture… peu importe. Le consensus fait la loi, point final. Face à cela, les pronostics hippiques passeraient presque pour de la science irréfutable.
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