La Chronique Agora

Sur la route du chaos budgétaire

Schilderwald auf Straße in Berlin

Déficits infinis, planche à billets, crédit privé étranglé… les Etats-Unis foncent vers la faillite, sous couvert de relance.

« Nous allons devoir engager une sorte de vaste réaménagement de l’économie mondiale. J’aimerais y prendre part. J’ai étudié la question. » – Scott Bessent, secrétaire américain au Trésor

Les dés sont jetés. L’accord est scellé. Les Etats-Unis sont en route vers la faillite nationale !

« Trump décroche un large changement de cap en matière de politique économique, grâce à l’adoption par la Chambre des représentants de son projet de loi fiscale. »

Des déficits à perte de vue… suivis de la planche à billets, de l’inflation et du chaos – tout cela est quasiment garanti.

Mais attendez. Scott Bessent est censé être « l’adulte responsable » dans la pièce. Il a soutenu John McCain, puis Barack Obama et Hillary Clinton. Et aujourd’hui, le voilà derrière Donald Trump.

Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il prépare ?

Nous n’en savons rien. Ce que nous savons, en revanche, c’est que les justifications avancées pour cette grande et belle abomination budgétaire sont absurdes. On prétend qu’elle « stimulera » l’économie en générant une telle croissance que la dette deviendra insignifiante. « Nous allons connaître une croissance comme jamais auparavant », promet le président.

Nous savons bien que cela ne fonctionnera pas. L’économie américaine a déjà bénéficié de plus de plans de relance au cours de ce siècle que jamais auparavant, et pourtant, les taux de croissance du PIB restent à peine à la moitié de ceux enregistrés dans les années 1950 et 1960.

Nous avons déjà établi que les dépenses publiques amoindrissent la richesse réelle. Bessent ne peut pas l’ignorer. Aujourd’hui, voyons ce qui se passe quand l’Etat prétend stimuler le PIB, en tentant de doper la croissance du secteur privé.

Le programme BBBA – dont Scott Bessent est à l’origine – ressemble fort au programme japonais des « Three Arrows » (trois flèches) mis en place en 2013.

A l’époque, les trois flèches devaient relancer l’économie japonaise après vingt ans de stagnation. Le plan ? Augmenter les dépenses publiques, abaisser les taux d’intérêt (donc alourdir la dette) et pratiquer l’assouplissement quantitatif (autrement dit, faire tourner la planche à billets). Les flèches ont été décochées en 2013. Depuis, exprimée en dollars, l’économie japonaise a perdu près d’un tiers de son PIB.

(Un petit détail, au passage : Scott Bessent, aujourd’hui secrétaire américain au Trésor, a travaillé comme gestionnaire de fonds pour George Soros. En 2013, il a misé gros sur la baisse du yen – une opération qui aurait rapporté quelque 1,2 milliard de dollars de bénéfices en seulement 90 jours.)

Pendant des années, les économistes se sont demandé comment le Japon parvenait à continuer d’emprunter, de dépenser et d’accumuler la plus importante dette publique du monde, alors même que son économie se contractait. Aujourd’hui, nous savons qu’il n’a pas pu tenir indéfiniment. Le Japon fait désormais face à une crise du crédit. Sa dette publique atteint deux fois et demie la taille de son PIB… et le coût de l’endettement ne cesse de grimper.

Global Financial Market Review rapporte :

« Les rendements des obligations japonaises atteignent leur plus haut niveau depuis seize ans alors que la vague de liquidations s’intensifie à l’échelle mondiale. »

Lorsqu’un Etat cherche à « stimuler » l’économie en augmentant ses dépenses – autrement dit, en creusant ses déficits –, le résultat est plus proche d’une destruction que d’une création de richesse. Les ressources s’envolent dans des dépenses improductives, peu rentables, souvent mal orientées. Les pouvoirs publics n’ont pas réellement les moyens de savoir si leurs programmes ont une véritable valeur ajoutée, et, en réalité, cela leur importe peu. Même lorsque les objectifs affichés sont louables, ils restent incapables de maîtriser les coûts ou de mettre en oeuvre ces projets efficacement.

Et plus une société consacre ses ressources aux lubies de l’Etat fédéral, moins il en reste pour le reste. Aux Etats-Unis, les emprunts publics évincent désormais presque totalement le crédit privé : l’épargne privée ne représente qu’environ 7 % du PIB, tandis que les déficits du gouvernement américain – eux aussi proches de 7 % du PIB – en absorbent la quasi-totalité.

Il en découle un manque d’investissement productif et un ralentissement général de la production utile, dans l’ensemble de l’économie. Les dépenses publiques ne nous rendent pas plus riches, même lorsque le travail est confié à des entreprises privées. Ces dernières peuvent certes fournir des biens et des services tout en engrangeant des bénéfices ; il ne fait aucun doute que Krupp, BMW ou I.G. Farben ont gagné beaucoup d’argent pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais se faire l’instrument du diable ne profite pas vraiment au bien-être général, même lorsqu’il est bien fait.

Outre l’explosion des dépenses, le programme de Scott Bessent comporte deux autres « flèches » : la réduction de la réglementation étatique et la baisse des taux d’intérêt. En théorie, cela devrait permettre au secteur privé de prospérer et de produire ce que les gens désirent vraiment… en générant des profits. Mais il y a un hic.

Le cycle impérial a déjà atteint un stade bien avancé. Les élites n’ont jamais eu autant de pouvoir – et elles n’ont aucune intention d’y renoncer. Républicains comme démocrates adhèrent désormais au credo de l’offre et de l’abondance, mais seulement dans la mesure où cela sert leurs propres intérêts. Ils ne suppriment pas les réglementations de façon à libérer réellement l’économie dans son ensemble.

Au contraire, ils favorisent certains secteurs et en pénalisent d’autres. Les républicains, par exemple, allègent la réglementation pour l’industrie pétrolière – afin qu’ils puissent forer un maximum – mais veulent ensuite contrôler qui vend le pétrole, à qui, et à quel prix. Les démocrates, eux, promettent de lever certaines contraintes pour construire des voies ferrées, des centrales « durables » et des « logements abordables ». Mais ils compensent aussitôt en durcissant les règles environnementales, immobilières ou sociales.

Le Wall Street Journal illustre parfaitement ce « gouvernement des hommes » – à l’opposé d’un « gouvernement des lois » – qui a dégénéré :

« M. Trump et ses conseillers ont déclaré qu’ils envisageaient de nouveaux droits de douane sur les pièces destinées aux éoliennes et qu’ils pourraient ralentir l’octroi de permis pour certains projets d’énergie renouvelable, selon des parlementaires. Cette offre visait à apaiser les républicains, mécontents que le Sénat ait accordé aux projets éoliens et solaires plus de temps pour démarrer la construction avant de perdre leur éligibilité aux crédits d’impôt. »

En d’autres termes, l’Etat fédéral reste omniprésent. Planification centrale, réglementations ou déréglementations sur mesure… tout est pensé pour produire des résultats précis – jamais pour laisser chacun poursuivre son bonheur à sa façon, avec son propre argent.

Dans notre prochain article, nous nous pencherons sur la troisième « flèche » du grand pari de Bessent : la baisse des taux d’intérêt.

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