Toutes les grandes simulations de guerre entre les Etats-Unis et la Russie débouchent sur un conflit nucléaire… Y sommes-nous vraiment préparés ?
Il y a deux semaines, le Congrès a promulgué (et le président Biden a signé) quatre lois clés concernant la sécurité nationale.
Trois de ces projets de lois ont pour objectif de fournir de l’aide à l’Ukraine, à Israël et à Taïwan. Ce sont ceux qui ont le plus attiré l’attention du public. En revanche, parmi les projets qui ont le moins suscité d’intérêt, se trouve un ensemble de dispositions, dont l’interdiction forcée de TikTok aux Etats-Unis.
Il y a également la loi REPO, qui autorise le président à saisir (ou à voler) n’importe quel actif russe, y compris les titres du Trésor américain, qui relèvent de la juridiction américaine.
L’impact de la loi REPO est limité par le fait que seuls quelque 10 milliards de dollars d’actifs souverains russes se trouvent actuellement sous la juridiction des Etats-Unis. Pourtant, la loi prévoit que ce vol ne sera en réalité qu’un acompte sur un vol beaucoup plus important, effectué par les alliés de l’OTAN en Europe.
On estime que 290 milliards de dollars d’actifs souverains russes sont détenus en Europe. La loi stipule que les actifs volés par les Etats-Unis vont contribuer au fonds commun pour l’Ukraine.
Les Etats-Unis seront sans aucun doute la voix la plus puissante dans l’administration de ce fonds commun de 290 milliards de dollars. L’objectif des Etats-Unis est d’utiliser le sommet du G7 dans les Pouilles, qui aura lieu du 13 au 15 juin, comme plateforme pour pousser les autres membres du G7 à approuver le fonds commun pour l’Ukraine, et s’emparer de tous les actifs russes qui se trouvent sous leur juridiction.
Ces gens pensent-ils réellement que la Russie va simplement accepter cet acte de vol sans riposter ?
« Imagerie miroir »
L’un des problèmes persistants dans l’analyse du renseignement est ce que les experts appellent « imagerie miroir ». Il s’agit d’un terme employé pour désigner un flux analytique dans lequel l’analyste part du principe que ses croyances et ses préférences sont aussi partagées par son adversaire. Plutôt que de considérer l’adversaire comme ce qu’il est réellement, l’analyste regarde dans un miroir, en pensant voir l’adversaire.
Il s’agit d’une faille extrêmement dangereuse.
Vous êtes peut-être rationnel, mais les mollahs à la tête de l’Iran ne le sont pas. Vous pouvez croire que les dirigeants veulent la croissance économique, mais les dirigeants chinois communistes placent leur parti au-dessus de tout le reste, y compris le bien-être de leur peuple. Vous pouvez croire que les rebelles houthis au Yémen veulent éviter toute attaque des Etats-Unis, mais cela leur est égal – ils vivent de toute façon dans des grottes, à l’âge de pierre.
Cette faille ne peut être plus évidente aujourd’hui que dans l’analyse du renseignement américain sur Vladimir Poutine.
En 2008, le président Bush a déclaré que l’Ukraine et la Géorgie devaient rejoindre l’OTAN. Quelques mois plus tard, Poutine a envahi la Géorgie, annexé une partie de son territoire et anéanti les chances de la Géorgie de rejoindre l’OTAN.
Poutine ne bluffe pas
En 2014, les Etats-Unis ont soutenu un coup d’Etat en Ukraine, qui a renversé un dirigeant dûment élu. Trois mois plus tard, Poutine a annexé la Crimée de l’Ukraine et en a fait une région de la Fédération de Russie. En 2021, l’OTAN a débuté des processus formels pour reconnaître l’Ukraine comme membre. En février 2022, la Russie a lancé une opération militaire spéciale qui a tué 500 000 soldats ukrainiens. (Certaines estimations sont encore plus élevées.) L’Ukraine n’a désormais plus aucune chance d’intégrer l’OTAN.
Dans tous les cas, les analystes américains ne croyaient pas que Poutine ferait ce qu’il a fait, pensant que cela pourrait affaiblir la Russie. C’est le pire cas de l’imagerie miroir. La vérité est que Poutine ne bluffe pas. Quand il dit qu’il va faire quelque chose, il le fait. Quand il dit qu’il va réagir face à une loi occidentale, il le fait.
Poutine a prévenu le monde que si l’Europe volait des actifs russes, la Russie riposterait en saisissant des milliards de dollars d’investissements étrangers directs en Russie détenus par de grandes entreprises européennes comme Siemens, Total, BP et d’autres.
Et bien sûr, quelques jours seulement après la signature d’une loi autorisant le vol des actifs russes par le président Biden, un tribunal russe a ordonné la saisie de 440 millions de dollars auprès de JPMorgan.
L’escalade dans la guerre des saisies d’actifs a commencé et Poutine finira par l’emporter. Malheureusement, l’escalade se poursuit également sur le front géopolitique. Les Etats-Unis et certains de leurs alliés européens sont de plus en plus désespérés quant à la capacité de l’Ukraine à tenir tête à la Russie sur le champ de bataille.
