▪ Hop, un A en moins.
On s’y habituerait presque, vous ne trouvez pas, cher lecteur ?
Moody’s a rétrogradé la France, cette semaine, à la non-surprise générale. Je vous conseille l’excellent article de ma collègue Cécile Chevré sur le sujet dans La Quotidienne d’Agora :
« Vous le savez, le principal risque qui pèse sur un Etat qui voit sa note être dégradée est de voir s’envoler les taux auxquels il emprunte », expliquait Cécile mercredi. « C’est parfaitement compréhensible du point de vue d’un investisseur : si vous devez prêter de l’argent à quelqu’un, vous préférez qu’il soit solvable. Et si vous avez le moindre doute, vous demanderez un rendement supérieur qui compensera — du moins en partie — le risque encouru ».
« Ce couple rendement-risque est maintenant bien connu puisque, ces derniers mois, la Grèce, l’Espagne, le Portugal ou encore l’Italie se sont trouvés piégés dans le mécanisme de la hausse des taux ».
« Plus un pays emprunte à un taux élevé, plus le poids des intérêts grève ses finances et plus sa situation économique se détériore, incitant les agences de notation à procéder à une autre dégradation de la note souveraine. Un processus dont l’aboutissement est l’impossibilité d’un pays à lever de nouvelles dettes sur les marchés — et donc la faillite ».
Voilà longtemps que nous le disons, mais je vous le rappelle une nouvelle fois : surveillez de très très près le moindre mouvement à la hausse des taux de la dette souveraine française. C’est un indicateur de faillite fiable et précis : plus on se rapproche des 6%… plus ça sent le roussi.
▪ Simone Wapler, bien entendu, avait des choses à dire sur le sujet dans La Stratégie de Simone Wapler — après tout, cela fait des mois et des mois qu’elle avertit des dangers qui entourent un pays en situation de faillite.
« Maintenant la question cruciale est : les [investisseurs institutionnels] vont-ils continuer à acheter autant de dette française ? Non, ils en achèteront moins ! Pour deux raisons :en France, les fonds de retraite par capitalisation représentent peu de chose. Il s’agit de fonds étrangers. S’ils privilégient la sécurité, ces fonds ont encore le choix en actifs triple A. S’ils veulent du rendement, alors ils préfèrent la dette italienne ou espagnole. Le rapport risque/rendement de la France est mauvais ».
Et ne croyez pas que ce soit un point de vue isolé. « Dans le Wall Street Journal« , continue Simone, « deux gérants sur trois expriment ce point de vue. ‘Il est frappant de voir que la France est le seul pays d’Europe où il n’y ait pas de sentiment d’urgence. Quand on entend M. Hollande parler, c’est plus la politique comme d’habitude que la crise », Julien Manceaux, d’ING Direct. ‘Si on regarde l’économie française, elle ressemble plus à celle d’un pays de l’Europe du sud et donc le prix [des obligations, NDLR] n’est pas approprié », Andrew Bosomworth, Pacific Investment Management ».
« Les assureurs enregistrent une décollecte. Ils ont donc moins d’argent à placer. On ne peut pas à la fois payer des impôts et épargner. Ceci est très ennuyeux car en 2013, la France sera de très loin le plus gros émetteur de dettes en euro, devant l’Espagne. C’est donc en 2013 que les rendements et les taux devraient monter de façon significative ».
En attendant, un piège potentiellement fatal guette bon nombre d’épargnants : « l’argent des Français se réfugie sur les livrets (livret A et LDD) qui enregistrent une collecte mensuelle record de 21 milliards d’euros », nous dit Simone.
Le problème… c’est que « Livret A ou LDD, ce n’est pas du cash », reprend Simone. « C’est un prêt à l’Etat. Si ça chauffe en 2013, vous pourriez très bien entendre que les sorties sont temporairement gelées ».
« En face de nos 1 870 milliards de dette publique, il y a l’épargne privée : 1 230 milliards d’euros d’assurance-vie et 581 milliards de dépôts sur livrets, soit 1 811 milliards de ‘garanties’. N’oubliez pas que la dette n’est finalement que de l’impôt différé. Nos créanciers étrangers le savent, c’est pour cela qu’ils ne fuient pas encore ».
« Les dépôts sur livret rendent la main à l’Etat. La dette peut redevenir française et lorsqu’il sera au pied du mur, l’Etat se servira. L’ancien conseiller de Jospin, Pierre Duquesne, suggère déjà de fiscaliser les gros livrets ! »
Soyez vigilant, cher lecteur… et ne vous mettez pas en travers du chemin des crocodiles !
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora