La Chronique Agora

La situation en Ukraine s’envenime

Si cette guerre ne s’arrête pas rapidement, nous pourrions nous retrouver avec des retombées nucléaires.

Beaucoup de gens semblent avoir oublié la guerre en Ukraine. C’est une erreur.

La Russie est en train de vaincre lentement mais sûrement l’Ukraine, ce qui devient de plus en plus évident pour la majorité du monde, à l’exception des plus irréductibles anti-russes.

Cela désespère les élites occidentales, déterminées à arrêter la Russie d’une manière ou d’une autre. Dans leur esprit, ils ne peuvent tout simplement pas laisser Poutine gagner. Ils pensent que si Poutine gagne en Ukraine, il s’attaquera ensuite aux Etats baltes, à la Pologne et à d’autres pays. Cette crainte a été confirmée par les récentes menaces d’Emmanuel Macron, qui s’est dit prêt à envoyer des troupes en Ukraine.

Le vice-président de la Douma russe, Piotr Tolstoï (descendant du grand écrivain russe Léon Tolstoï), a averti que les troupes françaises seraient des cibles prioritaires pour les forces russes si elles entraient en Ukraine.

Même si la France envoie des troupes indépendamment de l’OTAN, cela nous mettrait sur une voie dangereuse, qui pourrait mener finalement à un conflit direct entre l’OTAN et la Russie. Et ce conflit pourrait aboutir à une guerre nucléaire.

Tolstoï a ajouté qu’il ne faudrait que « deux minutes pour bombarder Paris ». Il n’est pas difficile d’imaginer à quelle vitesse la situation pourrait dégénérer si la France décidait d’envoyer des troupes en Ukraine.

Plus d’escalade

Pendant ce temps, l’OTAN se prépare à envoyer des F-16 en Ukraine. Les aérodromes ukrainiens sont très vulnérables aux attaques russes, d’autant plus que les défenses aériennes de l’Ukraine sont très affaiblies et que l’armée de l’air russe est de plus en plus active en Ukraine.

Mais si l’OTAN autorise les F-16 à être basés sur ses propres bases aériennes, Poutine a averti que ces aérodromes deviendraient une « cible légitime » si des frappes contre les forces russes étaient lancées à partir de ces bases.

Par ailleurs, la Russie dispose de missiles hypersoniques que l’OTAN n’est pas en mesure d’abattre, ce qui veut dire que ces attaques seraient probablement couronnées de succès. Bien entendu, l’OTAN riposterait. Vous pouvez vous imaginer où tout cela pourrait mener.

Nous sommes déjà bien haut sur l’échelle de l’escalade. Et plus on monte, plus on risque de perdre la face si l’on recule. J’ai mis en évidence les risques de tout cela dès le début de la guerre.

Mais l’idée que la Russie représente une menace existentielle pour l’OTAN ou l’Europe est absurde.

Poutine n’a rien à gagner et tout à perdre

Tout d’abord, la théorie selon laquelle Poutine envahira d’autres pays s’il gagne en Ukraine est absurde. L’armée russe ne dispose ni des hommes ni du matériel nécessaires pour occuper l’Ukraine tout en envahissant d’autres pays.

Il ne s’agit pas de l’Union soviétique, avec ses énormes armées de chars prêtes à déferler sur l’Europe occidentale. De plus, le communisme soviétique est mort depuis longtemps ; la Russie ne dispose d’aucune base idéologique pour envahir l’Europe. De nos jours, la Russie est une nation chrétienne orthodoxe et conservatrice.

Mais surtout, Poutine n’a absolument aucune raison d’envahir ces pays qui sont membres de l’OTAN. Qu’ont-ils, qu’il voudrait envahir ?

Tout ce qu’il ferait, c’est déclencher l’article 5 de la charte de l’OTAN, qui stipule qu’une attaque contre un membre est une attaque contre tous, ce qui entraînerait une réponse massive de l’OTAN. A ce moment-là, on foncerait vers une guerre nucléaire.

Poutine en est parfaitement conscient.

Les alarmistes aiment rappeler ce que Poutine a dit, un jour, dans un discours : « Quiconque ne regrette pas l’Union soviétique n’a pas de coeur. »

Ils y voient la preuve qu’il veut recréer l’Union soviétique. Mais ils omettent commodément ce qu’il a dit ensuite : « Celui qui souhaite son retour n’a pas de tête. »

Quoi que vous pensiez de Poutine, il est certain qu’il possède une tête. Il n’a aucunement l’intention de restaurer l’Union soviétique.

Il ne s’agit pas seulement d’intentions

Mais comme toute grande puissance, la Russie a des intérêts et l’Ukraine a toujours été un intérêt stratégique vital pour la Russie.

