* Alors, y arrivera, n’y arrivera pas ? La baisse des taux peut-elle sauver l’économie ?
* La Fed vient d’asséner aux marchés une baisse d’un demi-point. Le S&P a grimpé à des taux qu’on n’avait plus vus depuis l’invasion de l’Irak en mars 2003. Et nous lisons dans les journaux que les bénéfices de Goldman ont grimpé de 79% au dernier trimestre… tandis qu’Abu Dhabi a englouti 1,35 milliards de dollars dans le géant des buyouts, Carlyle.
* Les investisseurs doivent penser que l’intervention de la Fed sur les marchés du crédit sera aussi efficace que l’intervention de l’Administration Bush en Mésopotamie. Et ils ont probablement raison !
* Dans les deux cas, une campagne de "choc et terreur" n’a pas de résultats garantis. Certains problèmes ne réagissent pas très bien lorsque des étrangers viennent s’en mêler.
* Dans le cas de l’économie US, la baisse des taux de la Fed offre aux emprunteurs plus de crédit à un coût plus bas. Mais ce n’est pas comme si l’économie US manquait de crédit. En fait, aux Etats-Unis, la quantité totale de crédit est passée de 150% du PIB en 1971, lorsque le dollar a été séparé de l’or, à environ 340% du PIB aujourd’hui. Voilà, cher lecteur, ce qu’on appelle une expansion du crédit ! C’est ce qui a fait de l’économie ce qu’elle est aujourd’hui… et c’est aussi la raison pour laquelle une baisse du taux directeur de la Fed pourrait ne pas être aussi efficace que l’espèrent les investisseurs.
* Les autorités financières ont raison — ce dont l’économie américaine (et l’économie mondiale par extension) a besoin, c’est d’une augmentation des dépenses. Les dépenses, c’est ce qui fait tourner le monde. Mais qui a de l’argent à dépenser ?
* Les riches, bien entendu. Le marché du luxe est en pleine forme depuis des années. Mais nous apprenons que même les riches commencent à hésiter à se séparer de leur argent. Ils attendent de voir comment leur hedge fund réagit… ou ce qui arrive à l’économie américaine. Les maisons à un million de dollars mettent plus temps à se vendre, selon nos sources. D’autres marchés généralement réservés aux riches — les montres, les voitures, les bateaux — ne sont pas tout à fait aussi insouciants et extravagants qu’il y a trois mois de ça.
* Ceci dit, les riches n’ont pas besoin de crédit pour dépenser. Ils ont du véritable argent.
* Malheureusement, ce sont les pas-si-riches qui font tourner une économie ; ils sont bien plus nombreux. Tant que le crédit augmente, les gens ordinaires ont plus d’argent à manier. Puis on atteint inévitablement le point où la situation ne peut plus durer. Ceux à qui ils ont emprunté commencent à réclamer leur argent. Les factures s’accumulent. Tôt ou tard, le débiteur ne peut plus assurer ses mensualités.
* A ce moment-là, lorsque la Fed arrive en offrant des taux bas, notre citoyen lambda y repensera peut-être à deux fois. Il se peut qu’il veuille emprunter plus d’argent… mais qu’il ne puisse pas se le permettre.
** "Les coûts du logement mettent les travailleurs au bord du gouffre", nous dit un titre du Financial Times.
* Le véritable problème n’est pas le manque de crédit ; c’est le manque de pouvoir de dépenses. Les ménages américains n’ont pas des revenus assez hauts pour continuer à emprunter. Coûts du logement en hausse, coûts de l’énergie en hausse, coûts de l’alimentation en hausse… comment peuvent-ils résister ?
* "Des villes-fantômes" — c’est ainsi que le New York Times décrit certains projets immobiliers. Alors que les taux bas poussaient les consommateurs à acheter des maisons qu’ils ne pouvaient pas se permettre… ces achats poussaient les constructeurs à construire ! Et les voilà les mains vides… attendant le jour où ils pourront à nouveau passer des accords avec des acheteurs valables.
* Pour l’instant, les acheteurs ne peuvent pas se permettre les prix actuels… tandis que les vendeurs ne sont pas prêts à baisser les prix jusqu’au niveau nécessaire. Le marché de l’immobilier, contrairement au marché du blé, met du temps à s’éclaircir. Nous pensons que l’ajustement durera plusieurs années.
* "La majeure partie de l’impact du credit crunch global se fera sentir en 2008, et les Etats-Unis seront les plus touchés", déclare Rodrigo Rato, Directeur général du Fonds monétaire international.
* "Les marchés du crédit corrigent, mais lentement ; nous n’avons pas atteint la phase de normalité… Cela a un effet sur l’économie réelle qui sera plus perceptible en 2008, avec une intensité plus grande aux Etats-Unis, et moins intense ailleurs", a-t-il déclaré.