** J’ai assisté à la conférence ASPO-USA (Association américaine de l’étude du phénomène du Peak Oil, ndlr.) la semaine dernière. Elle a commencé par trois présentations sur le sujet du réchauffement planétaire (RP). Pourquoi ? Parce que le réchauffement planétaire, c’est ce qu’on obtient quand on brûle une grande quantité de carburants fossiles basés sur le carbone, qui chargent l’atmosphère en CO2. Le réchauffement, c’est l’autre aspect du Peak Oil. C’est-à-dire qu’en épuisant rapidement les réserves d’énergies fossiles de la Terre, l’humanité se livre également à une dangereuse expérience avec son atmosphère. Dangereuse ? Absolument. Et si vous n’êtes pas inquiet, vous devriez l’être.
– Le Pr Cameron Wake, professeur à Dartmouth, nous a parlé de l’accumulation actuelle de CO2 dans l’atmosphère. Les recherches de Wake comprennent des chiffres couvrant plus d’un siècle de mesures chimiques extrêmement précises sur le CO2 atmosphérique, une période couvrant la vaste majorité de l’ère industrielle. Comme on peut s’y attendre, les niveaux de CO2 ont largement augmenté au cours du siècle dernier, le charbon, le pétrole et le gaz naturel ayant été brûlés en d’immenses quantités. Les récents chiffres du CO2 — qui comprennent l’industrialisation ultra-rapide de la Chine et de l’Inde — donnent des graphiques qui s’accélèrent à la hausse.
– Wake a également fait référence aux mesures effectuées en Antarctique dans des strates de glace remontant à 420 000 ans, analysées par des scientifiques russes, européens et américains. Leur conclusion, c’est que les niveaux de CO2 ont radicalement augmenté au cours du siècle dernier, atteignant des niveaux qu’on n’avait atteints, en comparaison, qu’au cours des périodes interglaciaires les plus chaudes du dernier demi-million d’années. Cela a contribué à un schéma régulier de réchauffement en surface — sur terre et sur mer. Il y a eu des altérations climatiques mesurables dans le monde entier — dont une augmentation notable de la fonte des glaces au Groenland et en Antarctique. Donc, cher lecteur, "les changements climatiques" ne sont pas une théorie du complot. Ils sont scientifiquement démontrables.
– Les recherches de Wake sur le climat de Nouvelle-Angleterre et du Canada ont démontré un lien entre l’augmentation du CO2 et celle de la température, et une augmentation de la fréquence des événements météorologiques "extrêmes", comme des sécheresses suivies de périodes plus intenses de pluies ou de neige. Cela a des implications inquiétantes pour l’agriculture, les forêts, les inondations, la gestion de crise et la sécurité publique en général.
** Dan Schrag, professeur de géologie à Harvard, a pris la relève de Wake. Schrag, géochimiste de formation, a noté que les niveaux de CO2 augmentent rapidement à cause d’actions humaines, pour atteindre des niveaux que la Terre n’a plus vus depuis près de 30 millions d’années. A l’époque, il n’y avait pas de calottes polaires, et des fougères et des crocodiles prospéraient là où on ne trouve plus que de la glace aujourd’hui. Le niveau de la mer était approximativement six mètres plus élevé qu’aujourd’hui — toute cette eau étant désormais gelée dans la banquise, sans compter le "rétrécissement thermique" des océans du monde provoqué par les températures actuelles, relativement plus fraîches.
– L’immense problème, avec tout ça, est que l’espèce humaine altère fondamentalement la nature de l’atmosphère terrestre depuis un siècle environ, changeant un système naturel qui a évolué durant des centaines de milliers — voire des millions — d’années.
– Cela constitue une expérience irréversible avec l’atmosphère terrestre, à l’échelle planétaire. "Oui", déclare Schrag, "la science n’a pas de certitudes concernant bon nombre de choses en train de se produire. Mais la majeure partie de ce que nous savons sur ces changements rapides est dangereuse". Si le niveau des océans grimpait de quelques dizaines de centimètres — ce qui pourrait se produire dans seulement 20 ans, si les banquises du Groenland fondaient — cela rendrait d’immenses portions de terrains côtiers inhabitables à cause des marées. Schrag pense que les glaces du Groenland finiront par fondre, et ce sera sans doute plutôt tôt que tard. A moins que vous ne soyez déjà relativement âgé, cela se produira probablement de votre vivant. Bien entendu, les choses pourraient être pires encore, selon la manière dont interagissent un grand nombre de systèmes naturels dynamiques reliés les uns aux autres.
– Schrag a noté que le RP et les changements climatiques représentaient plus qu’un problème écologique. C’est aussi un sujet critique en matière d’économie et de sécurité. C’est d’une telle importance que cela en dépasse les clivages politiques ; selon Schrag, le RP deviendra (ou devrait certainement devenir) un sujet majeur pour les campagnes présidentielles à venir.
– Y a-t-il une solution au problème du réchauffement planétaire ? Certainement pas à court terme, et probablement pas à moyen terme. L’économie et la politique ont pris trop de vitesse pour que l’humanité arrête — sans parler de renverser — les tendances à utiliser de plus en plus d’énergies fossiles.