La Russie ne tolérera pas que l’Ukraine rejoigne l’OTAN qui lui est hostile. Ses détracteurs affirment que l’Ukraine est une nation libre et indépendante qui peut adhérer à l’OTAN si elle le souhaite. La Russie n’a pas son mot à dire en la matière, même si l’Ukraine est limitrophe de la Russie.

Je suppose qu’ils n’ont jamais entendu parler de la doctrine Monroe. Les Etats-Unis ont déclaré que l’ensemble de l’hémisphère occidental était leur domaine. Mais une grande puissance comme la Russie ne peut pas avoir son mot à dire dans son propre jardin ?

Les critiques affirment également que l’idée d’une invasion de la Russie par l’OTAN est ridicule. Ce n’est que de la paranoïa russe. Et c’est vrai, l’OTAN ne va pas réellement envahir la Russie. Mais il n’y a pas que les intentions qui comptent dans le monde de la géopolitique. Il y a aussi les capacités.

Comme l’a fait remarquer Bismarck : « Ce qui compte en politique, ce sont les capacités et non les intentions. Les intentions changent, les capacités restent. »

Compte tenu de la longue histoire de la Russie en matière d’invasions, il n’est pas difficile d’imaginer qu’elle puisse être un peu paranoïaque face aux menaces extérieures.

Si vous regardez une carte, certaines parties de l’Ukraine se trouvent en fait à l’est de Moscou.

Source : The Economist

Les Etats-Unis vont-ils poursuivre la guerre ?

Bien sûr, l’Ukraine ne peut pas continuer à se battre sans l’aide des Etats-Unis. La Maison-Blanche veut donner 60 milliards de dollars d’argent frais à l’Ukraine pour combattre la guerre. Cette somme s’ajouterait aux centaines de milliards déjà versés.

Cette proposition a été faite l’été dernier, mais elle est restée bloquée au Sénat et à la Chambre des représentants depuis lors. La Chambre a adopté un projet de loi distinct pour aider Israël à l’automne dernier, mais le Sénat a refusé de l’examiner parce qu’il voulait lier cette aide à l’argent destiné à l’Ukraine.

Le Sénat a adopté un projet de loi visant à fournir une aide à l’Ukraine, à Israël et à Taïwan dans un seul et même paquet, ainsi que des fonds pour une sécurité frontalière factice.

Ce projet de loi était tellement impopulaire qu’il n’a même pas pu sortir du Sénat. La Chambre des représentants a ensuite insisté pour que les crédits ordinaires soient votés, avant de se pencher sur la question de l’Ukraine.

Ce processus s’est achevé le 23 mars, mais le Congrès est maintenant en vacances de Pâques pour deux semaines, ce qui veut dire que rien ne se passera avant la mi-avril. Personne n’a encore répondu à la question la plus importante, à savoir ce que l’Ukraine ferait avec cet argent.

Elle ne peut pas acheter les obus d’artillerie de 155 mm dont elle a tant besoin, car les arsenaux occidentaux sont vides et les usines ne sont pas équipées pour en fabriquer plus d’une poignée. Il faudra des années pour développer cette capacité de production.

Vous pouvez entrer dans un magasin avec un portefeuille rempli de billets de 100 dollars, mais si les rayons sont vides, cela ne vous servira à rien. Les produits ne sont tout simplement pas là.

Pendant ce temps, les armes merveilleuses de l’Occident, telles que les chars, les missiles de croisière, les véhicules blindés de transport de troupes, l’artillerie à guidage de précision HIMARS et les batteries antimissiles, ont toutes été détruites, mises hors service ou abattues par la Russie.

La guerre en Ukraine n’a pas fait de bonne publicité pour les armes occidentales.

Les retombées

Pour répéter ce que j’ai dit précédemment, l’Ukraine est en train de perdre gravement la guerre. La Russie avance sur les fronts sud et est de l’Ukraine.

La pression exercée sur le président de la Chambre des représentants, Mike Johnson, pour qu’il fasse quelque chose, ne faiblit pas. Les bellicistes républicains du Sénat, comme Lindsey Graham et Joni Ernst, ne lâcheront pas le morceau. De nombreux républicains de la Chambre des représentants, tels que Chip Roy et Marjorie Taylor Greene, s’opposent à M. Johnson sur cette question.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, Johnson pourrait répondre à la pression par une solution encore pire. Il pourrait soutenir les efforts visant à voler 300 milliards de dollars d’actifs de la banque centrale russe détenus sous forme de titres du Trésor américain.

Cela détruirait la confiance dans le dollar américain, les titres du Trésor américain et l’Etat de droit américain. La Russie récupérerait rapidement la perte en saisissant 300 milliards de dollars ou plus d’actifs occidentaux encore en Russie. Aucun membre du Congrès ne semble comprendre tout cela.

S’ils vont jusqu’au bout, les retombées économiques seront déjà assez graves. Mais si cette guerre ne s’arrête pas rapidement, nous pourrions nous retrouver avec des retombées nucléaires.

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