Et si les Etats-Unis suivaient, à leur tour, le chemin des grandes puissances déchues de l’Histoire ?
Mentionner l’intégrité, l’honnêteté ou l’intelligence en compagnie d’un « politicien » suscite invariablement le rire.
Et pour autant que nous le sachions, aucun programme gouvernemental n’a jamais mérité autre chose que des moqueries. De la même manière, aucun empire – aussi puissant ait-il été – n’a jamais échappé à ce dernier rire amer qui annonce sa fin.
Depuis le début du siècle, en 2001, la trajectoire du gouvernement américain suit une pente ininterrompue. Les déficits – tant commerciaux que budgétaires – se sont aggravés d’année en année. La dette fédérale a explosé, tout comme le coût du maintien de l’empire.
La dette « nationale » des Etats-Unis est passée de moins de 6 000 milliards de dollars en 2000 à plus de 37 000 milliards de dollars aujourd’hui. Le déficit commercial américain vient lui aussi d’atteindre un nouveau record, s’élevant à 1 100 milliards de dollars au cours des douze derniers mois, soit dix fois plus qu’en 2000.
Et désormais, partout dans le monde, les peuples préparent leurs ricanements méprisants. La fin du puissant empire américain semble poindre à l’horizon. La fin du puissant empire américain se profile.
Nombreux sont ceux qui reprochent à Donald Trump d’être trop « perturbateur ». Mais les tendances qui mènent inévitablement au chaos et à la crise se poursuivent… au point d’être irréversibles.
« Toute grande puissance qui dépense davantage pour le service de sa dette – c’est-à-dire le paiement des intérêts – que pour sa défense, écrit l’historien Niall Ferguson, ne peut espérer rester grande très longtemps. Ce fut vrai pour l’Espagne des Habsbourg, vrai pour la France de l’Ancien Régime, vrai pour l’Empire ottoman, vrai pour l’Empire britannique… et cette loi est sur le point d’être mise à l’épreuve par les États-Unis, dès cette année même. »
Et voici les dernières nouvelles rapportées par Charlie Bilello :
« Le gouvernement américain consacre désormais plus d’argent au paiement des intérêts de la dette nationale (1,11 trillion de dollars) qu’à la défense nationale (1,10 trillion de dollars). »
Et pourtant, la majorité reste convaincue que les leçons du passé ne s’appliquent plus… ou que les décisions politiques les plus récentes parviendront à enrayer le cours de l’Histoire.
C’est sur cette croyance qu’une nation entière – 330 millions de personnes – soutient la guerre commerciale de M. Trump, alors que toutes les preuves disponibles, tant théoriques qu’empiriques, suggèrent que ce sera un fiasco total.
Et jusqu’à présent, c’est le cas.
L’armistice britannique de la guerre commerciale a produit le résultat le plus remarquable. L’année dernière, 80 milliards de dollars de produits américains ont été vendus au Royaume-Uni, contre seulement 68 milliards de dollars d’exportations vers les Etats-Unis. Quel sens cela avait-il de cibler un pays avec lequel on a un excédent de 12 milliards de dollars ?
Mais désormais, au nom de « l’équité », les consommateurs américains devront débourser 6 milliards de dollars supplémentaires chaque année (selon Howard Lutnick, sur la base des nouveaux droits de douane de 10%) pour continuer à acheter des produits fabriqués au Royaume-Uni. Pendant ce temps, la taxe imposée sur les produits américains à destination du Royaume-Uni ne sera que de 1,8%.
Passons à la Chine. Voici ce qu’en dit Byron King :
« Malgré les effets d’annonce, les discours musclés et la rhétorique guerrière, l’administration Trump s’est engagée sur un terrain truffé de pièges.
Les tarifs douaniers imposés à la Chine ont révélé que de nombreux problèmes américains trouvent leurs racines dans une politique intérieure toxique, et dans une réalité industrielle et scientifique implacable.
Appelez cela comme vous voulez, mais les Etats-Unis viennent de subir une défaite stratégique… auto-infligée. »
Après sa « guerre commerciale du jour de la Libération », Trump a sagement compris que seuls des accords négociés pouvaient éviter l’effondrement du marché boursier.
Dans chaque cas, il s’est donc empressé de conclure un accord plus raisonnable, puis de proclamer une grande victoire.
Mais à ce jour, il ne s’agit nullement de « victoires » – à moins de considérer qu’on gagne quelque chose en arrêtant de se cogner la tête contre un mur.
La Chine peut toujours vendre ses gadgets aux Etats-Unis, moyennant des droits de douane de 30%. Cela signifie, en substance, que les consommateurs américains paieront désormais 30% de plus pour leurs produits fabriqués en Chine, tandis que les usines de ces mêmes produits resteront là où elles sont en Chine.
Même avec une pénalité de 30%, la majorité des importations chinoises se poursuivront. Les industries chinoises sont plus vastes et plus compétitives que celles des Etats-Unis, et la main-d’oeuvre chinoise reste bien moins coûteuse.
A titre de comparaison, sur la base du salaire minimum, un ouvrier non qualifié à Shanghai gagne moins de 4 dollars de l’heure, contre 17 dollars à Washington, D.C. Cette différence s’explique en grande partie par le fait que la Réserve fédérale américaine a artificiellement gonflé les salaires – comme tout le reste – tout en autorisant une explosion de la dette, dont une part importante a servi à financer l’achat de biens produits à l’étranger.
Certes, la main-d’oeuvre ne représente en moyenne qu’environ 24% du coût des marchandises vendues. Mais la Chine bénéficie en plus de chaînes d’approvisionnement bien plus étendues et économiques, pour quasiment toutes les matières premières et intrants industriels.
Bien entendu, nous ne recevons pas plus tôt que les autres les nouvelles du lendemain.
Tout ce que nous faisons, c’est essayer d’extrapoler les modèles du passé vers l’avenir. Les empires finissent toujours par tomber, par exemple. Ils doivent donc trouver une manière de disparaître – en rugissant… ou en gémissant.
Dans le cas présent, Trump hurle à la lune, et perturbe presque tout… sauf ce qui aurait le plus besoin d’être perturbé.