A court d’armes et à court d’hommes
Le récent programme d’aide à l’Ukraine, d’un montant de 61 milliards de dollars (dont les deux tiers environ iront aux entreprises de défense américaines), ne suffira pas à inverser la tendance.
Les Etats-Unis et leurs alliés de l’OTAN ont déjà donné à l’Ukraine à peu près tout ce qu’ils pouvaient se permettre de lui donner sans compromettre leur propre sécurité.
Le problème ne vient pas d’un manque d’argent, mais bien d’un manque d’armes et de munitions. Avant l’approbation du programme d’aide, des critiques ont dénoncé le fait que l’Ukraine était perdante parce que les Etats-Unis retenaient du matériel dont elle avait désespérément besoin. Mais ce n’est pas vrai.
Les Européens auraient simplement pu acheter des armes aux Etats-Unis et les livrer à l’Ukraine. Ils ne l’ont pas fait. Pourquoi ? Parce que les armes n’existent pas. Et oui, il y aura toujours des réserves d’armes pour l’Ukraine. Ils ne seront pas complètement à sec.
Mais l’Ukraine n’aura pas assez d’armes et de munitions pour entreprendre des opérations significatives contre les Russes. Elle en aura juste assez pour les maintenir dans le combat, ce qui est l’objectif de l’OTAN.
Malheureusement pour l’Ukraine, les problèmes sont bien plus profonds qu’un manque d’équipement. Le pays est aussi à court de main-d’oeuvre formée. L’ancien commandant Valeriy Zaluzhny a déclaré que l’Ukraine aurait besoin de 500 000 soldats en plus, mais elle peine à trouver de nouveaux volontaires. Environ 650 000 hommes en âge de se battre ont fui l’Ukraine.
L’armée russe, quant à elle, est encore plus conséquente qu’elle ne l’était au début de l’invasion. L’industrie russe produit des armes et des munitions à la chaîne, à un rythme effréné.
La France va-t-elle traverser le (Dniepr) Rubicon ?
Ajoutez à cela le manque d’équipement de l’Ukraine et la pénurie de main-d’oeuvre, et vous comprenez pourquoi l’Occident est de plus en plus désespéré.
Le président français Emmanuel Macron continue de dire qu’il enverra peut-être des troupes en Ukraine. Il y a quelques jours encore, il a réaffirmé qu’il n’excluait pas d’envoyer des troupes si la Russie franchissait les lignes de front ukrainiennes et si l’Ukraine le demandait.
Ce n’est qu’une question de temps avant que la Russie ne franchisse les dernières défenses principales de l’Ukraine à l’est du fleuve Dniepr. Bien sûr que l’Ukraine va demander l’aide des troupes françaises, puisque Emmanuel Macron les a lui-même proposées.
Seront-elles envoyées dans l’ouest de l’Ukraine afin de libérer les soldats ukrainiens qui y sont stationnés pour qu’ils puissent aller au front ? Ou enverront-ils des troupes françaises au front, pensant que la Russie ne leur tirerait pas dessus de peur de déclencher une guerre avec la France ? La France est une puissance nucléaire, mais elle dispose d’un arsenal nucléaire limité (essentiellement constitué de quatre sous-marins lanceurs d’engins).
La France peut donc penser qu’elle pourrait dissuader la Russie d’avancer.
Mais la Russie a déjà visé des « mercenaires » français lors d’une frappe de missiles il y a quelques mois (il s’agissait probablement de membres ukrainiens et russes de la Légion étrangère française). Et la Russie a averti la France qu’elle attaquerait les soldats français si elle les envoyait en Ukraine.
N’oubliez pas que Poutine ne bluffe pas.
Et la France n’est pas la seule à laisser entendre qu’elle serait prête à envoyer des troupes en Ukraine.
Décompte jusqu’à la guerre nucléaire
J’ai mis en garde mes lecteurs contre les dangers d’une escalade depuis que les Etats-Unis se sont engagés à défendre l’Ukraine. Malheureusement, le scénario se déroule exactement comme je l’avais prédit.
Dans l’émission 60 Minutes, Hakeem Jeffries, chef de file des démocrates à la Chambre des représentants, a déclaré : « Nous ne pouvons pas laisser l’Ukraine s’effondrer, car si c’est le cas, les Etats-Unis devront probablement s’engager dans le conflit, non seulement avec notre argent, mais aussi avec les femmes et les hommes de nos troupes. »
L’Ukraine va s’effondrer, d’une manière ou d’une autre. Peut-être pas cette année, ni l’année d’après – même si cela est probable. Mais cela arrivera.
Si M. Jeffries a raison de dire que les Etats-Unis engageront leurs forces armées pour affronter directement la Russie, nous nous préparons à une guerre nucléaire, car c’est là que la confrontation militaire mettra un vrai point final au conflit.
Toutes les grandes simulations de guerre entre les Etats-Unis et la Russie débouchent sur un conflit nucléaire.
Y sommes-nous vraiment préparés ?