** Les cochons ne volent pas. Les poules n’embrassent pas. L’or ne suit pas le S&P 500. C’est comme ça… ou du moins, c’était comme ça.
– Les cochons n’ont toujours pas d’ailes, bien entendu, et les poules ne font toujours pas de baisers (ou du moins pas très bien), mais l’or, lui, suit le S&P 500… pour le moment. Que signifie ce changement ? Et qu’annonce-t-il ?
– Ou, pour transformer ces deux questions en une seule, très précise, dans la mesure où l’or suit le marché à la hausse, ne le suivrait-il pas également à la baisse ?
– La réponse à cette question réside probablement dans la CAUSE de la curieuse corrélation entre l’or et les actions US — et cette cause, pour rester large, c’est "la liquidité".
** Qu’est-ce que la liquidité ?
– En termes simples, c’est le vaste bassin de cash, de crédit et de produits dérivés qui nourrit les prix des actifs financiers. Ce bassin est de plus en plus contrôlé par des gestionnaires de fonds de couverture, fonds private equity et autres investisseurs professionnels cherchant à justifier leurs coquettes commissions.
– Alors que ces poids lourds parcourent le globe à la recherche de rendements étincelants sur les marchés financiers, ils lancent leurs ordres d’achat sur toute classe d’actifs offrant des profits attirants. Toutes les grandes places mondiales flottent donc sur le même océan de liquidités — les actions américaine, les actions chinoises, l’immobilier letton, les obligations brésiliennes — et même l’or.
– Historiquement, l’or et les actions ont tendance à diverger. Chaque fois que le S&P part dans une direction, l’or prend la direction opposée. Depuis toujours, cette non-corrélation très fiable a incité les investisseurs prudents à allouer au moins 10% de leur portefeuille à l’or.
– Aujourd’hui, les investisseurs prudents continueront d’allouer une grande portion de leur richesse à l’or et aux actions aurifères. Cependant, le métal jaune pourrait ne plus être la couverture universelle à laquelle s’attendent ses admirateurs. Le comportement de l’or par rapport aux cours des actions a beaucoup changé.
– "La tendance qu’a l’or à grimper lorsque les actions baissent n’est plus applicable", remarque James Grant dans le numéro du 18 mai de la lettre Grant’s Interest Rate Observer. "Pour un excellent exemple de la manière dont les choses fonctionnaient, il suffit de regarder les événements du 18 octobre 1987. Le jour du krach, le S&P a chuté de 20,5%, tandis que le prix de l’or grimpait de 3,4%".
– Plus récemment encore, l’or maintenait la fiabilité de sa performance contrarienne par rapport aux actions. "Depuis les premiers mois de 2000 jusqu’à il y a peu", rapporte Grant, "l’or et les actions empruntaient des chemins bien distincts. Alors que le Nasdaq chutait de 45% et que le S&P grimpait de 11%, l’or s’est envolé de 133%".
– Mais quelque chose a changé. L’or a rejoint "la vision grand public de l’investissement", selon Grant. L’or et les valeurs vont maintenant main dans la main.
– La récente corrélation de l’or et du S&P 500 est à la fois prononcée et aberrante. Durant la majeure partie des deux dernières décennies, l’or a montré une corrélation inverse ou non-corrélation avec le S&P. Mais ces derniers mois, le lien or/S&P est passé de négatif à très positif. L’or pourrait aussi bien faire partie du S&P.
– En d’autres termes, l’or a en quelque sorte pactisé avec l’ennemi. Par conséquent, la prochaine baisse sévère du marché boursier pourrait coïncider avec une baisse du cours de l’or… au moins pendant un temps. Mais tôt ou tard (et sans doute plutôt tôt), les tendances contrariennes de l’or réapparaîtront.
– Quelques mois de corrélation inhabituelle avec les actions n’effacent pas automatiquement l’héritage de l’or en matière de non-corrélation et de préservation de la richesse.
– "L’histoire de la monnaie papier, c’est l’histoire de la dévaluation", nous rappelle Grant. "Nous les fanatiques de l’or, nous accumulons donc le métal jaune non pas tant comme couverture contre l’inconnu mais plutôt comme investissement dans la prédestination. La monnaie papier perd de sa valeur. C’est son destin".
– Mais le destin prend l’omnibus, cher investisseur, et pas l’express. Le destin apparaît quasiment toujours là où il le devrait, mais ne se montre quasiment jamais QUAND il le devrait… ou quand un investisseur espère le voir apparaître.
– "Il se pourrait que cette alliance de classes d’actif autrefois isolées [ait été] une aberration, et qu’un acheteur aurifère déterminé et engagé pour le long terme puisse l’ignorer en toute sécurité", conclut Grant. "Mais je crains que ce ne soit pas un coup du hasard… Si j’ai raison, l’or pourrait décevoir ses nombreux fans au cours du prochain marché baissier — parce que les perturbations du système monétaire mondial fournissent les causes fondamentales pour des prix encore plus élevés dans les années à venir".