Le professeur Pascal Salin écrivait en 1998 pour le Journal des économistes et des études humaines : « il y a un contraste étonnant entre le caractère spontané de l’étalon-or — tout au moins celui des origines — et l’effroyable machinerie administrative qui a été mise en marche pour introduire cette monnaie constructiviste qu’est l’Euro : des milliers de rapports, de réunions d’experts ou d’hommes politiques, de séminaires entourent la naissance de l’Euro, alors que personne ne peut dater le lancement de l’étalon-or, ne peut évoquer une quelconque réunion de quelconques chefs d’Etat pour introduire cette monnaie. »
15 années se sont écoulées depuis l’introduction de l’euro le 1er janvier 2002. La monnaie unique a connu depuis plusieurs turbulences au point de voir son existence remise en question. La crise financière puis celle des dettes souveraines ont été imputées à un manque de gouvernance. En conséquence de quoi l’action publique à l’échelle supranationale s’est considérablement renforcée.
Plusieurs mécanismes se sont mis en place au nom de la survie de la monnaie unique : le semestre européen (un cycle de coordination des politiques budgétaires et économiques), le pacte budgétaire européen (TSCG) officiellement destiné à coordonner la réduction des déficits, le Fonds européens de stabilité financière (FESF) devenu plus tard le Mécanisme européen de stabilité (MES) (cette institution à l’ambition de s’ériger en une sorte de FMI européen), l’Union bancaire censée organiser plus efficacement les faillites sans oublier enfin la Banque centrale européenne dont le rôle a particulièrement été accru durant ces dernières années.
Tant d’efforts pour une monnaie !
Les partisans de l’euro nous expliquent que toute cette architecture administrative est indispensable à l’intégration monétaire du vieux continent. C’est oublier que les Européens n’ont pas attendu toute la clique des eurocrates de la deuxième moitié du XXème siècle pour former un espace de civilisation et échanger sur la base de monnaies communes.
Avant la Première Guerre mondiale, le commerce international fonctionnait sur la base des métaux précieux et plus précisément sur l’étalon-or. La mondialisation des métaux précieux n’a pas été le fruit de la planification d’une quelconque élite politique. L’importance des métaux précieux s’est révélée au cours d’un lent processus d’essais et d’erreurs jusqu’à ce que les êtres humains les sélectionnent spontanément pour les qualités qui confèrent à ces biens une liquidité exceptionnelle.
[NDLR : Dans la nouvelle crise qui s’annonce, l’or est amené à retrouver son rôle d’assurance. Mais quel or détenir, quelles pièces choisir ? La réponse est moins évidente qu’il n’y paraît. Découvrez LA pièce idéale à posséder en cas de crise en cliquant ici.]
Pas plus que le commerce international ne nécessitait à l’époque une banque mondiale, l’Europe n’avait pas besoin d’une banque centrale européenne, d’une Union bancaire et on-ne-sait-quelle-autre usine à gaz. Le commerce international n’avait besoin que d’une seule chose : que les gouvernements s’abstiennent d’interférer avec la liberté de commerce, la même qu’ils ont fini par anéantir après deux guerres mondiales.
Les nouvelles technologies appliquées à la finance et à la monnaie confirment l’inexactitude des théories qui soutiennent que l’intégration économique du continent doit nécessairement s’accompagner d’une centralisation politique. Le Bitcoin n’est certes pas exempts de défauts mais la technologie blockchain au centre de son fonctionnement constitue une preuve parmi d’autres qu’il est possible d’effectuer des transactions à travers le monde sans recourir à l’assistance d’un expert, d’un banquier central ou d’un ministre de l’économie qui vous explique que le monde ne tournerait plus sans lui.
L’euro n’a que 15 ans mais les nombreux dispositifs bureaucratiques présentés comme indispensables à sa survie font penser à un grand malade qu’il faudrait sans cesse mettre sous respiration artificielle pour éviter qu’il ne trépasse en moins de deux secondes. Jamais de tels instruments ont été nécessaires à l’expansion des échanges marchands. Pourquoi serait-ce le cas aujourd’hui ?