▪ Ma réponse à vos réponses concernant le rôle du gouvernement dans la crise actuelle a suscité… de nombreuses réponses — et je ne résiste pas au plaisir de vous en livrer encore quelques-unes.
Avant toute chose, qu’il me soit permis de rassurer C.R., qui se pose visiblement des questions sur mon avenir professionnel :
« Ce qui est dommage c’est que [Françoise Garteiser] n’assume pas ses propos et essaye de les faire passer pour du second degré après qu’on lui ait passé un savon ! Elle a reçu là un premier avertissement sans frais, elle devra maintenant faire bien attention de rester dans les rails si elle ne veut pas se retrouver à Pôle Emploi »…
J’imagine qu’il s’agissait là d’une allusion aux propos de Simone Wapler… mais je ne peux laisser mes collègues être calomniés de la sorte ! Je vous assure qu’à la rédaction, tout le monde a son opinion et le droit de l’exprimer, quand bien même le reste de l’équipe n’est pas d’accord.
Certes, cela donne des réunions éditoriales animées et des discussions parfois enflammées — qui se terminent généralement au bar d’en face. Mais voilà plus de 12 ans maintenant que je travaille aux Publications Agora, et je n’y serais pas restée aussi longtemps si j’avais subi des pressions sur ce que j’ai le droit de dire ou pas.
▪ Passons maintenant à J.C., qui replace un peu le débat dans le contexte de la crise financière plus particulièrement, plutôt que de la crise économique et de la faillite des Etats :
« Pour ce qui est de la crise financière, qui l’a créée ? », demande-t-il. « Le merveilleux monde spéculatif de la finance, là où réside le pouvoir, le contrôle du crédit et de la monnaie et où, comme par hasard il y a beaucoup de riches qui s’enrichissent en ne produisant absolument rien : ils ‘régulent’ le système. Ils ont mal fait leur travail ! Et c’est à ces ‘riches’ de payer LEUR JUSTE PART : c’est-à-dire BEAUCOUP plus que tous les contribuables de la classe moyenne… et pauvre ! »
Cette réaction me fait penser à ce qu’écrivait Chris Mayer hier :
« L’existence d’un pouvoir de l’Etat élève l’homme contre l’homme. Il élève ceux qui réussissent et créent contre ceux qui volent au travers des élections, des lois et des impôts. Au final, le fardeau de l’Etat retombe sur cet Homme Oublié, le véritable Homme Oublié. C’est celui qui a travaillé, économisé et accompli ce qu’il fallait pour prendre soin de lui et de sa famille. Et pourtant aujourd’hui, on lui dit qu’il doit à nouveau payer pour les autres, ceux qui n’ont pas travaillé et économisé comme lui ».
Nous en avons une parfaite illustration dans le monde d’aujourd’hui.
▪ Je terminerai enfin avec J.T., dont j’ai beaucoup aimé le courrier… sans doute parce que je partage bon nombre des opinions qu’il exprime !
En réaction au courrier de M.P publié la semaine dernière, voilà ce qu’il nous dit :
« Lorsque je lis que ‘ce sont les riches qui créent la richesse nationale, qui tiennent à bout de bras tout le corps social, depuis des dizaines d’années’. Sans considérer que cela soit totalement faux, j’ai l’impression que c’est à peu près le même discours que devait tenir la noblesse au début du XVIIIe siècle. Et le sentiment est parfois plutôt que si certains s’enrichissent d’autres s’appauvrissent dans le même temps ».
« Il me semble qu’une des difficultés que nous vivons actuellement, et pour laquelle j’ai du mal à voir quelles solutions sont proposées, est celle de la maîtrise du changement. Comment lorsque le monde évolue et que certaines industries et activités doivent disparaître au profit d’autres fait-on pour limiter la casse sociale ? On parle souvent de la juste rétribution du risque, mais comme le disait Pascal il faut en face du risque placer le gain ou la perte, et je ne suis pas sûr qu’il soit aussi simple de comparer le risque du riche par rapport à une partie de son capital et celui de l’employé face à la perte de son emploi et de sa maison ».
« Lorsque je lis que ‘c’est cette classe politique en France, en Italie, en Amérique, qui est à l’origine de tous nos malheurs […] C’est elle qui triche sans vergogne avec le libéralisme pour le rendre finalement responsable de la crise alors qu’il n’y est pour rien’. J’ai grande envie de répondre qu’on a les politiques qu’on mérite. On n’arrive jamais à une bonne solution lorsqu’on commence à dire ‘c’est la faute de’, ‘tous nos malheurs viennent de’. D’une certaine manière nous avons tous, il est vrai à des degrés différents, notre part de responsabilité. Le monde est complexe et je ne crois pas aux solutions simples ».
Je n’aurais pas mieux dit.
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora
1 commentaire
Vous notez, avec raison, avec J.T. l’évolution de nos sociétés vers une complexité accrue, je voudrais souligner, quand à moi, combien cette complexification n’est que peu pensée où sinon par des personnes aux âges d’au-delà des cinquante ans.
