▪ On a souvent tendance à oublier que le plus important, c’est la valeur, non le prix. Le prix est uniquement ce que l’on paie. La valeur, c’est ce qu’on a pour son argent. Le prix, c’est ce que l’on voit. La valeur, c’est ce qu’on ne voit pas mais qui sape nos investissements. La valeur est invisible. Difficile à détecter. Particulièrement dure à mesurer. C’est comme le vrai caractère. La vraie grâce. Le vrai charme. Ou la vraie vérité. Il faut beaucoup d’attention pour en apercevoir ne serait-ce qu’un éclair. La plupart des gens ne se donnent d’ailleurs pas cette peine.
"La beauté n’est qu’apparence", a dit notre mère, 93 ans, hier.
"Oui", avons-nous répondu. "Mais c’est la seule chose que l’on puisse voir. Le reste ne compte pas".
Là, cher lecteur, nous entrons dans le territoire de la philosophie profonde… et nous faisons un rapide détour pour l’éviter, de peur de nous noyer. Restons superficiels ! Mais pas trop.
Les économistes mesurent la quantité. Hélas, la vie n’est pas entièrement quantifiable. Ce qui compte vraiment, c’est la qualité. Actuellement, la Fed essaie de contrôler les prix. Mais les prix ne sont qu’une partie du tableau.
En termes d’art, d’architecture, de musique, de chiots et de femmes — c’est ce qui frappe les sens qui compte… ce qu’on voit, ce qu’on entend, ce qu’on ressent.
En revanche, quand il s’agit d’argent, ce qu’on voit n’est pas exactement ce qu’on a. Le prix vous dit quelque chose… mais il ne vous dit pas tout ce que vous devez savoir.
Pourquoi ? Nous sommes ravi que vous ayez posé la question…
▪ La monnaie physique fait toute la différence
Lorsque la monnaie physique a été inventée, les gouvernements en ont rapidement vu tout le potentiel. Contrôlez la monnaie, vous pouvez contrôler le peuple. Vous contrôlez leurs actifs. Leur niveau de vie. Leur temps.
En des temps anciens, contrôler la monnaie signifiait qu’on pouvait purement et simplement acheter des gens. On pouvait acheter des prisonniers de guerre. Ceux qui étaient incapables de payer leurs dettes vendaient souvent leurs enfants en esclavage, quand ils ne se retrouvaient pas eux-mêmes esclaves.
Dans le Code civil le plus ancien au monde, le Code de Hammurabi, écrit il y a 4 000 ans, il est dit que les enfants de débiteurs peuvent être gardés en esclavage pendant trois ans. La quatrième année, ils doivent être libérés.
Nos lecteurs seront sans doute au bord de leur siège… prêts à bondir d’indignation. Les jeunes Américains, héritiers d’une dette nationale de 16,7 milliers de milliards de dollars, resteront bien plus longtemps en servitude. Peut-être même toute leur vie !
La monnaie physique était un nouveau développement. Elle rendait la triche plus difficile. Inutile de faire crédit. On n’avait pas à se demander si la famille était honorable ou solvable. On n’avait pas à attendre avant de voir si on recevrait quelque chose en retour. On pouvait simplement prendre un petit morceau d’or ou d’argent, et c’était terminé.
▪ Les bidouillages monétaires remontent à loin…
Mais les gens qui contrôlaient la monnaie pouvaient encore la trafiquer. L’histoire des banques centrales est une histoire de trafic.
Voici un petit extrait de notre prochain livre, pas encore publié :
"La monnaie physique limitait la quantité totale de monnaie à la quantité de matière disponible. Elle limitait également le crédit, dans la mesure où les prêts devaient être soldés en monnaie physique. Puisque la quantité de matière ne pouvait être facilement augmentée, le pouvoir d’achat de la monnaie physique tendait à rester stable sur de longues périodes. Les prix en 1910 n’étaient guère différents des prix de 1810. Comme l’a démontré Roy Jastram dans The Golden Constant, on pouvait acheter à peu près autant avec une once d’or en 1560 qu’on le pouvait trois cent ans plus tard".
"Très tôt, les gouvernements ont pris le contrôle de la nouvelle monnaie physique. Ils y ont imprimé les visages des empereurs. Ensuite, ils ont essayé de l’utiliser pour tromper leurs propres sujets. Ils fabriquaient des pièces un peu plus petites… ou remplaçaient les métaux précieux par des métaux de base. Naturellement, la valeur de la devise ainsi "dévaluée" baissait. L’aureus, par exemple, était frappé durant le règne de Jules César avec huit grammes d’or pur. Trois siècles plus tard, il a été remplacé par le solidus de 4,5 grammes. Le denarius, la pièce d’argent romaine, a été dévaluée encore plus rapidement. Sous Auguste, elle représentait une journée de salaire pour le travailleur moyen. Pendant des siècles, elle avait été fixée à un poids de 4,5 grammes d’argent. Mais à la fin du deuxième siècle après J.C., le contenu en argent avait été réduit à seulement 70% de son poids. En 350 ap. J.C., il ne restait quasiment plus d’argent dans le denarius ; il n’avait plus de valeur."
La devise papier a été plus tardive. Elle fonctionnait bien — tant que le papier était adossé à l’or à un taux fixe. Mais elle offrait plus d’opportunités de tricher.
Comme nous le verrons, les gouvernements sont encore à l’oeuvre… menés par les Etats-Unis d’Amérique.
A suivre.
