Depuis des mois, le nickel s’envole. Depuis mars, il est accroché à ses sommets. Le glas aurait-il sonné ?
Dérapage du nickel la semaine dernière
Une chute de 4% en quelques heures… et un retour vers les 46 200 $ la tonne (nous en étions encore à 51 000 $ il y a quelques jours à peine…), son cours le plus bas depuis sept semaines. Pourquoi ce soudain accès de faiblesse ?
Les stocks ! Ils ont augmenté de 1 500 tonnes sur le LME. Depuis ces dernières semaines, le niveau du stock de métal gris est en forte hausse. Mais là, l’ampleur du phénomène s’accélère.
Un stock au plus haut depuis juillet 2006
C’est un fait. Jamais les réserves de nickel disponibles n’ont été aussi élevées depuis juillet dernier. Il y a toutefois une différence de taille : à l’époque, le nickel à trois mois cotait 22 000 $ la tonne, et non 46 200 $ !
Je vois dans vos yeux le doute s’immiscer… Et vous avez raison de vous inquiéter, car le stock n’est qu’un des multiples facteurs qui sont actuellement en train de pousser le nickel à la baisse.
Un violent "effet ciseau" précipitera-t-il le nickel de son piédestal ?
Je prends mon plus beau pinceau et vous dépeins le tableau : l’offre de nickel explose (or les stocks sont déjà au plus haut !). De son côté, la demande de nickel va plonger car :
– partout, on commence à parler de surproduction d’inox ;
– les aciéristes substituent de plus en plus d’autres métaux au nickel pour produire l’inox ;
– pire, ils remplacent le nickel par du pig iron.
Ces tendances s’amorcent très clairement, alors même que le cours du nickel plane à des niveaux surréalistes.
A votre avis, que va-t-il se passer ?
Probablement ce que je répète inlassablement depuis mars déjà. Le nickel va se retourner. Et je sens que l’échéance se rapproche. Mais entrons dans le détail…
Côté offre : la production de nickel s’envole
A ces niveaux de prix, il est normal que les producteurs de nickel se mettent à creuser frénétiquement pour extraire le nickel du sol. Les marges sont tellement alléchantes…
Malheureusement, il va être difficile de freiner cette production rapidement. A l’image du Titanic, il y a un effet d’inertie gigantesque. Voyez donc les mines de Ravensthorpe et de Goro. La première doit être — enfin ! — opérationnelle en 2008 et la seconde est plus qu’impatiente d’entrer en production dès 2009 !
Etant donné le temps et l’argent qu’il faut pour lancer une mine, inutile de vous dire que les dernières venues sur le créneau vont produire, quoi qu’il arrive… quitte à amplifier davantage encore un marché qui pourrait très rapidement devenir excédentaire. Nous ne sommes pas sortis de l’auberge…
Côté demande : on crie à la surproduction !
Et pourtant, les producteurs d’acier inoxydable, le fameux "inox" (qui consomme 65% de la production de nickel) crient de plus en plus à la surproduction — Outokumpu et les Chinois en tête ; Arcelor Mittal l’a bien vu aussi…
En 2006, la Chine a augmenté sa production d’inox de 68%, passant ainsi n°1 devant le Japon. Même au niveau mondial, la production d’inox a bondi de 17%, et on devrait battre de nouveaux records en 2007.
Les producteurs d’inox se lancent dans l’inox sans nickel
Gros effet de substitution en ligne de mire. En effet, étant donné le coût du nickel, les producteurs commencent à remplacer le nickel par le chrome et le manganèse dans la fabrication du nickel. C’est ce que l’on appelle les aciers ferritiques.
Baosteel, le premier aciériste chinois, a fortement développé ce type d’inox, et grâce à cette substitution, il a fortement augmenté ses profits au dernier trimestre. Si on développe des inox sans nickel… sachant que c’est l’essentiel de son débouché… vous voyez le problème.
Sans compter un dernier gros danger pour le nickel…
Le pig iron
Les producteurs chinois se tournent vers le pig iron nickel, une sorte de substitut au vrai nickel beaucoup plus pur, et qui est produit en Indonésie et aux Philippines notamment.
Le traitement de ce pig iron, extrêmement toxique pour l’environnement, se fait dans les vieux laminoirs usés chinois. En effet, le traitement du pig iron détruit les laminoirs tant il est nocif !
Je résume : stocks en hausse, offre en hausse, demande en baisse, effet de substitution et de remplacement — tous les ingrédients sont là. Je persiste et signe : le nickel va se retourner…