** Cette semaine, cher lecteur, votre correspondante est en séminaire dans un château normand. J’en profite pour échanger des idées avec mes collègues de la version britannique de MoneyWeek… discuter avec Bill Bonner de l’avenir de la planète… et accessoirement goûter quelques vins bien choisis.
Mais tout cela ne me laisse guère de temps pour rédiger une Chronique digne de ce nom ; pour cette semaine, je vous laisse donc en compagnie d’Addison Wiggin, avec un petit extrait de son dernier livre, Le déclin du dollar — qui me semble assez opportun alors que le dollar est à nouveau pris de faiblesse. Bonne lecture…
** La base d’une devise — une devise en tant que moyen de commerce — est fondée sur une valeur tangible. En d’autres termes, une devise ne se résume pas aux billets que nous transportons dans notre portefeuille ; elle est censée représenter l’or, ou tout autre métal, auquel elle est adossée. Le dollar, par exemple, est un billet à ordre. Il suffit de regarder ce qu’il y a écrit sur le billet lui-même : "Note de la Réserve Fédérale".
Aujourd’hui, les dollars américains en circulation ne sont qu’un gigantesque tas de reconnaissances de dettes. Cela ne poserait aucun problème si des réserves d’or étaient entreposées à Fort Knox pour garantir ces titres… ce qui n’est pas le cas. Les autorités américaines continuent d’imprimer de plus en plus d’argent, et cela finira par avoir des conséquences. Le jour viendra où les Américains devront rembourser ces dettes, non seulement au niveau national mais aussi aux investisseurs étrangers, qui ne cessent de se multiplier.
Nous pouvons regarder l’or de plusieurs manières : comme la base d’une valeur solide pour les actifs, ou en tant qu’investissement tangible avec son propre marché offre/demande. De nos jours, beaucoup de gens évitent l’or à cause des mouvements de cours spectaculaires qui se sont produits entre 1971 et 1980. Ces montagnes russes ont eu lieu suite à deux événements importants et décisifs. En 1971, le président Nixon a abandonné le système de l’étalon-or pour les Etats-Unis (ce qui signifiait qu’on pouvait imprimer autant d’argent qu’on voulait, n’est-ce pas ?). Puis, en 1974, le président Gerald Ford élimina une restriction de 40 ans sur le droit des Américains à posséder de l’or.
Revenons en arrière, en 1933, année où la Grande dépression a provoqué une sévère pénurie d’or. Le Emergency Banking Relief Act de 1933 avait été voté pour "fournir un soulagement à l’urgence nationale du secteur bancaire et pour d’autres objectifs"…
La loi exigeait de tous les citoyens qu’ils échangent leurs pièces et leur monnaie en or contre des notes de la Réserve fédérale. Tout refus de restituer son or entraînait une amende de 10 000 $ et 10 ans de prison. Ces mesures exceptionnelles visaient à empêcher le grand public de stocker de l’or physique. La solution était simple : rendre illégale la possession d’or directe. Mais comme souvent lorsqu’un gouvernement agit en urgence, cette loi capitale fut la pierre qui déclencha l’avalanche qui menace d’engloutir le dollar aujourd’hui.
Une fois que Nixon eut retiré le dollar de l’étalon-or et que Ford eut éliminé la restriction sur la possession d’or, le prix grimpa en flèche depuis les 35 $/once réglementaires à l’époque. Le cours atteignit un sommet à plus de 800 $ en janvier 1980, avant de retomber rapidement ; il finit par atteindre 253 $ en 1999, son plancher. La hausse et la chute qui a suivi ont été causées par des interventions gouvernementales sur une période de 40 ans. Nous devons envisager ces mouvements de cours comme des réactions excessives à la relation or-devise dans son ensemble.
Le 31 janvier 2007, l’or atteignit les 936 $ l’once, grimpant une fois encore, non pas en mode "réaction excessive", mais — enfin — en mode "marché". Etant donné la situation et la tendance économiques actuelles, il faut considérer l’or en tant qu’investissement défensif solide. Voici quatre arguments convaincants :
1. Le déficit commercial. Le surplus commercial enregistré par les Etats-Unis il y a quelques années a disparu. Est-ce une coïncidence si le passage du surplus au déficit s’est produit en 1977 ? Après des décennies d’excédents solides pour la balance commerciale, tout a changé quelques années seulement après l’élimination de l’étalon-or. Il y a là quelque chose de troublant : dans la mesure où la Fed est libre de décider combien d’argent elle imprime, cela signifie que les reconnaissances de dette des Etats-Unis, en croissance constante, valent de moins en moins. Les jours où la devise était garantie par l’or sont terminés, et les Etats-Unis sont devenus l’équivalent d’un joueur effréné, ivre et qui exige de plus en plus de crédit pour continuer à jouer alors qu’il est en train de perdre. N’ignorons pas la réalité historique : lorsque la valeur du dollar chute, celle de l’or grimpe. A mesure que le déficit commercial US se creuse et que la Fed continue à imprimer des reconnaissances de dettes, leur valeur décline. Plus on met de devise en circulation, plus elle est diluée et plus la situation s’aggrave. Mais pour l’or, ce sont de bonnes nouvelles.
2. Le déficit budgétaire. Où le gouvernement américain obtient-il tout l’argent qu’il continue de dépenser ? Le déficit budgétaire de 759 milliards de dollars dépend des taux d’intérêt incroyablement bas qui constituent le cœur de la politique monétaire de la Fed. Que se passera-t-il lorsque les taux commenceront à grimper ? Chaque année, les dépenses déficitaires ne font qu’augmenter la dette nationale, et cela signifie que le budget lui-même sombre de plus en plus profondément. Qui paiera tous ces intérêts, à l’avenir ? Les calculs ne sont pas encourageants. Plus la dette est élevée, plus les intérêts sont lourds. Et plus les taux d’intérêts sont élevés, plus l’impact est grand sur le contribuable.
3. Une offre mondiale limitée. L’or est une matière première limitée, contrairement à la devise. Tant que la Fed a accès à la planche à billets, elle peut continuer à injecter de l’adrénaline dans l’économie. L’or, par contre, est une véritable monnaie dans tous les sens du terme ; sa valeur est plus grande parce qu’il est en quantité limitée. C’est la différence la plus importante entre une devise et de la monnaie. A présent que les Etats-Unis ne font plus partie de l’étalon-or, la Fed pense pouvoir ignorer la valorisation de sa devise et s’en tirer avec un système basé sur "la confiance et le crédit". En tant qu’investissement, le dollar devient de plus en plus suspect. En comparaison, alors que les problèmes du dollar s’aggravent, l’or deviendra de plus en plus précieux, grâce à sa quantité limitée. La cause et l’effet — voilà ce qui nourrit les valorisations des marchés. Le dollar chute, l’or grimpe. C’est inévitable.
4. La valeur de l’or en tant que monnaie. La plupart des gens peuvent apprécier la différence entre une reconnaissance de dette et de l’argent. Si votre patron vous tendait une reconnaissance de dette à la fin du mois, vous ne seriez pas ravi. Vous préféreriez pouvoir encaisser un chèque et utiliser l’argent ainsi obtenu. Or dans les faits, le dollar est une reconnaissance de dette, et les Américains échangent tous ces reconnaissances comme une devise sans véritable base solide. Nous verrons de plus en plus de banques centrales du monde entier acheter de l’or en échange de dollars. Cette hausse graduelle de la demande aura pour impact inévitable d’augmenter la valeur marchande de l’or. Jusqu’où pourra-t-il grimper ? Seul l’avenir nous le dira, mais l’affaiblissement du dollar est encourageant pour le futur marché aurifère.