4 commentaires
Cher Bill, voici une petite anecdote pour mettre de l’eau à votre moulin : Jacques Coeur, un grand homme, avait bien compris le profit qu’il pouvait faire en diluant le titre de la monnaie qu’il frappait pour la ville de Bourges. Pris sur le fait, il fut puni … Puis appelé par Charles VII pour s’occuper des finances du royaume ! Le métier de banque centrale serait il donc le plus vieux du monde ? Sincères salutations.
Intéressant comme toujours, il y a une problématique essentielle en économie sur la valeur et le prix….
Mais je m’inscrit (en ma qualité de rien du tout…) en faux contre la stabilité des prix en système physique or. Ce n’est pas possible dans le système économique qui est le notre. Pour que cela soit vrai il faut que la croissance de la production mondiale ne soit pas plus forte que la croissance d’extraction d’or.
Ce qui était vrai au 19ème siècle en système « capitaliste industriel » naissant et localisé à quelques pays, n’aurait pas pu continuer longtemps.
Le système Or (dégradé début 20è) a explosé aussi pour cette raison c’est que les États avait une masse monétaire trop éloignée de leur stock d’or réel, tout ne fonctionnait que grace à l’habitude et la confiance…jusqu’à…
Autre raison c’est que le « pic Or » existe bel et bien lui aussi la masse d’extraction d’or ne peut absolument pas suivre, le stock n’est pas infini, mais fini.
Aussi en résumé ***sous la condition*** que nous continuions avec le même système de production-consommation, cela ne tiendra pas. Alors que le système économique actuel est en inflation constante (une absurdité passée dans la normalité) nous serions, en système Or, en déflation continue (tout aussi absurde).
Par ailleurs les stock d’or ne sont pas distribué de manière proportionnel au poids respectif des économies/politiques du système-monde, la paix ne peut évidemment pas tenir et aboutira forcément à des conflits majeurs. Bref pour un investisseur : Ok, l’or jouera un rôle éminent le temps de la gigantesque reconfiguration du monde, mais il ne sera certainement pas le prochain système monétaire, à moins de vouloir collectivement payer cette utopie par des conflits.
Enfin ce n’est que mon avis.
Bonjour,
J’ai découvert la chronique AGORA par hasard en suivant des liens web.
Je suis admiratif de découvrir, la pertinence, l’intelligence, les qualités didactiques de vos articles et la compétence de vos analystes, bénévolement de surcroît.
C’est, bien sûr, comme cela qu’il faudrait expliquer l’économie et la finance sur les médias populaires dignes de ce nom (mais y en a-t-il encore ?).
Helas, ainsi que vous le dites si bien les gouvernements (quels qu’ils soient) sont là pour dépouiller les non initiés au profit des initiés, avec la complicité du pouvoir judiciaire et des médias, par la force de la police (et de l’armée, accessoirement) si nécessaire, tout en leur distillant des discours lénifiants et vides de sens.
Merci pour tout cela, que l’avenir vous soit prospère.
Cordialement,
Claude Vaissaire
Sans doute connaissez-vous Oresme, du 14ème siècle, évêque de Lisieux, qui effectua des études sur les causes de l’inflation, en particulier sur la tricherie que les rois et les princes pratiquaient en mettant de plus en plus de métal vil dans les alliages servant à fabriquer les pièces de monnaie. Sa grille d’analyse est toujours d’actualité dans l’époque actuelle de monnaies de chiffres.
D’autre part, pourquoi, selon vous, les modèles scientifiques, en physique notamment, ne sont pas utilisés comme modèles pour la création et le traitement monétaire? Ainsi le physicien doublé d’un économiste Nicholas Georgescú Roegen (1907-1996) qui prit pour modèle la loi de la thermodynamique; Ivring Fisher et Shumpeter s’intéressèrent beaucoup à ses travaux. Pourtant, malgré tout l’intérêt qu’on a porté aux travaux de ce physicien devenu économiste, ils n’ont pas été pris en considération. Nicholas Georgescú Roegen en était arrivé à la démonstration qu’il fallait pratiquer la décroissance. Pour ma part je ne suis pas d’accord si la décroissance est prônée, comme le font certains, par idéologie et écologisme mal placés. Par contre, si un modèle physique basé sur la thermodynamique est vraiment appliqué au système financier et économique et prouve que, tôt ou tard, la décroissance devient physiquement une nécessité vitale, et bien là on ne peut être que d’accord en s’attaquant à toute cette économie qui favorise artificiellement des besoins non moins artificiels en fabriquant et vendant des objets sophistiqués de façon à ce qu’ils soient démodés dans 6 mois, un an tout au plus, et ainsi forcer des ventes et des profits stériles. La réponse est claire, en physique on ne peut pas tricher, tandis que dans les domaines économique, financier, monétaire et bancaire si.
Ce qui est (très) grave, c’est la banalisation de la tricherie et de l’escroquerie installée dans les mécanismes bancaires, monétaires et financiers, et cette fausseté installée satisfait les autorités… (qui n’ont plus d’autorité sur rien d’ailleurs)
Si nous procédions en physique comme on procède en finances et en monnaies ou comme s’organisent des très grandes banques d’affaires, genre Goldmann & Sachs et consorts, il y a longtemps que nous nous serions fait sauter le caisson et la Terre serait sans doute réduite physiquement à néant depuis belle lurette. Si l’entropie existe dans la nature, quoique dans une dose très faible, nos « méthodes » économiques et financières accélèrent létalement cette entropie.