▪ C’est un conflit ancestral qui reprend. L’affrontement de deux visions du monde, le choc entre deux cultures, une rivalité qui perdure depuis des siècles. Oubliez les Capulet et les Montaigu… enfoncés, les Troyens et les Grecs… au coin PSG/OM…
Désormais, ça se passe entre les cigales et les fourmis — et on ne se contente plus d’allusions polies à la danse et aux vermisseaux.
D’un côté, les cigales américaines justifient leurs dépenses déficitaires, leurs plans de relance, leurs attaques de la dette avec plus de dette… Elles invoquent Keynes, la nécessité de relancer la demande, les risques d’un effondrement général, etc.
De l’autre, les fourmis européennes en appellent à l’austérité, à la rigueur, au besoin d’éponger des années d’irresponsabilité — bref à un retour aux vertus de l’épargne et de la frugalité.
A la Chronique Agora, les avis sont partagés. Philippe Béchade est d’avis que la rigueur n’aura pas que des conséquences positives. Comme il l’expliquait il y a quelques jours, "l’Allemagne rechigne déjà à sortir quelques malheureux milliards d’euros pour soutenir la Grèce. Vous n’imaginez pas qu’elle cotisera pour de bon à hauteur de centaines de milliards pour sauver la mise de partenaires majoritairement hostiles à une discipline budgétaire de fer. Ce d’autant qu’elle est à peu près certaine de devoir verser ces sommes à brève échéance alors que les récentes mesures d’austérité conduisent les pays en difficulté droit dans le mur de la récession et de l’agitation sociale (voire pire selon Nouriel Roubini)".
Bill Bonner, en revanche, a choisi le camp opposé : "en ce qui nous concerne, nous sommes du côté des Allemands", confiait-il jeudi. "Les autorités européennes commencent à corriger leur erreur, même si elles ne le font pas de manière honnête. Les Américains ne font qu’empiler une bourde sur une autre".
Et s’il y avait une troisième voie ? Cécile Chevré se posait la question il y a quelques jours dans la Quotidienne de MoneyWeek : "[…] me revient tout à coup cette histoire de bon et de mauvais déficit. Christine Lagarde avait tenté — quand l’époque était encore à faire gober tout rond l’explosion du déficit français et pas encore de le réduire — de nous éduquer en nous présentant l’action du gouvernement sous les meilleurs auspices".
"Il y aurait donc le mauvais déficit, celui laissé par les inconséquents gouvernements précédents et ces armées de fonctionnaires trop payés. Et le bon, celui engendré par Nicolas Sarkozy pour sauver le pays de la crise financière".
"Bien. Et que va-t-il se passer quand nous aurons à affronter une nouvelle crise bancaire et financière ? Parce que nous ne sommes pas naïfs au point de croire que nous allons pouvoir y échapper. Les banques françaises et allemandes sont exposées à hauteur de plus de 1 000 milliards de dollars aux dettes souveraines des pays les plus risqués de la zone euro, j’ai nommé l’Espagne, la Grèce, le Portugal et l’Irlande. La France à elle seule a prêté 465 milliards de dollars à ces pays".
"Avec une telle bombe à retardement dans leurs coffres, les banques françaises risquent d’avoir très rapidement besoin de l’aide de l’Etat et des finances publiques. Qu’en sera-t-il alors des promesses de réduction du déficit ?"
La réponse à toutes ces questions, vous vous en doutez, est loin d’être encourageante : "les mesures proposées sont, une fois de plus, un simple emplâtre sur une gangrène généralisée", affirme Cécile. "Le système bancaire européen est très loin d’être assaini, la régulation de la finance est une douce utopie qui sert à endormir les foules".
Quelle moralité M. Jean de la Fontaine aurait-il tiré de telles fables ?
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora