Une économie n’est pas une automobile que l’on peut régler, bidouiller et piloter à sa guise : un fait que les autorités américaines vont apprendre à leurs dépens.
Nous sommes allé à la capitale régionale pour régler quelques affaires. L’Argentine a l’un des confinements les plus stricts au monde. Les voyages aériens vers l’Europe ou les Etats-Unis, par exemple, ne devraient pas reprendre avant septembre.
Il n’y a pas de cas de Covid-19 à Salta, cependant. On a donc laissé la vie revenir à la normale… ou presque.
La ville n’est pas jolie. Les trottoirs sont pleins de nids-de-poule ; nous trébuchons par les rues comme si nous avions un problème de boisson.
Les boutiques sont ouvertes. Les restaurants aussi. Mais il y a peu de clients et encore moins de convives. Hier soir, dans un restaurant de quartier, nous étions les seuls clients. Quant aux magasins de souvenirs – qui vendent principalement des tenues de gauchos – ils sont quasiment vides.
Même s’il n’y a pas de preuves d’infection active dans la ville, nous devons porter un masque chaque fois que nous sortons.
Combien d’homicides ?
Salta compte près du double d’habitant de notre ville d’origine, Baltimore. Ici, les gens sont bien plus pauvres – avec un salaire moyen qui n’est probablement que de 15 $/ jour environ. Nous ne voyons pourtant pas de mendiants, de SDF ou de vagabonds. A Baltimore, ils pullulent.
Baltimore compte environ un meurtre par jour, avec un taux d’homicide (pour 100 000) de 56. A Salta, le taux d’homicide n’est que de sept pour 100 000 – un chiffre que les journaux locaux trouvent « alarmant ».
Mais en Argentine comme aux Etats-Unis, les autorités détruisent leur économie… plus rapidement encore ici qu’aux Etats-Unis, probablement parce que les gauchos ont plus d’entraînement.
Ici, les employeurs sont obligés de continuer à payer leurs employés durant le confinement, même si ces derniers ne travaillent pas. Cela n’a pas pesé sur le secteur agricole – le bétail doit être nourri et les champs semés quoi qu’il arrive. Mais pour de nombreux autres secteurs – notamment le tourisme, les voyages et l’hôtellerie – c’est un désastre.
Déjà, trois des cinq compagnies aériennes desservant Salta ont annoncé soit qu’elles abandonnaient le trajet, soit qu’elles mettaient la clé sous la porte purement et simplement. LATAM Airlines, que nous prenons d’ordinaire du Panama à Salta, a fait les deux.
Des dommages intentionnels ?
« C’est peut-être intentionnel », a dit un ami au sujet des dégâts causés dans l’économie argentine par le confinement sévère. « L’idée est peut-être de ravager entièrement l’économie et d’en accuser le Covid-19. Ensuite, les autorités nationaliseront certains secteurs et pourront démontrer qu’il y a de de l’amélioration à mesure que l’économie rouvre. »
C’est peut-être vrai. Plus probablement, ils n’ont pas la moindre idée de ce qu’il se passe. Les politiciens et les experts en santé ne savent absolument pas comment fonctionne une économie. Ils pensent que ce n’est qu’un véhicule qui permet d’amener les décideurs là où ils souhaitent aller.
Cette métaphore mécanique mène ces benêts à croire qu’une économique est une chose qu’on peut allumer et éteindre… accélérer… ou ralentir. Ils pensent pouvoir la piloter, la « régler »… et la « réparer » quand elle tombe en panne.
Mais une vraie économie n’est pas du tout mécanique. Elle est plutôt comme un organisme vivant… constitué de milliards d’autres choses vivantes, chacune ayant ses propres idées, compétences et ambitions.
Ces parties sont indépendantes les unes des autres, mais travaillent ensemble comme les parties du corps. Le foie ne peut exister sans le cœur – mais ni l’un ni l’autre ne veut que la thyroïde leur dicte leur conduite.
Tenter de bidouiller… ou améliorer… un organisme aussi complexe est aussi futile que vaniteux. On ne peut améliorer que la petite partie qui nous appartient – en réparant le trottoir devant chez nous, par exemple, ou en souriant à un voisin grincheux. On ne peut jamais améliorer l’ensemble.
Corrompu et instable
Pourtant, voilà que les charlatans débarquent avec leur opium et leur arsenic. Ils empoisonnent toute la civilisation – l’économie, le gouvernement et la société aussi.
Pour que les gens puissent cohabiter en paix, ils doivent partager une entente commune – un « contrat social » – dont la majorité, au centre, pense qu’elle est équitable.
Aujourd’hui, le centre vacille. Parce que le « système à deux systèmes » est corrompu et instable. Il récompense certains et punit d’autres. Il fait grimper les prix de l’économie financière…
… Mais ralentit l’économie réelle, qui ploie sous le fardeau de plus de 78 000 Mds$ de dettes, de distributions de fausse monnaie et de faux signaux financiers.
Les Argentins ont vécu une période similaire dans les années 1970 et 1980… quand l’inflation a grimpé à 20 000%. La violence a augmenté et l’armée a pris la tête du pays. Ensuite, les choses ont empiré à mesure que les généraux faisaient « disparaître » quiconque osait protester.
Il y a encore beaucoup de chemin…
Les Etats-Unis, eux, ont encore beaucoup de chemin à faire pour en arriver là…
Pour commencer, la Réserve fédérale doit accélérer son impression monétaire. C’est presque garanti. Parce que s’ils reculent maintenant, les marchés boursiers vont rechuter.
Deuxièmement, les autorités doivent « stimuler » l’économie réelle également. Elles ont déjà fait de gros efforts – des chèques de 1 200 $ pour chaque Américain ou presque et un déficit à 4 000 Mds$.
Ce n’est qu’un début. Il n’y aura pas de reprise en « V » – si bien que les autorités dépenseront plus encore.
Troisièmement, le dollar doit chuter. En fin de compte, c’est là aussi quasiment garanti. Mais cela peut prendre du temps.
Quatrièmement, les prix à la consommation doivent grimper. Ce sera lent au début. Ensuite, les Américains verront les prix grimper et réaliseront que leurs dollars ne valent pas autant qu’ils le pensaient.
Soudain, les dollars commenceront à changer de mains plus rapidement. La « vélocité de la monnaie » s’envolera, les gens n’étant plus prêts à détenir des dollars sur leurs comptes en banque. Ensuite, les prix grimperont bien plus rapidement.
Gare à la bombe
Parallèlement, les masses doivent commencer à devenir nerveuses… sentant que quelque chose va très mal, sans savoir quoi exactement. Les agitateurs d’un côté montreront du doigt les « capitalistes cupides », les « racistes » et les « fascistes ».
De l’autre côté, on voudra faire intervenir l’armée pour restaurer « la loi et l’ordre »… même si cela implique de s’asseoir sur la Constitution.
A ce stade, le centre n’existe plus. Crétins à gauche, imbéciles à droite – et rien au milieu.
Les autorités imprimeront de plus en plus d’argent… juste pour maintenir le couvercle en place. Mais la bombe explosera quand même.
Il faudra se mettre à l’abri. Mensonges, accusations, complots et conspirations – les débris voleront en tous sens…
… Et les résultats, ensuite, seront entièrement imprévisibles.