En écrivant cela une foule d’idées me viennent à l’esprit et il n’est pas l’heure de parler de tout cela ici, la place manque.
Si reproche il y a à faire à nombre des élites économiques, politique, voire journalistique c’est, justement, de ne rien comprendre à ce qui se passe réellement des poussées éruptives en germe dans les sociétés.
De ne rien comprendre, surtout, des évolutions probables des équilibres mondiaux dans le proche avenir.
Et oubliez la Chine, elle ne sera qu’un des infinités points de ces bouleversements.
En fait, votre candeur me touche, presque de la naïveté!
Le plus amusant dans tout cela c’est que le monde est en train de changer sans que vous ne vous en rendiez compte.
Tout se joue autour du dollar, tant que celui-ci tiens notre monde restera encore stable mais pour combien de temps encore?
Cette transformation accélérée dont vous faisiez référence sera en accroissement parce que, à ce moment là, ce ne sera plus d’une simple concurrence économique entre gros cartels dont il sera question mais de celle qui se fera entre des états, aujourd’hui appelés B.R.I.C. par esprit ô combien condescendant, qui voudrons logiquement se faire une place au soleil.
Voyez-vous, madame, l’époque veut que tout discourt politique soit, de fait, un discourt économique, toute pensée politique soit, de fait, une pensée économique, or cela est totalement faux, ce n’est pas la bonne économie qui fait une bonne politique mais la bonne politique qui fait la bonne économie et tout homme politique qui ne réussi en rien l’économie se doit d’être irrémédiablement chassé et je ne vois pas en quoi les dix dernières années ont montré une quelconque efficacité en Europe comme en France.
Ainsi ne doit-on pas se mettre à dos ni les scientifiques, ni les militaires (je me suis inspiré en cela des mots de Machiavel, je ne vous ferais pas l’injure d’insinuer que vous ne l’avez pas lu) et il est à remarquer que les anglais se sont mis et les uns et les autres à dos, je suis curieux de voir ce que cela donnera, les néo-libéraux font des expériences d’agitations populaires passionnantes (n’oublions pas que ce sont les anglais qui, les premiers, firent leur révolution).
Commencez-vous à comprendre ce que veut dire une pensée politique?
Revenons aux B.R.I.C..
Ces pays sont déjà dans d’immenses difficultés, pourquoi?
Tout simplement parce que ces peuples ont gouté aux portes du paradis ou dit autrement ils ont pris goût à la démocratisation des signes du pouvoir, parce que conduire sa propre voiture, poursuivre de hautes études ou de le faire faire par l’entremise de ses enfants sont des signes de pouvoir.
Alors quand les États-Unis dollar disparaitrons, affirmation qui n’est que de l’ordre de l’évidence, ces pays n’aurons que deux choix, soit la désagrégation, soit de porter cette violence hors de son sol, la colère, comme toute émotion est une l’énergie qui peut, comme toute autre énergie, se transformer ou se déplacer.
C’est cela la pensée politique!
Et l’Europe?
Notre désindustrialisation continuelle depuis quarante ans fait que si ce que je décris succinctement se révèle (en ces choses on ne peut être sûr de rien même si les faits me montre que je ne suis pas loin de la réalité de notre proche futur), à n’en pas douter nous nous retrouverons gros Jean comme devant à devoir rebâtir une industrie de quasiment zéro, encore heureux que les allemands fabriquent des machines-outils.
Mais les jeunes, dégoutés des métiers manuels ou peu formés (combien fut-il d’une stupidité sans nom de n’avoir former que des comptables ou des commerciaux) seront bien en peine de retourner à la mine ou de couler de l’acier, sans compter que ce savoir-faire n’existe quasiment plus que chez quelques retraités.
Il est criminel, et je pèse mes mots, j’ai bien écris » criminel » d’avoir laisser se fermer le dernier haut-fourneau, mais bon, l’époque se porte à la bêtise, l’ignorance et les jeux du cirque télévisuels.
Je vous vois déjà là, une moue de dédain aux lèvres, lire ces lignes en pensant: « les mine et les hauts-fourneaux, quels fariboles, pourquoi pas l’agriculture pendant qu’on y est. » mais je vous attends dans moins de cinq ans peut-être, moins de deux ans surement quand nous nous retrouverons dans la situation où le gouvernement d’alors sera possiblement contraint d’établir des billets de rationnement.
Et cela parce que ces gents là ont oublié l’acte social au profit de gains sans sens et que d’autres n’ont perçu l’économie que comme seule matière à penser.
Tout cela est dérisoire et ridicule, mais il est parfois où le dérisoire et le ridicule tuent!
Petit exercice: devinez la ressemblance entre £, $ et €, si vous avez trouvé vous aurez compris ce qu’est l’inconscient social, un mot pour vous aider: « barre ».