** Ma foi vacille. Mais contrairement à Bill Bonner, ce n’est pas le combat entre l’inflation et la déflation qui m’emplit de doute… mais les fondamentaux eux-mêmes.
Ou plutôt l’analyse fondamentale.
Car comment investir, comment réagir face au gigantesque n’importe quoi qui règne actuellement sur les marchés ? C’est l’euphorie boursière — face à une économie réelle qui s’enfonce de plus en plus profondément dans ce qui est une véritable dépression.
Il suffit de regarder les statistiques de l’emploi aux Etats-Unis ! Dans le magazine MoneyWeek, Simone Wapler attirait notre attention sur des chiffres plus qu’inquiétants :
"Aujourd’hui, plus de la moitié des personnes enregistrées au chômage rentrent dans [la catégorie des gens ayant définitivement perdu leur emploi], par opposition à ceux qui sont simplement en lay off, terme anglo-saxon pour désigner le chômage technique".
"Ceci signifie que la durée moyenne du chômage va s’allonger. La reprise en V semble donc bien compromise dans une économie portée essentiellement (75%) par la consommation. Car faut-il rappeler que les chômeurs consomment chichement ?"
"Au mois de juin, le chômage a atteint 20% dans sept états américains", continue Simone. "Transposé avec les méthodes de comptage de l’époque, on atteint les niveaux de la récession 1973-1975. A comparer aux niveaux de la Grande Dépression : 25% selon des reconstitutions historiques (faute de statistiques) ; 34% pour le pic de 1933 selon SGS".
Philippe Béchade nous en disait plus jeudi dernier : "observons la situation actuelle : du chômage et du sous-emploi dans tous les secteurs (sauf à l’ANPE ou bureaux équivalents), des records de saisies immobilières, des fonctionnaires travaillant quatre jours sur cinq en Californie dans des uniformes qui ne sont plus remplacés… Face à de telles conditions, le cerveau du trader lambda a tendance à s’émouvoir et souffrir par empathie avec une économie occidentale qui reste bien mal en point après le coma de l’automne 2008".
"C’est une coupable faiblesse que les ordinateurs sont en mesure de corriger — et ils le font très bien : voici enfin les cours de bourses désintoxiqués du réel. Rien n’est tout à fait noir ni tout à fait blanc, on se perd dans les nuances de gris ? Eh bien, il n’y a qu’à décréter informatiquement que tout est vert : voilà de quoi mettre tout le monde d’accord !"
Mais quelle valeur peut-on accorder à une hausse basée sur des fondations aussi fragiles et sur la manipulation informatique des cours ? Faut-il suivre l’adage selon lequel "la tendance est votre amie", et investir parce que ça grimpe ? Faut-il oublier les marchés et s’en tenir à l’or ?
Ou bien… faut-il appliquer un autre adage anglo-saxon ? "If you can’t beat’em, join’em!" disent les Américains avec leur pragmatisme habituel : si on ne peut pas les vaincre, rangeons-nous de leur côté… C’est-à-dire, dans le cas présent, suivons de près ce que font les programmes de trading — et transformons-le en profits !
"Il y a fort à parier que, suite au fort rebond ainsi qu’aux déclarations lénifiantes de la plupart des responsables politiques mondiaux, de nombreux petits épargnants se sentent désormais rassurés par la situation économique", expliquait ainsi Marc Mayor. "Si ce sont eux qui achètent désormais, tandis que les machines se désengagent, alors les superordinateurs pourraient nous faire le coup de la trappe, bien connu des amateurs de dessins animés".
"Voici comment cela ça fonctionne : il s’agit, de manière concertée et relativement ordonnée, de déclencher une vague d’ordres qui crée une panique. L’idée est de convaincre, dans le laps de temps le plus court, les petits investisseurs qu’ils doivent désormais perdre les pédales".
"En général, cela nécessite un prétexte, comme par exemple une déclaration de la Réserve fédérale, des statistiques économiques étonnamment mauvaises, ou encore un résultat très décevant de la part du poids lourd d’un secteur important. Il n’est même pas impossible que ce soit le prix du pétrole qui fasse à nouveau figure d’épouvantail. Une fois que la panique s’installe, les marchés repartent alors à la baisse, pour tester voire enfoncer (en termes réels si ce n’est en termes nominaux) les précédents planchers. Comme la plupart des résultats du deuxième trimestre, et notamment ceux du secteur financier qui a si bien rebondi, sont attendus dans les deux mois qui viennent, il est à supposer que… la fin du rebond est proche".
Je vous laisse méditer sur ces sages paroles… et vous souhaite une excellente fin de week-end.
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora