▪ Il fut une époque où c’était le marché libre qui déterminait quels produits et services atteignaient les consommateurs. Les entrepreneurs potentiels pouvaient tester de nouvelles idées pour voir si l’intérêt des consommateurs justifiait leur production. Les « bonnes idées » — c’est-à-dire les choses pour lesquelles les gens étaient prêts à payer — pouvaient se développer et évoluer tandis que les « mauvaises idées » — c’est-à-dire ce dont personne ne voulait — pouvaient s’éteindre doucement et discrètement.
Aujourd’hui, en revanche, la réglementation gouvernementale étouffe trop souvent ce processus en protégeant les entreprises existantes de la concurrence et en empêchant ainsi de nouveaux produits et services d’atteindre le marché. Les lois « certificat de nécessité » ou « certificat de besoin » sont probablement les intrusions anti-capitalistes parmi les plus pernicieuses parce que celui qui souhaite lancer un produit ou un service sur le marché doit auparavant prouver l’existence d’un « besoin public ».
Pour illustrer l’absurdité de ce concept, prenons l’exemple du chapeau cheesehead — le chapeau en mousse de couleur jaune/orangé en forme de morceau de fromage que les supporters de l’équipe des Packers portent à chaque match de football américain. A l’origine, le terme cheesehead (« tête de fromage ») est un terme péjoratif qui servait à désigner les fans des Packers. Désormais, il est porté avec fierté par ces derniers. Ces habitants du Wisconsin, fiers de leur état et de leur tradition fromagère, ont transformé une moquerie en une fierté.
Ralph Bruno, inspiré par ce sentiment, eut l’idée de fabriquer un chapeau en forme de morceau de fromage alors qu’il rembourrait le canapé de sa mère. Il coupa la mousse restante pour en faire un couvre-chef en forme de V, la peignit en jaune et arriva ainsi chapeauté lors d’un match qui opposait les Brewers de Milwaukee aux White Sox de Chicago en 1987. Selon Bruno : « il a suffi de mettre sur ma tête un chapeau sur lequel on pouvait lire ‘oui, je suis un cheesehead‘. » Ses créations faites maison se sont tout de suite arrachées lorsqu’il a commencé à les vendre dans de grands sacs poubelles lors des matchs.
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Finalement, il monta sa propre entreprise pour fabriquer les cheeseheads… et on connaît la suite de l’histoire. Mais imaginez ce qui se serait passé si on avait exigé de Bruno qu’il obtienne un certificat de nécessité avant de mettre son idée sur le marché. Imaginez qu’en plus d’obtenir un tel certificat on lui ait demandé de prouver l’existence de la nécessité publique de ce produit avant de pouvoir le fabriquer. Selon Bruno, développer le cheesehead était « comme découvrir une nouvelle terre » parce que « rien de ce genre n’existait avant ». Comment aurait-il donc pu démontrer la nécessité publique de son produit alors qu’il n’existait rien qui y ressemble ?
▪ Nécessité fait loi… à moins que ce ne soit l’inverse ?
Initialement, les lois de « certificat de nécessité » s’appliquaient uniquement aux transports en commun comme les chemins de fer et les services publics (compagnies de gaz et d’électricité). En effet, ces industries étaient si lourdement régulées que le gouvernement devait encourager l’investissement privé. En outre, protéger ces types de fournisseurs de service de la concurrence était considéré opportun, étant donné qu’ils n’avaient pas le droit d’introduire une discrimination entre les consommateurs. Par exemple, les chemins de fer étaient souvent obligés de desservir des trajets peu fréquentés et par là même peu rentables.
Mais au cours du XXe siècle, les lois de certificat de nécessité se sont étendues pour englober les industries pour lesquelles ni les raisons « d’encourager l’investissement privé » ni les raisons de « compenser les fournisseurs de services » n’avaient plus de sens. Aujourd’hui, ces lois s’appliquent souvent aux taxis, aux déménageurs, aux vendeurs de voitures et aux hôpitaux.
Malheureusement, les lois de certificat de nécessité ne se contentent pas d’étouffer les opportunités économiques. Elles bloquent également l’accès des consommateurs aux services essentiels, y compris aux soins de santé. Par exemple, sur l’île hawaïenne de Maui, la construction d’un hôpital privé a été gelée pendant des années parce qu’une agence gouvernementale refusait de délivrer un certificat de besoin. Même si le seul hôpital — public — existant sur l’île était trop petit pour soigner tous les résidents et les visiteurs de l’île, l’agence refusait de délivrer l’autorisation parce qu’un nouvel hôpital impacterait négativement les affaires de l’hôpital existant. Une société libre ne devrait pas tolérer un tel protectionnisme économique, éhonté, imposé par le gouvernement. En tant qu’avocat de la Pacific Legal Foundation, Timothy Sandefur explique dans un article récemment publié dans une revue juridique :
« Ces lois empêchent les opportunités de création d’entreprise, étouffent la créativité et le travail de ceux qui autrement pourraient être des innovateurs productifs dans notre société. Elles conduisent à l’amertume et au ressentiment face à l’hypocrisie d’une nation qui prétend encourager les opportunités économiques, la mobilité sociale et ‘l’aristocratie naturelle’ de la ‘vertu et du talent’ et qui récompense le mérite plutôt que l’influence politique ».
Comme le relèvent Sandefur et d’autres, il est difficile de mesurer les dégâts que ce protectionnisme provoque. « Il est impossible d’évaluer les coûts économiques qu’imposent ces restrictions », écrit-il, « puisqu’ils sont ‘invisibles’, selon le terme des économistes : ce sont les innombrables entreprises qui ne naîtront jamais, la productivité qui ne démarrera jamais et la richesse qui ne sera jamais créée ».
Par conséquent, il peut être difficile de convaincre les gens que les procédés d’agrément d’entreprises sont nocifs. C’est comme demander aux gens d’imaginer un monde dans lequel leur produit ou entreprise préféré(e) n’existe pas parce qu’il/elle n’aura jamais été créé(e). Autrement dit, c’est comme essayer d’imaginer une Amérique sans cheeseheads.
Heureusement, les cheeseheads existent dans notre monde grâce à un homme qui a pu suivre son idée sans interférence de l’Etat. Mais il est facile d’imaginer que beaucoup d’autres produits et services — les superflus comme les essentiels — ne sortiront jamais de leur état de concept, simplement parce que les certificats de nécessité les empêcheront toujours d’atteindre le marché.