** Nous avons franchi une nouvelle étape sur la route de la ruine.
* "Le plan Geithner bien accueilli", déclarait le Financial Times hier en couverture.
* "Les actions rebondissent suite à la proposition sur les actifs toxiques", continue l’article.
* Concentrons-nous sur la grande nouvelle : le plan Geithner.
* En deux mots, le gouvernement américain va créer un fonds public-privé pour racheter jusqu’à 1 000 milliards de dollars d’erreurs des banques. Ces actifs seront vendus aux enchères — dans un marché soutenu par de l’argent public.
* C’est une situation "gagnant-gagnant-gagnant", déclare Bill Gross, de PIMCO, le plus grand fonds obligataire de la planète. Nous n’avons pas vu la suite de son analyse, si bien que nous allons devoir deviner. Les banques sont gagnantes parce qu’elles peuvent vider leur réfrigérateur. Les investisseurs sont gagnants parce qu’ils peuvent racheter ces restes à prix cassés — avec des garanties gouvernementales — et ils pourraient découvrir qu’ils ne sont pas si moisis que ça. Et le gouvernement est gagnant parce qu’il se débarrasse enfin de l’odeur fétide qui émane de sa cuisine.
* Nous n’avons ni le temps ni l’envie d’examiner ce programme de près. Mais ce n’est pas nécessaire. Même de loin, il pue.
* Pourquoi ? Parce qu’il n’y a guère de "gagne" à partager. Les actifs valent ce qu’ils valent. Aux dires de tout le monde, ils valent beaucoup moins que ce que les banques pensaient qu’ils valaient à l’origine. Dans un monde meilleur, les banquiers encaisseraient leurs pertes, admettraient leurs erreurs et se feraient sauter le caisson. Ou changeraient de carrière, au minimum. En fait, nous avons une suggestion à leur faire : ils devraient entrer au gouvernement — là, ils peuvent faire autant d’erreurs qu’ils le veulent, personne ne s’en rendra compte.
* Mais nous ne sommes pas dans un monde meilleur ; nous sommes dans un monde plein de péché et de chagrin… avec un idiot à chaque coin de rue… et un atout dans chaque manche.
** Il n’y aura pas trois gagnants au plan de M. Geithner. Il n’y en aura qu’un. Quoi que valent les actifs toxiques, ils seront vendus soit moins soit plus que ce montant. S’ils sont vendus moins cher, les investisseurs réaliseront un profit. Les banques… et leurs soutiens gouvernementaux… perdront — parce qu’ils auront abandonné un actif pour moins que ce qu’il valait vraiment. D’un autre côté, si les actifs toxiques sont vendus plus qu’ils ne valent vraiment, ce sont les investisseurs qui perdront.
* Les objectifs des investisseurs sont clairs — ils veulent gagner de l’argent. Et ils n’investiront pas à moins de penser qu’ils obtiennent les actifs pour moins que ce qu’ils valent. Les motivations des banquiers et du gouvernement sont plus complexes. En gros, ils veulent juste que le problème disparaisse. Nous miserons donc sur les acheteurs d’actifs toxiques, plutôt que sur les vendeurs. Selon toute probabilité, ils seront les seuls gagnants. Ils achèteront les morceaux les plus savoureux à bon prix ; ils laisseront les plus toxiques au gouvernement américain. Ce dernier sera sans doute encore plus perdant qu’il l’est actuellement.
* Mais le gouvernement perdra deux fois. D’abord, il perdra de l’argent au jeu de poker avec les investisseurs privés. Ensuite, il perdra une nouvelle fois lorsque ses sottises coûteuses ne réussiront pas à faire redémarrer l’économie.
* Les banques iront mieux lorsqu’elles auront nettoyé leurs placards. Ca ne fait aucun doute. Elles pourront prêter à nouveau, pas vrai ? Mais à qui ?
* Le problème que le renflouage bancaire est destiné à résoudre n’est qu’une partie — et pas la plus importante — d’un problème plus vaste. Les banques avaient de vastes sommes à prêter — en dépit de leurs propres actifs toxiques. La Fed était prête à leur donner la ligne de crédit la plus élastique de l’histoire. Le problème n’était pas qu’elles n’avaient pas d’argent à prêter, c’était qu’elles n’avaient pas d’emprunteur solvable à qui prêter.
* Prenez le cas des prêts hypothécaires. Il y a dans les coffres des milliards de dollars d’actifs adossés aux prêts hypothécaires. On sait que ces actifs sont "toxiques" parce que les propriétaires ne peuvent pas rembourser leurs prêts et que la valeur de leur nantissement baisse. Ces actifs adossés aux prêts hypothécaires sont donc dévalués au niveau que les investisseurs pensent être juste.
* Mais quelle banque veut endosser encore plus de dette hypothécaire ? Les prix de l’immobilier chutent encore. Et les propriétaires ont encore des soucis. Les actifs toxiques sont dévalués en anticipation de la ruine du pauvre propriétaire. Il doit encore faire faillite et se remettre en selle avant de redevenir un "risque crédit" sain. Cette logique s’applique à l’économie tout entière. Les entreprises, les propriétaires et les investisseurs doivent eux aussi faire le vide dans leurs placards avant que le cycle du crédit puisse repartir à la hausse. Et c’est un processus très long…