▪ Euro, Union européenne, dette des Etats et Etat-providence — c’est ce dont nous discutions hier. Voici la suite…
▪ La fin du business model des Etats-providence
Soyons sérieux. Les Etats européens, en particulier français, sont bâtis sur l’idée d’Etat-providence. La providence est un mot qui signifie que le cours des événements est issu de l’action bienveillante d’une puissance divine.
En l’occurrence, la puissance divine qui veille sur nous de la maternité au cimetière, c’est l’Etat. L’Etat qui, à travers les allocations familiales, paie l’essentiel des frais de garde de nos jeunes enfants ; l’Etat qui veille sur nos vieux jours à travers les pensions et maisons de retraite. Nous naissons à la maternité pour mourir à la maison de retraite.
Entre-temps, en cas de maladie, la Sécurité sociale veille sur vous, les ASSEDIC et maintenant le Pôle emploi assurent nos accidents de parcours professionnels… et quand il n’y a plus d’espoir, et que le marché du travail vous est définitivement fermé, le RSA prend le relais. Un problème de logement, le parc HLM et les aides au logement sont là pour vous. Partout, à tous les niveaux les « amortisseurs sociaux » sont là.
Il ne faut pas se leurrer. La fin du business model de l’Etat-providence signifie la fin programmée et inéluctable de l’ensemble de ces aides. C’est ce que signifie la « rigueur » sans la planche à billets pour l’adoucir.
Or la société française ne peut en aucun cas supporter une cure d’austérité à la grecque. Cela est tout simplement impossible. Nos zones sensibles vivent pour beaucoup des aides publiques et de la solidarité nationale. A cette problématique financière se rajoute depuis maintenant quelques années des problématiques communautaristes évidentes. Lorsque les tensions s’exacerbent, l’histoire humaine prouve que les modérés ne l’emportent jamais.
Les fragilités de la société française ne sont pas les fragilités de la société allemande. Pour notre pays, le coût social d’une austérité brutale risque d’être insupportable et de mener à des problèmes inter-communautaires insurmontables. Je vous conseille la lecture de l’extraordinaire rapport officiel 2011 de l’Observatoire des Zones Urbaines Sensibles, éclairant sur la réalité sociale de notre pays et, donc, sur nos fragilités.
▪ La sortie de l’Allemagne serait la meilleure solution
L’Allemagne ne souhaite pas amoindrir (pour le moment) le choc de la rigueur par un recours, ne serait-ce que modéré, à la planche à billets. Dont acte. La ligne rouge allemande est celle de la création monétaire, menant bien souvent à l’inflation puis à l’hyperinflation. Ce point de vue est économiquement fondé. Le traumatisme allemand de l’hyperinflation des années 1920 ayant mené à l’arrivée du nazisme est toujours vivace dans les esprits d’outre-Rhin. Cela est parfaitement respectable.
La ligne rouge française doit être impérativement celle de la stabilité sociale. L’austérité ne peut être que progressive sous peine de prendre le risque de déclencher des émeutes d’une rare violence. Nous ne pourrons pas mener chez nous une austérité crédible, c’est-à-dire massive et brutale. L’utilisation de la planche à billets est inéluctable. Ce n’est qu’une question de temps. Il en est de même pour l’Italie, l’Espagne, ou la Grèce (mais pour d’autres raisons).
La conclusion est implacable. En cas de persistance de ces désaccords, nous devrons mettre fin, par la force des choses à l’aventure de la monnaie unique. La meilleure solution serait alors la sortie du maillon fort de l’euro qu’est l’Allemagne. Messieurs les Allemands sortez les premiers !
Le coût économique d’une telle solution serait certainement le plus supportable parmi les « mauvaises solutions » pour sortir définitivement de cette crise monétaire. Une sortie de l’Allemagne de la monnaie unique ne lui coûterait pas plus cher que la réunification. Cela lui coûterait également bien moins cher que de se porter caution pour l’Europe entière. Enfin, une dette en euro faible remboursée en nouveaux marks « forts » permettrait d’amoindrir le coût (important) de la dette allemande.
Nous devons accepter de dépasser nos limites. L’euro n’est plus une limite. Seule la stabilité de nos nations respectives sur le long terme permettra la poursuite d’une construction européenne durable.
Nos élites se trompent. La fin possible de l’euro est en réalité, une chance immense pour un nouvel élan européen bâti sur une adhésion populaire et démocratique.
Première parution dans le Billet du Trader du 09/12/11.
4 commentaires
La vulgate à la mode voudrait qu’en Europe nous vivons au dessus de nos moyens la faute à l’état providence. Mais moi, je suis convaincu que ce sont les oligarchies qui vivent au-dessus des moyens des autres. C’est vrai que le capitalisme est fichu sans croissance. Le capitalisme pendant 1000 ans comme le Reich allemand. Nulle part il n’est écrit qu’on doive subir ça tout ce temps.
Bonjour,
J’ai lu votre article, et je m’intéresse plus particulièrement à la situation de la France: Que deviendra le pouvoir d’achat d’un ménage? Dans quel mesure diminuera-t-il car immanquablement il diminuera? Ainsi le SMIG qui est de 1393 euros brut deviendra combien en francs francais? Enfin, sans l’Allemagne dans la zone euro, comme vous le soulignez, l’avenir du couple franco-allemand, donc de la construction européenne, ressemble à la situation de la France et et de l’Allemagne à la fin des années 20 début des années 30? La Ggermanophobie apparaît dans la bouche d’hommes politique. Et les Allemands risquent de s’y mettre à leur tour. Nous risquons le chaos-la chienlit comme disait De Gaule-.
Et dire que ce sont les banquiers américains qui ont enclenché le mécanisme de la crise.
Ils ont provoqué la crise des subprimes comme il provoque la crise économique actuelle. Ce sont des criminels. Ils commanditent des conflits ou des guerres avec du recul.
L’histoire risque de se répéter… Je suis consterné.
Excellente analyse et conclusion novatrice, ie la sortie de l’Allemagne de l’euro.
La sortie de l’Allemagne par le haut serait sans doute la meilleure chose. Mais je pense personnellement que cela entraînera de toutes façon un éclatement complet de l’Euro : d’une part, les Pays-Bas, Autriche et Finlande suivraient l’Allemagne; et voyez-vous les Italiens, les Français, les Espagnols etc rester dans une union monétaire? C’est un nouvel EuroMark, ou comme on voudra bien l’appeler, qui naitrait. En d’autres termes, c’est l’Euro-Nord qui sortirait de l’Euro, et rien ne dit qu’un Euro-Sud persisterait.
Sinon, une précision : ce n’est pas l’hyperinflation de 1923 qui a porté les nazis au pouvoir, mais la politique d’austérité menée par les autorités à partir de 1930 afin de prévenir le retour de ladite hyperinflation. Alors certes, il y a certes un lien, mais non un lien immédiat et mécanique [on aurait pu choisir de ne pas mener une politique d’austérité]; le moteur, ce fut la peur des rentiers de revivre le traumatisme de 1923; et donc, la planche à billets étant proscrite, le gouvernement choisit l’austérité, donc la dépression… et permit la marche d’Hitler vers le pouvoir.
On ne le dira jamais assez : C’est l’austérité et la déflation qui ont porté les nazis au pouvoir, pas l’hyperinflation!