Face à l’arrêt programmé des importations de gaz russe, l’Union européenne cherche de nouveaux fournisseurs, mais les coûts explosent et fragilisent les ménages comme les industries déjà sous pression.
Depuis 2021, le prix du gaz pour les ménages a augmenté en moyenne de 22,3 % par an, contre 4,8 % pour les prix à la consommation, un rythme beaucoup plus soutenu que lors de la décennie précédente. De 2010 à 2020, le prix du gaz pour les ménages progressait déjà de 3,2 % par an, contre 1 % pour les prix à la consommation.
Le coût du kilowatt d’électricité augmente de 6,1 % par an depuis 2019 (et de 7,5 % en prix TTC), mais ce n’est qu’une partie de la facture finale, car le « forfait abonnement » (un coût fixe, même avec zéro consommation, une contribution censée participer à l’entretien du réseau) a lui aussi explosé.
Ces hausses — auxquelles nul n’échappe, à moins de vivre dans une grotte, ou hélas pour beaucoup de Français dans leur voiture — sont d’une ampleur sans commune mesure avec l’inflation générale des biens et services (+0,9 %, prétend l’INSEE). Mais ces 0,9 % apparaissent encore plus surréalistes quand on découvre la hausse des prix des denrées alimentaires de base que supportent les ménages les plus modestes.
Et nos médias — avec leurs présentateurs et présentatrices payés plus de 25 000 €/mois — continuent d’expliquer au 20h que ceux qui les regardent sont victimes d’une illusion baptisée « inflation ressentie », car les gueux que nous sommes seraient assez bêtes pour considérer qu’une « fin de mois » qui commence le 20, au lieu du 25 il y a trois ans – avec des ménages qui sautent un repas sur trois et ne chauffent plus qu’une pièce sur deux (et pas à 19°, cela revient trop cher) pour limiter les découverts bancaires – est une « illusion ».
Alors que les Français vivant au nord de la Loire n’ont jamais autant remis les pulls depuis l’après-Seconde Guerre mondiale, les plus hautes autorités de Bruxelles, épaulées par les députés européens (dont la somme des revenus et avantages divers dépasse 15 000 €/mois, ils ne sont pas près de grelotter dans leur logement !), annoncent triomphalement que le gaz russe, ce sera définitivement terminé fin 2027.
Pour rappel, 34 % du GNL consommé en France en 2024 venait de Russie. Il viendra désormais des Etats-Unis, 40 % plus cher au minimum, avec en plus des coûts de transport plus élevés que le trajet Baltique–mer du Nord.
L’Europe n’achètera plus un atome de gaz russe ; les gazoducs seront fermés et les méthaniers russes interdits d’accoster dans nos ports pour décharger leur GNL bon marché provenant de Sibérie. Place au GNL américain, qui coûte deux fois plus cher. Grâce à cela, les Etats-Unis sont devenus le premier exportateur mondial de GNL en 2023, dépassant le Qatar (qui fournit l’Europe et son principal partenaire, la Turquie) et l’Australie (qui fournit la Chine et les pays d’Asie du Sud).
Place au gaz d’Azerbaïdjan (qui n’en produit quasiment pas — leur spécialité, c’est le pétrole offshore en mer Caspienne — mais qui va en importer massivement de Russie et nous le revendre en prélevant sa commission au passage) ; place au GNL indien (l’Inde est le 4ᵉ importateur mondial, Total va participer à l’accroissement de ses capacités de traitement, et devinez d’où ce gaz provient !). Quant à l’Italie, elle va importer du gaz algérien négocié à « prix d’ami », compte tenu de la lune de miel que l’on observe entre Giorgia Meloni et le président Abdelmadjid Tebboune.
L’Allemagne, de son côté, continue de fermer des usines, et 94 % des entreprises industrielles germaniques ont délocalisé toute ou partie de leur production dans des pays à bas coûts énergétiques. D’abord vers les Etats-Unis — où Trump ne fait pas mystère de vouloir siphonner l’industrie allemande — puis vers la Turquie, l’Inde et inévitablement la Chine.
Il n’y a pratiquement plus d’industrie de spécialités chimiques dans la Ruhr ; la production d’engrais azotés (ANFO, un sous-produit du gaz naturel) est tombée à zéro en trois ans.
Les 68 227 défaillances d’entreprises qui ont été recensées par la Banque de France (chiffres officiels) ces douze derniers mois — une bonne partie à cause des coûts énergétiques, l’autre à cause de l’effondrement de l’activité logement — devraient alerter les chefs de partis à Bruxelles, dont la « base » citoyenne subit une crise économique sans précédent depuis 2010.
Mais aucun chiffre n’émeut les dirigeants bruxellois, car en tête de leur agenda figure le soutien à l’Ukraine jusqu’à « la défaite de la Russie ». La Russie finira peut-être un jour (probablement assez lointain) à genoux… mais en attendant, la réalité, c’est que l’économie européenne enregistre la plus forte hausse de défaillances d’entreprises jamais observée depuis que l’euro existe : +150 % en 2025.
Et la Russie, qui vient de supprimer les visas touristiques pour les voyageurs venus de Chine, s’apprête à voir déferler la plus forte vague touristique de son histoire, à Moscou, Saint-Pétersbourg, Kazan, Sotchi, Vladivostok… Le Transsibérien affiche déjà complet pour des semaines, le nombre de vols commerciaux entre les deux pays explose.
Mais au-delà du volet touristique, qui va apporter durant toute l’année 2026 une manne financière de plusieurs milliards d’équivalent dollars à la Fédération de Russie, c’est surtout la confirmation que le Kremlin se tourne définitivement vers Pékin, industriellement, politiquement, culturellement — ce qui aura des conséquences géopolitiques majeures et qui ne seront pas inversées de sitôt, même si les élites de Bruxelles devaient être « renouvelées » (et redéfinir leur ligne diplomatique et leurs partenariats économiques avec les pays du continent asiatique).
Et Moscou rend la monnaie de sa pièce à l’Europe, qui vient d’interdire à nos voyagistes, début novembre, de fournir la moindre prestation concernant la Russie. Emmanuel Macron est aujourd’hui même en visite d’Etat en Chine, avec l’ambition affichée de convaincre Xi Jinping de faire pression sur Poutine pour accepter un plan de paix qui ferait de la Russie le vaincu et des russophones du Donbass les parias définitifs de leur pays (leur langue ne serait plus enseignée, rayée des documents officiels, etc.).
On ne peut exclure que Xi Jinping accueille justement le président français pour lui demander de faire pression sur Ursula von der Leyen afin de renoncer à un plan de paix parfaitement inacceptable et insultant pour un allié — « ami indéfectible et sans limite » — de Pékin.
Et Pékin n’aime pas que l’on maltraite et boycotte ses alliés, au risque de s’exposer à une hostilité réciproque de l’Empire du Milieu.
