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Accord européen du 21 juillet : qui a gagné ?

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Moins de gabegie que prévu, et un accord signé en un temps record : que faut-il retenir de l’accord « historique » qui a vu le jour le 21 juillet dernier ?

Hier, nous avons vu que le Conseil européen extraordinaire qui s’est tenu du 17 au 21 juillet a débouché sur un accord à 750 milliards d’euros.

Au nom de tous les Etats membres de l’Union européenne (UE), la Commission va lever pour 360 milliards d’euros de prêts et 390 milliards d’euros de subventions. Ces dernières seront allouées aux Etats « les plus frappés par la pandémie ».

L’accord des Etats fourmis n’a pas été obtenu sans de lourdes concessions de la part des Etats cigales.

Contributions des Etats cigales rabaissées, programmes communautaires sabrés 

Ces concessions portent d’abord sur la participation respective des Etats cigales au budget de l’Union.

Vous vous souvenez que l’un des enjeux de ce budget allait être de déterminer quels pays allaient se substituer à la contribution nette des Britanniques, qui ont quitté le navire UE le 1er février. Eh bien, ce ne seront pas les pays du nord, qui ont négocié de copieux rabais à leurs contributions.

Compte tenu de ces réductions, le cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 de l’UE ne se montera « qu’à » 1 074 milliards d’euros (soit 154 milliards d’euros par an sur les sept prochaines années). Ce montant est très largement inférieur aux 1 100 milliards d’euros proposés en mai par la Commission européenne, et aux 1 300 milliards d’euros défendus par le Parlement européen.

Il s’agit en outre d’une baisse de 0,79% par rapport au CFP 2014-2020 qui se montait à 1 082,6 milliards d’euros, quoi que ce cadre était celui d’une UE à 28 et non à 27.

Comme les autres Etats membres n’ont pas fait preuve d’un enthousiasme débordant pour compenser le départ du Royaume-Uni et les rabais octroyés aux Etats fourmis, il a bien fallu tailler dans le vif au niveau des programmes communautaires. Voici le résultat des courses :

Vous pouvez ajouter à cela que le programme « Horizon Europe » (R&D) ne se voit plus doté de 100 milliards d’euros mais de 81 milliards d’euros.

Bref, il y aura sans doute un peu moins de gabegie que prévu à l’échelon européen au cours des sept prochaines années.

Reste au Parlement européen à approuver le CFP 2021-2027, avant que la Commission ne puisse commencer à intervenir sur les marchés.

Cela ne s’annonce pas gagné d’avance puisque si le Parlement a certes salué l’accord sur le plan de relance par l’adoption d’une résolution en ce sens le 23 juillet…

… Il « n’accepte pas en l’état l’accord politique sur le cadre financier pluriannuel 2021-2027 » et se déclare en conséquence « prêt à engager dès à présent des négociations constructives avec le Conseil pour améliorer leur proposition ». Affaire à suivre, donc.

Quoi qu’il en soit, l’étape franchie le 21 juillet par les 27 nous est présentée comme un accord « historique » pour l’Europe… mais une avancée historique pour qui, au juste ?

Comme c’est le cas de toute bonne histoire, il y a plusieurs façons de la raconter.

Une victoire du leadership féminin ? 

Commençons avec le degré zéro de la lecture politique. C’est bien sûr celui qui consiste à voir dans cet accord « à l’arraché » une grande victoire des femmes sur les hommes, au travers d’une lecture genrée dont certains semblent décidément ne jamais devoir se lasser.

Une vision partagée par Christine Lagarde, qui confiait au Washington Post le lendemain de l’accord : « j’ai appris que les femmes ont tendance à faire un meilleur travail ».

Non seulement cela fait fi du fait qu’Ursula von der Leyen est loin d’avoir gagné la confiance du tout-Bruxelles…

11 mai 2020 : Des fonctionnaires de l’UE se demandent si c’est bien la personne ad hoc qui dirige le spectacle

… mais cette version des faits oublie que les hommes n’ont pas donné leur part aux chiens.

Faut-il rappeler que le plan de relance est né d’une initiative commune à Angela Merkel et Emmanuel Macron, que le groupe des Etats cigales a été mené par Mark Rutte et que le Conseil européen était présidé par Charles Michel ?

Loin de moi cependant l’idée de jeter des fleurs aux hommes. J’aurais plutôt tendance à rejoindre Bruno Bertez qui commentait au lendemain de l’accord :

« Nous sommes en pleine névrose nombrilistique, Ils sont tellement contents de ce qu’ils ont fait entre eux que le monde extérieur n’existe pas. »

Un constat qui n’a pas besoin d’être genré pour être vérifié.

Mais alors si ce n’est pas à une victoire des femmes que nous avons assistés, au crédit de qui porter cet accord ?

Une victoire de la culture du consensus, donc une victoire de la démocratie sur le jacobinisme à la française 

Quoi que l’on pense du contenu de l’accord, s’il y a bien un point que l’on peut mettre à l’actif des 27, c’est qu’ils sont parvenus à prendre une décision en un temps record.

Entre la crise de 2008 et la crise de la Zone euro qui s’en était suivie, il avait fallu quatre ans pour que les Etats membres de la zone prennent la décision politique de sauver la monnaie unique, et que Mario Draghi en tire les conséquences en matière de politique monétaire en dégainant son fameux « whatever it takes » le 26 juillet 2012.

Avec ce qu’il est pudiquement convenu d’appeler la « crise du Covid-19 », les 27 ont conclu en un temps record un accord inimaginable un semestre plus tôt. « En deux mois, nous avons réussi à bâtir un consensus pour que ce plan de relance inédit devienne une décision et donc une réalité », s’est félicitée Angela Merkel le 21 juillet.

L’UE est souvent critiquée pour son incapacité à décider rapidement, du fait que les choix majeurs doivent être tranchés à l’unanimité de ses 27 Etats membres. Cette lenteur est particulièrement agaçante dans nos esprits français, habitués au rouleau compresseur de la Vème République et depuis longtemps étrangers à la culture du consensus.

Avec cet accord, l’UE a montré que ce mode de gouvernance n’est pas nécessairement voué au marasme.

Les marchés ont apprécié la nouvelle puisqu’au 28 juillet, le Sentix (l’indice d’éclatement de l’euro) affichait 5,77%, un taux très proche de son plus bas de novembre 2019 à 5,2%.

La culture du consensus l’a donc emporté, et c’est un très bonne nouvelle pour la démocratie à l’échelon européen. Cela ne nous dit cependant rien de qui a gagné à cet accord sur le plan financier.

A suivre donc…

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